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http://www.liberation.fr/page.php?Article=291200Référendum du 29 mai. A la demande de la Grande-Bretagne, la charte des
droits fondamentaux, intégrée à la Constitution, n'a pas de valeur
juridique. Elle aurait toutefois des effets sur l'adaptation des lois
européennes dans chaque pays.
La Constitution garantira-t-elle les droits fondamentaux ?
Par Hervé NATHAN
jeudi 21 avril 2005 (Liberation - 06:00)
A la demande de la Grande-Bretagne, la charte des droits fondamentaux,
intégrée à la Constitution, n'a pas de valeur juridique. Elle aurait
toutefois des effets sur l'adaptation des lois européennes dans chaque pays.
La Constitution garantira-t-elle les droits fondamentaux ?
Drôle d'objet et singulier destin que celui de la charte des droits
fondamentaux de l'Union, qui compose la Partie II du projet de traité
constitutionnel. Le chantier d'un texte qui formalise les engagements
européens en matière de droits individuels a été lancé par le Conseil
européen des chefs d'Etat et de gouvernent en 1999. La rédaction a été
confiée à une «enceinte» de 62 parlementaires européens et nationaux, de
représentants des gouvernements et de la Commission. Sous la présidence du
juriste Roman Herzog, ex-président de la République fédérale d'Allemagne,
l'enceinte s'est autoproclamée «convention». Et a initié une procédure
ouverte d'élaboration, réservant une grande écoute à la société civile et
une place spéciale aux partenaires sociaux (syndicats et patronat). Cette
procédure, et le nom de convention, a été reprise en 2002 pour rédiger le
projet de Constitution de l'UE.
Droit de grève. La rédaction de la charte a donné lieu à de nombreux
affrontements. Tout d'abord, sur la forme, les Britanniques n'ont accepté
l'exercice qu'à condition qu'elle n'ait aucune force juridique. C'est
pourquoi, à Nice, en décembre 2000, les dirigeants européens se sont
contentés de la «proclamer», avant de la ranger dans un tiroir. Au même
moment, dans les rues de la ville, 100 000 manifestants, dont la moitié de
militants de la CGT, réclamaient que la charte soit inscrite dans les
traités. Sur le contenu ensuite. Par exemple, il a fallu que la
Confédération européenne des syndicats (CES, regroupant plus de 60 centrales
syndicales) bataille ferme pour que le droit de grève soit inclus dans le
texte, lors des dernières discussions.
La charte déroute quelque peu le lecteur français, bien qu'elle soit sans
nul doute la partie la plus accessible du traité. Elle est plus large que la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 puisque, aux droits
de première génération (les droits de la personne, les libertés
individuelles, etc.), elle ajoute les droits de «deuxième génération»
(droits sociaux) et de «troisième génération» (bioéthique, droit à
l'environnement et du consommateur, protection des données
informatiques...). Elle s'éloigne aussi du préambule de la Constitution
française de 1946, qui fondait une république «sociale». Exemple : la charte
proclame le droit «de travailler» et pas le «droit au travail», inscrit dans
le préambule de 1946, repris dans la Constitution de la Ve République. Pour
les partisans du non, c'est la preuve d'une régression annoncée, et
qu'aucune obligation n'est faite à l'Union de remédier au chômage. Les
partisans du oui rétorquent que le droit au travail tout comme le droit au
logement , bien que de valeur constitutionnelle, est quotidiennement bafoué
en France où l'on dénombre 2,5 millions de chômeurs. En fait, les rédacteurs
de la charte ont voulu garantir des droits effectifs, plutôt que des droits
qui seraient des objectifs politiques.
Reste que la charte illustre bien un modèle de société européen. Le droit de
fonder une famille est ainsi dissocié du droit de se marier, laissant
ouverte la question des familles homosexuelles. Avec ses limites : la charte
distingue les droits des citoyens de l'Union de ceux des étrangers
résidents, ce qui est déjà le cas dans tous les pays membres.
