par Anonymous » 15 Sep 2003, 20:57
Les usagers du cannabis devraient désormais écoper de contraventions
LEMONDE.FR | 15.09.03 | 19h39
La consommation du cannabis chez les jeunes Français est, depuis dix ans, en constante augmentation et place la France dans le peloton de tête des pays européens.
Un rapport, remis lundi 15 septembre à Jean-Pierre Raffarin, recommande de sanctionner l'usage de drogue, notamment de cannabis, d'une contravention, mais laisse au premier ministre le soin de trancher sur son montant, qui pourrait aller jusqu'à 1 500 euros. Les usagers de produits stupéfiants, quels qu'ils soient, ne seraient ainsi plus passibles de prison comme prévu dans la loi de 1970. M. Raffarin devrait lever le voile sur ses choix dimanche 21 septembre dans l'émission "Zone interdite" sur M6 et une réunion des représentants de plusieurs ministères est prévue mardi sur le sujet.
Ce rapport est le fruit des travaux de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt), qui regroupe des représentants de l'intérieur, de la justice, de l'éducation nationale et de la santé. Le texte, qui se concentre notamment sur la consommation de cannabis chez les plus jeunes, reste fidèle aux vœux de la majorité en ne distinguant pas drogues "dures" et "douces". En toute logique, la Mildt ne recommande donc pas d'établir des sanctions différentes en fonction du produit consommé.
En revanche, le texte prend acte de ce que le président de la mission, Didier Jayle, avait décrit en juin comme "un consensus pour penser qu'il ne faut plus envoyer en prison les consommateurs de drogues". Il préconise, en remplacement, l'établissement de contraventions. "Il faut une sanction systématique, notamment pour le cannabis, qui est le plus massivement consommé", selon un membre de la Mildt.
Le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, a expliqué lundi qu'il "avait appelé" à la réforme de la loi de 1970 pour "deux raisons". "Premièrement, elle est inapplicable aujourd'hui. Mettre en prison un fumeur de cannabis n'a pas de sens. C'est une réaction parfaitement exagérée. Et nous gardions un texte qui n'était plus appliqué de facto par la justice. Deuxièmement, la France est championne d'Europe pour la consommation de cannabis chez les plus jeunes. Est-ce une situation que nous pouvons accepter ? Est-ce que la drogue est une liberté ou une aliénation ? C'est une aliénation", a-t-il ajouté. M. Sarkozy a ajouté qu'il fallait "prévoir une échelle de réponses et de sanctions qui soit applicable et adaptée, sans excès de fermeté ni de faiblesse."
1 500 EUROS D'AMENDE
Deux scénarios sont proposés par la Mildt au premier ministre : des contraventions forfaitaires de 3e ou 4e catégorie (68 à 135 euros), ou des amendes de 5e classe, prononcées par le tribunal de police, et qui peuvent atteindre 1 500 euros. Si le premier cas de figure a la préférence du ministre de la santé, Jean-François Mattei, qui souhaite insister sur la prise en charge thérapeutique, les ministères de l'intérieur et de la justice sont favorables à la seconde option.
Celle-ci aurait l'avantage, souligne-t-on à la Mildt, de répondre à la volonté des élus de la majorité d'apporter une réponse spécifique aux récidivistes. Les amendes de 5e classe sont en effet inscrites au casier judiciaire, tandis que les autres, aussitôt payées, ne laissent aucune trace. En revanche, cette solution ne ferait que déplacer les problèmes d'engorgement de la justice, allégeant la charge des tribunaux correctionnels pour embouteiller les tribunaux de police, fait-on valoir à la Mildt.
"Des gens qui n'étaient pas punis vont l'être. Cela va faire une quantité énorme de sanctions", met en garde François-Georges Lavacquerie du Collectif d'information et de recherche cannabique (CIRC), qui redoute aussi une discrimination sociale. "Ceux qui seront attrapés seront les gamins qui fument dehors tandis que les cadres fumeront tranquillement chez eux. 1 500 euros, c'est colossal. La charge des contraventions va retomber sur les familles", estime-t-il.
Contrairement aux attentes de nombreux élus de la majorité, la Mildt ne propose pas de mesures comme la confiscation de téléphones portables ou de cyclomoteurs pour les plus jeunes. En revanche, les mineurs, ainsi que leurs parents, devront être systématiquement orientés vers des structures sanitaires et sociales spécialisées, et un effort particulier de prévention devra être réalisé dans les collèges et les lycées.
En France, environ 90 % des interpellations liées à l'usage ou à la possession de drogue concernent le cannabis, selon diverses études, et selon une étude de l'Office français des drogues et toxicomanie (OFDT) datée de juin, "le niveau d'expérimentation du cannabis a plus que doublé entre 1993 et 2002", une évolution linéaire. De tous les produits stupéfiants illicites, le cannabis est le seul à avoir été massivement expérimenté dans la population. Selon des estimations de l'OFDT, 9,5 millions de Français l'ont expérimenté (contre 300 000 pour l'héroïne, 850 000 pour la cocaïne et 350 000 pour l'ecstasy), 3,1 millions en ont fumé dans l'année, 600 000 en consomment régulièrement (10 fois dans le mois) et 350 000 le font quotidiennement.
Les jeunes sont les plus concernés puisque près de la moitié (48,3 %) des 18-25 ans en ont fumé au moins une fois contre 30,7 % des 26-44 ans et 8,4 % des 45-75 ans. Plus du quart des jeunes adultes (29 %) ont fumé un joint dans l'année tandis qu'ils ne sont que très peu au-delà de 45 ans (2,7 %).
"Il est probable que l'expérimentation du cannabis plafonnera en-deçà de celle du tabac, bien qu'on ne puisse prédire à quel niveau", estime une étude réalisée lors de la journée d'appel de préparation à la défense (JAPD) auprès des jeunes de 17 ans et publiée en mai. Selon ce travail, 54,6 % des garçons et 45,7 % des filles de 17 ans ont expérimenté le cannabis, 17,7 % et 6,8 % reconnaissant en fumer régulièrement. Cette hausse s'accompagne d'une banalisation de l'image du cannabis dans l'opinion puisque, selon une étude d'opinion de l'OFDT parue en janvier 2003, 23,9 % des Français étaient en 2002 en faveur d'une mise en vente libre du cannabis quand ils n'étaient que 17,1 % en 1999.