Cet article nous a pronfodément ému, nous le diffusons tel quel, il y est question d'une autre plante, mais cette triste réalité peut s'appliquer tout aussi bien au cannabis.......
Source AFP
"M. le Président (...) : on a faim, pour avoir refusé la coca !"
(REPORTAGE)
Par Jacques THOMET
PUERTO ASIS (Colombie), 3 juil (AFP) - Elle a d'abord cru s'adresser à un proche du chef de l'Etat, mais confie quand même sa missive à l'étranger de passage, en désespoir de cause. "Monsieur le Président, je vous fais une lettre, on a faim, pour avoir refusé la coca", a écrit à la hâte Adela.
A 28 ans, son enfant de 5 ans, Brandlee, dans les bras, Adela Davila,
qui n'a plus guère que son jeune squelette pour soutenir son polo et un pantalon de toile, travaille comme bénévole au service de la communauté à Puerto Asis,
dans ce département du Putumayo théâtre d'une lutte frontale contre la
coca.
"Si j'avais voulu cultiver la coca, je n'aurais pas faim, et serais
même riche, mais je ne veux pas de cet avenir pour Brandlee, avec les risques à la clef de devenir trafiquant, ou plus sûrement d'être tué", lance-t-elle, en pleurs, au bord de la route, face à l'aéroport.
En Colombie, la moitié des 120.000 hectares de coca, matière première
de la cocaïne, étaient situés en 2002 dans le Putumayo, à 1.000 km au sud-ouest de la capitale, avant les opérations antidrogue massives menées par Bogota, avec l'appui des Etats-Unis, pour un montant de 2 milliards de dollars depuis 2000.
Le drame d'Adela trouve sa source dans les stupéfiants. Elle n'a pas
voulu récolter la coca, et préféré semer manioc, maïs, riz, ananas et bananes, sur l'unique hectare légué par ses aïeux, près de Puerto Asis.
Mais elle affirme avoir dû abandonner tous ses espoirs sous l'effet
des fumigations d'herbicides sur la coca par les coopérants américains, dans le cadre du Plan Colombie destiné à éliminer les près de 700 tonnes de cocaïne- record mondial - produites annuellement par le pays andin.
"Toutes mes cultures ont été brûlées par les produits chimiques"
dispersés par les vents, assure-t-elle à propos du gliphosate, un puissant fongicide fabriqué en Californie par Monsanto.
Son mari, Isaac, la suit dans son combat. "Nombre de gens vivent
de la drogue ici, mais mon époux est resté journalier dans les fermes. Parfoison le paie, souvent non", marmonne-t-elle, entre deux sanglots.
Adela hoquette dans ses confidences de plus en plus ouvertes, car elle
ne se fait plus d'illusions, comme elle vient de l'écrire, sur la possibilité
de "serrer la main" du président Alvaro Uribe, à son passage à Puerto
Asis.
L'an dernier, quand la guérilla a décrété une paralysie armée de la
région, elle n'a pas hésité. "Pour survivre, j'ai été dans les prés piquer
des goyaves, pour en faire des jus de fruit, et sauver mon fils de la mort",
admet-elle.
Dans sa lettre au président, Adela a finalement biffé son refus de la
drogue, et s'en tient à l'essentiel. "Monsieur le Président, (...),
nous voulons travailler, pour avoir un avenir", a-t-elle griffonné sur
une feuille.
"Que mon rêve se réalise de pouvoir vous parler", conclut-elle
dans cette page, après avoir supplié le chef de l'Etat "de lui accorder une entrevue d'une demi-heure à Bogota", pour évoquer "ses projets",
et "la réalité (de la vie) des pauvres".