Du shit et des roses

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Du shit et des roses

Messagepar daniel » 21 Jan 2013, 04:06

Pubdate: 15/7/06
Source: L'Humanité
Copyright: © L'Humanité
Website: http://www.humanite.fr
URL:http://www.humanite.fr/journal/2006-07-15/2006-07-15-833567


Au sommaire du 15 juillet 2006




Du shit et des roses

1936 : « du pain et des roses », 2006 : « du shit et des roses »... Comme
le temps passe ! La drogue est un tabou, mais aussi un totem. Toute
puissante, on ne peut rien dire, rien faire, si ce n'est la subir comme la
mort. La drogue, c'est l'impérialisme de la mort. Depuis cent ans elle
détruit partout la lutte des classes, et des peuples. Elle est l'arme
blanche du capital. La drogue, dans toutes ses versions, dures, douces,
light, hard, plombe le lien social. Le journal l'Humanité a rendu compte,
dans un témoignage poignant, des ravages de la drogue parmi les
travailleurs birmans : surexploités, ils sont payés directement en héroïne.
Prostitution, auto-extermination, sida, le cocktail est explosif.

En tant qu'enseignant, sociologue, chercheur, je peux témoigner du fléau
sans précédent dans la jeunesse et au-delà, conséquence d'une toxicomanie
gérée par le lien social. Plus d'un étudiant sur deux, surtout les garçons.
La prise de produit est banalisée partout : dans les lycées, collèges, à
l'université, dans les cités U, les hôpitaux, les lieux de travail, dans
les virages du stade vélodrome, dans les familles, sur les plages ! Le
shit, c'est l'opium du peuple. De nombreux couples explosent de la drogue,
le garçon propose à la fille de l'accompagner. Elle refuse. Elle ne voyait
pas l'amour comme ça. Elle essaie de le convaincre, de le soigner, de
l'aimer. Il ne décroche pas. Elle résiste. Il insiste, ne lâche pas ses
potes, qui ne le lâchent pas, les soirées sont de plus en plus glauques, le
trafic s'insinue, il l'a dans la peau. La jeune fille amoureuse chute,
renonce, se sépare. Amertume... La première rencontre avec un homme aura
été une rencontre avec le produit. Les soeurs - à défaut des pères et des
mères - supplient les frères d'arrêter, cherchent des centres de soins,
cures, substitutions, rien n'y fait : de plus en plus, de plus en plus
loin. Antigones des temps modernes, elles vont dans la cité sauver - voire
enterrer - les frères drogués.

D'où vient ce mal qui ravage les familles, les corps, les valeurs,
l'engagement, depuis trente ans ? Du manque à être, du manque d'idéalités
et de désirabilités. Un programme de gauche, un programme révolutionnaire
ne peut zapper la question de la drogue en son essence. Il ne peut nier,
refouler son rôle destructeur dans la lutte des classes. Pas seulement dans
l'économie des narcotrafiquants, mais dans l'économie psychique de chacun.
Prendre le problème à bras-le-corps. Il a la même importance, la même
gravité que le chômage et le racisme. J'en connais qui attendent
fébrilement le jeudi pour se défoncer tout le week-end, atterrissent en
cours le lundi, piquent du nez. D'autres qui ont pris des « bonbons » à New
York, décompensent et finissent en hôpital psychiatrique à Marseille.

Il faut arrêter de délirer sur le délire. Bad trip... Comment construire le
communisme avec une jeunesse à moitié défoncée (drogues, alcools, médocs) ?
Où sont les valeurs, les projets, les fidélités, les priorités à être
autrement qu'être ailleurs. Les valeurs existent encore ; transmises sur
des générations, elles sont l'identité populaire, nous venons de le vivre
dans les luttes du printemps. Elles sont fragiles, petit à petit la drogue
les ronge.

La charte antilibérale doit lever le tabou de la drogue en proposant des
mesures de prévention et de soins sans précédent. Prévention dans les
écoles, dès le CM1, puis dans les collèges, lycées, en partenariat avec les
associations, les psychologues, les parents d'élèves. Créer partout des
centres d'écoute et d'accueil, écouter la souffrance, conseiller, orienter,
rassurer, entamer un dialogue de fond. Pour la toxicomanie, la question
n'est pas celle de la répression mais de l'élaboration. Celle de l'analyse
des causes. L'écoute, et l'amour. Ça ne s'achète pas, ça s'invente.

Qui aura le courage politique d'aborder la question en son fond ? C'est
peut-être ce que les jeunes espèrent inconsciemment : quelqu'un qui, du
côté de la loi, pose la question de la séparation et du partage. La
séparation d'avec le désir de mort. Le partage des biens communs. Cette loi
n'est pas la loi répressive, elle est celle qui fonde l'idéal d'une justice
inventive dans la cité. Cette loi ne peut exister que si les rapports
sociaux la génèrent, et non la vénèrent. Alors le seul message vrai de Bob
Marley sera : « Get up ! Stand up ! For your rights... »

Par Jacques Broda, professeur de sociologie

Article paru dans l'édition du 15 juillet 2006.
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