par hippo » 02 Juin 2008, 14:50
La vulgarisation des engrais
Dès 1948, les organismes agricoles lancent les cours d'agriculture par correspondance. En matière de fertilisation NPK, ils s'appuient sur les travaux de Liebig (baron Justus von Liebig, chimiste allemand 1803-1893) : "Pour faire sa végétation, une plante exporte des éléments minéraux NPK du sol qu'il convient de rapporter sous forme d'engrais contenant en eux-mêmes les éléments exportés". C'est la théorie de l'exportation-restitution de Liebig.
Dans les années 50, il faut produire (années d'après-guerre) et cette théorie de Liebig va servir de prétexte à l'emploi de plus en plus massif d'engrais NPK en oubliant que la plante exporte beaucoup d'autres éléments que la trilogie NPK, notamment le magnésium, le cuivre et autres oligo-éléments. Pourtant Liebig a reconnu honnêtement qu'il était parti d'idées et de recherches entièrement fausses :
"Je confesse volontiers que l'emploi des engrais était fondé sur des suppositions qui n'existaient pas en réalité. Ces engrais devaient amener une révolution complète en agriculture. Le fumier d'écurie devait être complètement exclu et toutes les matières minérales enlevées par les récoltes remplacées par des engrais minéraux.
L' engrais devait donner le moyen de cultiver sur un même champ sans discontinuer et sans épuisement toujours la même plante, le trèfle, le froment etc. selon la volonté et les besoins de l'agriculteur...".
Cette insuffisance de la théorie NPK reconnue par Liebig est démontrée par deux grands savants de la même époque :
- Les travaux de Claude Bernard (1813-1878) sur l'immunité naturelle : "Le microbe n'est rien c'est le terrain qui est tout".
- Les travaux de Pasteur (1812-1895) sur la dissymétrie moléculaire, apanage de la vie : "Tout ce qui est artificiel est symétrique et mort parce que inerte sur la lumière polarisée".
Au contraire, les matières organiques, les produits que fabrique la matière vivante ont la propriété de dévier le plan de la lumière. "Chimiquement", deux corps peuvent avoir la même structure moléculaire mais réagir à l'opposé sur la lumière polarisée. Le biologiste ne s'y trompe pas.
De par le monde, des chercheurs se penchent aussi sur la vie du sol tels Guillarov, professeur à l'Académie des sciences de l'URSS, Dokoutchaïev, fondateur de l'Ecole russe de pédologie (1890), ainsi que Kubiena, en Autriche, Stebaïev en URSS, sans parler de Darwin qui a souligné il y a 150 ans le rôle considérable joué par les vers de terre dans la formation des sols.
Dans les années 1950-1960, l'emploi des engrais NPK, selon la théorie de l'exportation-restitution, s'est généralisé.
Partant sur des sols riches en humus, les résultats ont été spectaculaires et c'est ainsi que pendant la campagne 1964-1965, il a été employé en agriculture : 874.000 tonnes d'azote (N), 1.270.000 tonnes d'acide phosphorique (P) et 971.000 tonnes de potasse (K exprimé en K²O).
Ces chiffres sont exprimés en éléments purs c'est-à-dire en unités actives d'éléments NPK (ainsi dans un sac de 100 kg d'ammonitrate, 33,5 % d'azote, il y a 33,5 % d'élément pur). On peut ainsi imaginer le tonnage brut d'engrais épandu pendant cette campagne 64-65... Qu'en était-il dans les années 75 ?
Au fur et à mesure de l'emploi généralisé des engrais NPK, les déséquilibres s'installent, les carences et les maladies apparaissent, les terres se glacent (elles refusent les échanges d'eau), le labour est de plus en plus profond (une "semelle de labour" qui empêche la pénétration), la vie microbienne est plus qu'appauvrie, on brûle les pailles, la terre est devenue seulement "le support" neutre des plantes ainsi que le pensait Liebig...
Et pourtant; En 1959, André Birre édite une brochure intitulée "un grand problème humain : l'humus". Cette brochure était déjà un véritable cri d'alarme.