et voilà en primeur le communiqué de presse de l'ANIT :
« Réduire les risques n’est pas augmenter l’usage,
à propos d’une commission d’enquête parlementaire »
78 députés demandent l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire visant l’utilisation
des budgets de la MILDT. L’argument central de cette interpellation est le financement par la
MILDT d’associations qui par leur orientation en faveur de la Réduction Des Risques,
favoriseraient l’usage de drogues.
S’il n’est nullement question de contester le rôle des parlementaires dans le contrôle de l’utilisation
des fonds publics, leur remise en cause des politiques de soin repose sur une dangereuse
confusion. Car il y a bien confusion à ne pas distinguer ce qui relève de la réduction des risques,
ce qui relève de la prévention et ce qui relève du soin.
Les acquis de la réduction des risques sont certains, diminution des overdoses, réponse adaptée
tant à l’épidémie de SIDA qu’à celle du VHC, contact plus précoce avec les plus exclus des
usagers et donc diminution de la criminalité. S’il nous paraît difficile de l’attribuer à tel ou tel
versant des actions de la RDR, c’est bien à cette politique dans son ensemble que ces progrès
sont dus. Elle ne saurait donc raisonnablement être remise en cause, et notamment en menaçant
des associations qui se sont historiquement mobilisées pour en défendre les apports.
Il est nécessaire que la société envoie des messages pour prévenir la consommation de
substance. Mais lorsque ces consommations existent, il est tout aussi nécessaire d’éviter qu’elles
aient les conséquences les plus dramatiques. C’est cela qui rend non seulement légitime mais
indispensable sur le plan de la santé publique que l’on délivre des seringues gratuitement. Ce qui
garantit que ces messages ne sont pas incitatifs à la consommation, c’est leur inscription dans une
politique de santé et c’est précisément pourquoi les pouvoirs publics doivent soutenir, encadrer et
suivre ces actions. C’est ce principe que les députés avaient adopté lors d’un précédent débat.
Pour autant, ce débat peut se poursuivre si nous voulons éviter un rejet de ces politiques, lié à
l’incompréhension d’une partie de la population. Chacun peut réfléchir à des adaptations, des
évolutions pour mieux en établir les bases et en limiter les éventuels dérapages. C’est donc par
une politique globale d’accès aux traitements de substitution, inscrite dans une pluralité de
réponses que cet objectif sera le mieux atteint. La place de l’abstinence, le rôle possible des
communautés thérapeutique qu’évoquent au détour d’une phrase nos députés demandent le
même effort de définition pour qu’elles puissent prendre place dans ce dispositif.
Dans l’étonnante introduction de leur demande, ces députés se réfèrent à une augmentation de
“l’usage de drogue”, évoquant une première place de la France, et attribuent à la politique de
réduction des risques la responsabilité de cet état de fait. Surprenante confusion vraiment, car il
semble que ce soit “l’usage de cannabis” qui se cache derrière les termes “d’usage de drogue », et
c’est donc son augmentation qui provoquerait la mobilisation parentale, étrangement attribuée à la
seule association “Parents contre la drogue”.
La politique de Réduction des Risques serait donc responsable de l’usage de cannabis !
Il faut dénoncer cet amalgame, et nous soutenons que le travail fait auprès des usagers dans les
boutiques, par exemple, visant une meilleure prise en charge de leur santé par le conseil,
l’orientation, l’accès aux seringues propres, n’a aucune conséquence sur l’augmentation de
l’usage de cannabis chez les 14-15 ans, mettant cet usage à la hauteur de celui de l’alcool. Ni en
France, ni au niveau européen, un lien de causalité entre réduction des risques et usage de
cannabis chez les adolescents ne peut être affirmé. Il faut chercher d’autres causes à cette
situation et développer des actions et des programmes adéquats, tant en matière de prévention
que de soins.
Cette erreur de perspective attribuable à une connaissance partielle ou partiale du dossier,
pourrait faire sourire, si effectivement, et en cela nous sommes d’accord avec les auteurs de la
lettre, la question n’était grave pour de très nombreuses familles.
L’ANIT s’est pleinement engagée pour chercher des réponses à cette progression des usages de
cannabis, mais aussi d’alcool et d’autres substances.
Nous n’avons pas cessé d’interpeller les pouvoirs publics quant à ces usages, en soulignant qu’ils
étaient plus nombreux, avec des produits plus forts, concernant un public plus jeune…..
C’est pour cela que de très nombreux Centres de Soins spécialisés ont développé, la plus part en
lien avec le programme de la MILDT, d’autres sur des modèles originaux, des consultations
spécialement orientées vers ces publics.
Une campagne d’information, insuffisante certainement, a été faite. D’autres sont en préparation.
Là encore, le débat reste nécessaire. Partageant certains des objectifs du plan quinquennal, nous
sommes en discussion sur d’autres. Les programmes de prévention, le rôle dans ce dispositif des
CIRDD, la notion de partenaires de proximité pour entretenir au quotidien un accompagnement
éducatif, et non simplement informatif, des actions visant à « structurer » et renforcer les capacités
de décision des adolescents, tout cela peut se débattre. Tout cela doit se débattre ! Mais pas dans
une confusion polémique qui nuit à la cohérence des discours!
Puisque nos représentants appellent à une année 2006 faisant de la toxicomanie une grande
cause nationale, mobilisons nous pour que celle ci s’élève à la hauteur des enjeux. Il est à la fois
possible d’agir contre l’usage de substances psychoactives chez les adolescents, et de développer
une politique de réduction des risques efficace. Les associations d’usagers ou de santé
communautaire ont un rôle à jouer auprès des publics concernés qu’aucune autre association ne
peut mener à leur place. Il serait parfaitement contre-productif pour l’accès aux soins et pour la
santé publique, de rejeter ces associations dans la clandestinité et le silence comme le réclament
les députés. Il faut au contraire travailler avec elles pour qu’elles s’inscrivent dans une politique
générale qui vise à faire diminuer la consommation et à en réduire les dommages sanitaires et
sociaux. C’est la société dans son ensemble qui en sera aidée.
Jean-Pierre COUTERON, Président de l’ANIT
ANIT
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