vendredi 14 janvier 2005 (Liberation.fr - 07:07)
Par A. Au
21 mai 1999, Arroyo Hondo, Etat du Nouveau-Mexique. Au cours d'une descente chez un membre de l'Union du végétal (UDV), les douanes américaines saisissent 100 litres d'ayahuasca. Cette infusion hallucinogène à base de plantes amazoniennes (1) est utilisée par de nombreux cultes syncrétiques mêlant christianisme et chamaniques, dont les principaux sont le Santo Daime et l'UDV, parfaitement légaux au Brésil où ils comptent chacun des milliers d'adeptes, et de plus en plus répandus dans de nombreux pays d'Occident.
L'affaire américaine aurait pu en rester là si le propriétaire de la demeure et représentant local de l'UDV n'était autre que le petit-neveu du fondateur de l'empire Seagram, Jeffrey Bronfman. Lequel a immédiatement saisi ses avocats pour attaquer le gouvernement américain au nom de la sacro-sainte liberté de religion. Et ses arguments ont porté : à trois reprises les juges fédéraux lui ont donné raison. La cour d'appel de Denver a ainsi estimé qu'en l'absence de preuves scientifiques sur d'éventuels dangers de l'ayahusca pour la santé publique, la liberté de religion devait primer. En attendant de trancher sur le fond, la Cour suprême a même décidé le mois dernier que les rituels d'ayahuasca pourraient reprendre. Ce qui a valu un hallucinant Noël aux membres de l'UDV.
Ce cas est loin d'être isolé aux Etats-Unis, où les Indiens bénéficient déjà depuis longtemps de l'autorisation d'utiliser le peyotl (cactus hallucinogène) comme sacrement. Résultat, d'autres groupes tentent de s'infiltrer dans la brèche. Et de se voir reconnaître le droit d'user à leur tour de produits classés comme stupéfiants dans un cadre rituel. Diverses «églises» rastafariennes, dont la dernière en novembre 2004, ont ainsi tenté, en vain, de plaider l'usage rituel de la marijuana. Idem en Afrique du Sud, où la justice a également débouté une église rastafarienne en 2002. La même année, en Jamaïque, les partisans de la dépénalisation du cannabis ont également mis en avant l'influence de l'Eglise rastafarienne pour convaincre les parlementaires du bien-fondé de leur démarche. Sans pour autant les convaincre. Arnaud Aubron
(1) Banisteriopsis caapi et psychotria viridis, laquelle contient de la DMT (diméthyltryptamine), classée par l'ONU au tableau I des stupéfiants.