Bien sûr que la légalisation obligera les politiques à se bouger !
C'est pour ça qu'on les élit.
Je cite ici un extrait d'un texte avec questions-réponses (j'ignore qui est l'auteur, il se reconnaîtra s'il est dans les parages
" Après dépénalisation quels seront les revenus des petits dealers ? Le vol à la tire, la prostitution ?"
Je m'attendais un jour ou l'autre à cet argument ici, que je range dans la catégorie " tartes à la crème " par leur côté burlesque. C'est le genre d'argument que l'on sort pour tenter d'en avoir encore de "valables" pour que les choses ne changent pas, une fois les premiers sortis tombés dans l'absurde au cours d'un débat. Cette dialectique sur la faillite des dealers — et des banlieues — suite à une légalisation est particulièrement grave en termes juridiques et d'Etat de droit, car elle sous-tend que, pour faire face à certaines incuries sociales, il faut des activités illégales pour que ces banlieues avec leurs petits dealers survivent. Belle conception républicaine !
On ne se rend pas compte tout ce qu'il peut y avoir de dangereux et de scandaleux dans cet argument anti-social et amoral : on accepte de facto que les personnes vivant dans des ghettos nommés banlieues ou usagers de drogues n'aient d'autre solution que le trafic illicite pour vivre, et on préfère le trafic illégal de shit aux autres activités illégales, et pour inciter vers ce trafic, il faudrait maintenir la pénalisation ? Où est l'incitation ? Et n'est-ce pas une façon maladroite et malhonnête de confirmer que la prohibition est le moteur des trafics, donc de la propagation ? Argument irrecevable en conséquence.
Irrecevable aussi par le fait que, une fois le cannabis légalisé, les tensions entre " autorité " et "jeunes " (pas tous bien sûr) devraient se calmer un peu, beaucoup moins d'entre eux ayant à craindre d'être traités en délinquants par la police à cause du shit (sans parler de quelques emplois en perspective...). Reste bien entendu les petites frappes, les vraies, mais celles-ci ne disposeront plus du bienveillant silence protecteur de leurs clients —souvent leurs obligés —, qui n'avaient avant d'autre choix que de s'adresser à elles pour se fournir (et la qualité n'était pas toujours au rendez-vous, mais d'autres produits plus dangereux...).Il faut savoir ce qu'on veut : de la sécurité dans la légalité ou des zones de non-droit avec économie parallèle. Et c'est cette dernière proposition que l'on défend sans s'en rendre compte avec cet argument particulièrement cynique pour justifier la prohibition, et en croyant faire du "social " en plus... C'est véritablement révoltant ! Doublement irrecevable comme argument.
Dans ce cas, soyez logique jusqu'au bout : pour faire faire des économies à l'Etat, on devrait dépénaliser totalement et laisser faire sans poursuivre... Là il pourrait dire vraiment qu'on se soucie du sort de ces "pauvres dealers" qui seraient en faillite à cause de la légalisation. Pourquoi pas ? Mais je crains que cela pose beaucoup de problèmes.
Je reviens sur un élément de ma réponse, car on m'a objecté un argument aussi classique qu'imbécile, et qui a le don de m'énerver un peu. Je reprends donc son passage : " Après dépénalisation quels seront les revenus des petits dealers ? Le vol à la tire, la prostitution ? "
Belle préoccupation s'il en est. La prohibition du cannabis est justifiée, par cet argument stupide, par le fait qu'il vaut mieux être dealer de shit que gangster ou prostitué. Elle est présentée de la sorte comme une nécessité pour fournir des activités illégales qui seraient un moindre mal — reconnaissant tacitement que le cannabis ne cause pas de problèmes trop graves — pour certaines catégories de la population.
Si le cannabis est une catastrophe et qu'il faille à tout prix — pour éviter le vol à la tire ou la prostitution — fournir aux mafias un commerce illicite pour vivre qui ne soit pas trop dommageable à la société, je propose, suivant ce même cheminement de la pensée, qu'on prohibe alcool et tabac d'urgence, produits jusque-là considérés comme tolérables actuellement car non illicites, donc plus tolérables que le cannabis, et voir ainsi ces organisations criminelles reprendre ce commerce, dans l'illégalité cette fois, au détriment des autres commerces, comme le cannabis. Il faut mieux un dealer de tabac ou d'alcool que de hasch, non ? Au moins il vivra, aura de l'argent, fournira une matière première pour assurer des promotions dans certains services de police (ascenseur de carrière, comme pour les drogues actuellement), et on limiterait ainsi spectaculairement l'offre en autres drogues illicites, à commencer par le cannabis... Est-ce cela à quoi il pensait ?
Et au moins, dans cette hypothèse, il n'y aurait plus cette injustice entre alcool et cannabis. S'il pensait à cela, je serais presque d'accord... que tous goûtent aux délices de la prohibition !