PARIS, 26 oct (AFP) - Plusieurs experts, dont le Pr Claude Got, expert
en accidentologie, contestent le lien direct entre consommation de cannabis et accident de la route et mettent en cause des études allant dans le sens contraire.
Professeur honoraire d'anatomie pathologique, Claude Got, dénonce
notamment comme "pseudo-scientifiques" des travaux, non encore publiés, du toxicologue Patrick Mura. Ces études sont à l'origine d'un texte présenté par le député (UMP) Richard Dell'Agnola pour créer un délit de conduite sous l'empire de stupéfiants et adopté le 8 octobre en première lecture.
Lors d'un colloque sur le cannabis, la semaine dernière à l'Assemblée
nationale, le garde des Sceaux Dominique Perben a indiqué de son côté
que ce texte se fondait "sur des études menées à l'étranger ainsi que sur une étude française menée entre 2000 et 2001 qui a révélé que la fréquence des accidents était multipliée par 2,5 pour les conducteurs de moins de 27 ans ayant consommé du cannabis".
Dans le dernier numéro de l'hebdomadaire "Auto Plus", Claude Got assure
de son côté que "sur les huit études épidémiologiques menées dans le monde sur le sujet, une seule a pu mettre en évidence un lien entre consommation de cannabis et risque routier". Encore cette étude présentait-elle une marge d'approximation importante en raison d'effectifs faibles", ajoute-t-il.
Selon lui, "la seule étude effectuée en France n'a révélé aucun sur-risque
d'accident pour le cannabis seul".
L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) a
également publié une expertise soulignant que "malgré la présomption de
dangerosité du cannabis sur le comportement de conduite, il est encore
aujourd'hui impossible d'affirmer, faute d'études épidémiologiques
fiables, l'existence d'un lien causal entre usage du cannabis et accident de la circulation".
L'INSERM estime en outre que "les modifications comportementales
négatives n'apparaissent généralement significatives que pour des doses élevées de cannabis".
De son côté, le Groupe de coopération en matière de lutte contre l'abus
et le trafic illicite des stupéfiants (Groupe Pompidou) au Conseil de l'Europe estime dans son rapport 2002 que "concernant les doses et/ou les
concentrations de substances (illicites ou médicamenteuses) dans le sang
que l'on associe à une norme de conduite admissible ou inadmissible, les
experts signalent souvent qu'il est quasiment impossible de définir une limite stricte à ne pas dépasser".
Enfin une chercheuse, Berthe Biecheler-Frétel, de l'institut national de
recherches sur les transports et leur sécurité (INRETS) note que "de
nombreux auteurs n'ont pas réussi à démontrer, à l'aide d'études
épidémiologiques, l'existence d'une corrélation entre usage de cannabis seul et accidents à l'échelle d'une population".