Libération : Scénarios d'un après-non
http://www.liberation.fr/page.php?Article=286732Si la France ne ratifie pas le traité constitutionnel européen lors du
référendum du 29 mai...
Scénarios d'un après-non
Par Jean-Michel HELVIG
Jean-Michel Helvig journaliste à Libération.
samedi 02 avril 2005 (Liberation - 06:00)
Envisager les conséquences d'un non français à la Constitution européenne ce
n'est pas forcément céder à la politique-fiction, tant l'échéance
référendaire est proche et les éléments de contexte ou de calendrier déjà
connus.
Au soir du 29 mai, les partisans du non exigeraient pour les uns la
renégociation, pour d'autres l'abandon du texte. C'est ce qui ressort des
campagnes actuelles. Pour ce qui est de la seconde option, rien de plus
simple : le président de la République annonce que la France assume l'échec
du traité constitutionnel puisqu'il doit être ratifié par les 25 (article
IV-447). C'est donc le traité de Nice qui restera en vigueur, dont il est
déjà assuré, soit dit en passant, qu'il ne permettra pas de faire
fonctionner cette Europe à 25 (c'est même pour cela qu'une convention
constitutionnelle a été réunie de février 2002 à juillet 2003). Mais c'est
une autre histoire.
Nombreux seront ceux qui réclameront de renégocier sans attendre. Mais qui,
quoi, quand et avec qui ? Pour ce qui est de l'interlocuteur présidentiel,
ceux qui tablent sur une démission de Jacques Chirac rêvent un peu : on ne
survit pas à quarante ans de coups de tabac politiques et judiciaires sans
lâcher ainsi le morceau. Ensuite sur quelle base «renégocier» parmi toutes
les facettes d'un non majoritaire ? Les souverainismes de Le Pen, Villiers
ou Chevènement ? L'anticapitalisme de Besancenot-Laguiller?
L'antilibéralisme et le protectionnisme du PC et d'Attac ? L'antilibéralisme
et le fédéralisme de Fabius et Emmanuelli ? Le rejet de la Turquie partagé à
gauche et à droite ?
Mais ce n'est pas tout. Ceux qui ont déjà ratifié peuvent-ils d'un coup
revenir sur le mandat que leur ont donné leurs Parlements ou leurs électeurs
? Imaginons quand même une remise à plat : chacun s'empresserait bien sûr de
reprendre les concessions faites : Dieu pour les Polonais, la charte pour
les Britanniques, les droits de vote pour l'Espagne, etc.
Il est plus probable que la logique des autres membres de l'Union, après le
non français, serait de gagner du temps en rappelant que le processus de
ratification prévu jusqu'au 1er novembre 2006 doit aller à son terme au
moins par égard pour ceux qui n'ont pas encore ratifié avant que soit
déclenchée la procédure de la déclaration numéro 30 annexée à la
Constitution prévoyant une réunion du Conseil européen afin d'examiner le
cas de ceux qui ont des «difficultés».
D'ici là les esprits auront-ils évolué ? La France vote le 29 mai sous
présidence luxembourgeoise, mais qui assure ensuite pour six mois la
présidence de l'Europe au 1er juillet ? le Royaume-Uni , à qui succédera
l'Autriche !... On subodore la mauvaise volonté ironique qui prévaudra à
Londres face aux requêtes d'un Jacques Chirac qui naguère n'excluait pas que
l'on pose aux Anglais la «question de confiance» de leur appartenance à
l'Union...
Gerhard serait-il alors d'un grand secours pour son ami Jacques ? Après
avoir arraché au forceps un assouplissement du pacte de stabilité, priorité
absolue pour son gouvernement, on le voit mal remettre de sitôt le couvert
pour une nouvelle négociation marathon à 25.
Le monde ne s'arrêtera pas de tourner en cas de non de la France, c'est
cette dernière qui risque de tourner en rond dans un environnement européen
où elle sera devenue de moins en moins une solution et de plus en plus une
«difficulté».
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