Jurisprudence. Le réel débat concerne la portée de cette charte. Tout
d'abord, une bonne partie des articles est reprise telle quelle de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales (CEDH) adoptée en 1950 (1). Ensuite, sous la pression des
Britanniques, la charte ne s'applique qu'aux actes de l'Union. Concrètement,
lorsqu'une loi européenne sera transcrite en droit national (ce qui
représente près de la moitié du travail législatif et réglementaire
français), il faudra vérifier qu'elle est conforme à la charte. En revanche,
pour ce qui relève des législations strictement nationales, rien n'oblige un
pays membre à respecter la charte.
Le Royaume-Uni était particulièrement inquiet que cette deuxième partie de
la Constitution ne l'oblige à réviser à la hausse tel ou tel pan de sa
législation sociale, comme l'autorisation de travailler dès l'âge de 14 ans.
Afin d'éviter que la Cour de justice européenne de Luxembourg ne bâtisse une
jurisprudence trop extensive, la Grande-Bretagne a donc obtenu que
l'interprétation de la charte se fasse à la lumière des «explications»
plutôt limitatives apportées par la convention. Dans certains cas, la France
a d'ailleurs tout lieu de s'en réjouir. Ainsi, il est précisé que la liberté
de pratiquer sa religion en public pourra être encadrée, voire interdite,
pour des motifs d'ordre public.
Hervé Nathan
(1) La CEDH est le socle du Conseil de l'Europe, qui dispose de sa propre
Cour des droits de l'homme à Strasbourg et regroupe aujourd'hui 46 pays
membres de tout le continent.
OUI
«Les Français veulent une Europe qui ait une âme : la Constitution est
porteuse de valeurs, elle consacre la charte des droits fondamentaux. Pour
la première fois, les Français retrouveront dans le traité les droits
auxquels ils sont attachés depuis la Déclaration de 1789 et le préambule de
la Constitution de 1946.»
Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, le 5 avril 2005, à l'Assemblée
nationale
NON
«Quant à l'intégration de la charte des droits fondamentaux [...], c'est une
vaste duperie. [...] Ladite charte n'est qu'un rappel de généralités et de
voeux pieux bien en deçà de la plupart des droits sociaux et démocratiques
acquis dans la majorité des pays d'Europe.»
Alain Krivine, porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire, le 23
octobre 2003, dans le Monde
Article I-9
Partie I
ß1. L'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans
la charte des droits fondamentaux qui constitue la partie II.
ß3. Les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles
communes aux Etats membres ,font partie du droit de l'Union en tant que
principes généraux.
Partie II Préambule
Les peuples d'Europe, en établissant entre eux une union sans cesse plus
étroite, ont décidé de partager un avenir pacifique fondé sur des valeurs
communes. [...]
Consciente de son patrimoine spirituel et moral, l'Union se fonde sur les
valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté,
d'égalité et de solidarité ; elle repose sur le principe de la démocratie et
de l'Etat de droit. Elle place la personne au coeur de son action en
instituant la citoyenneté de l'Union et en créant un espace de liberté, de
sécurité et de justice. [...]
La charte sera interprétée par les juridictions de l'Union et des Etats
membres en prenant dûment en considération les explications établies sous
l'autorité du praesidium de la Convention européenne.
Article II-111
ß1. Les dispositions de la présente charte s'adressent aux institutions,
organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de
subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en
oeuvre le droit de l'Union. [...]
ß2. La présente charte n'étend pas le champ d'application du droit de
l'Union au-delà des compétences de l'Union, ni ne crée aucune compétence ni
aucune tâche nouvelles pour l'Union et ne modifie pas les compétences et
tâches définies dans les autres parties de la Constitution.
ß1. Les dispositions de la présente charte s'adressent aux institutions,
organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de
subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en
oeuvre le droit de l'Union. [...]
ß2. La présente charte n'étend pas le champ d'application du droit de
l'Union au-delà des compétences de l'Union, ni ne crée aucune compétence ni
aucune tâche nouvelles pour l'Union et ne modifie pas les compétences et
tâches définies dans les autres parties de la Constitution.
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