*« Bienvenue aux USSA »*
Par Farid Ghehioueche - Délégué ENCOD à la conférence de Long Beach
mailto:farid@no-log.org
http://www.encod.org
A la mémoire de toutes les victimes de la guerre aux drogues
Quand j'ai appris que je composerais la délégation de la Coalition
européenne des Ongs pour une politique juste et efficace en matière de
drogues (ENCOD) qui se rendrait à la conférence internationale de la
réforme politique en matière de drogues organisée par la Drug Policy
Alliance (DPA) à Long Beach, j'étais totalement enthousiaste. Depuis
plus de cinq ans, j'espérais pouvoir vivre ce moment. Après la campagne
en 2003 pour la révision à mi-parcours de la stratégie « un monde sans
drogue, nous pouvons y arriver », adoptée lors de la Session Spéciale de
l'Assemblée Générale des Nations Unies (UNGASS) à New York, cette
occasion demeure une source majeure de ma motivation pour continuer le
combat pour la réforme de la politique en matière de drogues.
J'écris ces mots avec une énorme déception de ne pas avoir pu entrer aux
Etats Unis. Je vous fais partager le récit de mon « aventure » que je
résume ainsi « bad trip aux USSA ». J'écris avec un encouragement
renforcé pour contrer cet « apartheid global »,
J'ai quitté Paris pour Londres vendredi dernier, le 4 novembre, pour
participer au Salon du chanvre global à Wembley Park. Dimanche 6 au
matin, je partais très tôt pour prendre un vol vers San Francisco afin
de rendre visite à un ami français deux jours avant le début de la
conférence de Long Beach. Je me rappelle, qu'avant d'atterrir sur
l'aéroport international de San Francisco, quelques uns de mes amis
français me disaient avec un humour noir « Espérons que tu rentreras
vivant », et que mon ami à San Francisco m'avait simplement conseillé
« Reste serein, il n'y aura pas de problèmes. Fais-moi appeler et donne
mon adresse ». Je n'aurais jamais pu imaginer ce qui allait m'arriver.
*Bienvenue en AmeriKKKa !*
L'avion a atterri le dimanche après-midi. Après le premier, et le
deuxième bureau de contrôle, j'étais arrêté au troisième bureau. Deux
agents des douanes entamaient une fouille acharnée de mes bagages. Les
questions fusaient, et après avoir tout mis sans dessus-dessous dans mes
affaires et cerné les raisons de mon entrée sur le territoire des Etats
Unis dans mes réponses, je pensais qu'il s'agissait de formalités comme
je répondais à toutes leurs questions.
Dans mon sac principal, en dehors de mes vêtements et de mes effets
personnels, ils ouvraient les cadeaux pour l'enfant de mon ami.
Dans mon sac à dos, où se trouve mon ordinateur portable, ils trouvaient
toute ma documentation relative à la conférence de Long Beach et
d'autres éléments recueillis lors du Salon du chanvre global à Londres (
et même du papier à cigarettes, vous imaginez le crime !), et aussi des
CD-rom de l'Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime
(UNODC) « /guide pratique des compétences des autorités nationales dans
le cadre de l'application de l'art.17 de la Convention unique des
Nations Unies réprimant le trafic de stupéfiants en français, arabe,
chinois et russe/ ». Des DVD : celui des campagnes d'ENCOD, « /Ibogaïne
: le rite de passage /» et « /green avalanche/ » un DVD sur le chanvre
que l'on m'avait offert à Londres.
Dans cette poche, il y avait aussi un poster de la Marche Mondiale du
Cannabis en mai 2004, dont les plis indiquaient qu'il s'y trouvait
depuis longtemps comme un autre outil de sensibilisation sur la portée
actuelle du mouvement d'opposition à la politique actuelle en matière de
drogues. Mais que m'est-il arrivé ?
Ils y trouvèrent ce qui pouvait s'apparenter à de l'herbe, type
cannabis. Dans les plis du poster et collé sur le plastic des Cds de
l'UNODC, ils me dirent qu'ils suspectaient du cannabis et me demandèrent
de les suivre dans une cellule à proximité, pour un contrôle renforcé
-une palpation- et procéder au test des miettes d'herbes. Je n'imaginais
pas qu'ils trouveraient ça ici, et jamais je n'aurai imaginé qu'il me
fallait passer mes sacs à l'aspirateur.
Je commençais à me sentir mal à l'aise, comme si j'évoluais dans un
univers kafkaïen, me souvenant de « /Midnight Express /», mais là je me
sentais totalement épargné d'avance, car je savais que je n'avais rien
emporté « tout dans la tête, rien dans les poches ». Un nombre important
de douaniers passaient me voir dans cette cellule, où je me sentais
comme la bête d'un zoo, certains me posaient des questions sans qu'aucun
ne m'indique mes droits... Je n'ai pas essayé de produire un
« scandale », je respirais profondément et je conservais mon calme.
Après 45 minutes, l'un de mes principaux geôliers plutôt affable dans
son interrogatoire me confiait « en tant que libertaire » assurait-il,
« je dois t'avouer que plusieurs d'entre nous serions également testés
positifs ». Il déclarait finalement avoir découvert 0,0001 gramme de
cannabis en me rendant le résultat du test positif de ce qu'ils avaient
trouvé dans mes affaires. Je retournais bien encadré au second bureau de
contrôle, où j'allais subir six heures de détention et d'interrogatoire
pour le recueil de ma déposition, sans vraiment connaître les règles du
jeu qui se tramait : En effet, après 40 minutes, l'agente Sim Sam
téléphona à mon ami à qui je pus indiquer que « l'on me relacherait dans
quelques minutes ». Mais 20 minutes plus tard, un superviseur du nom de
Monsieur Lau demandait à l'agente de rappeler mon ami pour annuler son
départ... et que mon entrée aux USA n'était pas autorisée. Je réalisais
donc que mon affaire était mal engagée et je ne savais vraiment pas quoi
faire... Ni comment réagir : Devrais-je adopter un comportement « dur »
? « M'enfermer dans le silence » ? Ou comme dans les films d'Hollywood,
aurai-je du demander un avocat et un interprète (mais je ne savais pas
si c'était nécéssaire à ce moment-là) ? Aurais-je dû dire simplement
« je suis invité à la conférence de la DPA à Long Beach, téléphonez à
Laura Kesselman ou à Ethan Nadelmann, point barre » ? Donc, pour 0,0001
gramme de cannabis, je n'ai pas été autorisée à entrer en ameriKKKa.
*« Tolérance zéro, l'apartheid global »*
Ils ont aussi saisis ma petite boîte rouge offerte par le Musée du
Chanvre à Berlin lors de la dernière assemblée générale d'ENCOD et les
blocs de papier à rouler en chanvre (que l'on trouve à Londres ou en
France). En fait, toute personne étrangère qui désire entrer sur le
territoire étatsunien doit répondre OUI-NON aux questions de la carte
verte. Or les différences légales entre les pays posent quelquefois des
problèmes à remplir de manière binaire, mais généralement les gens
cochent les cases « NON » surtout s'ils n'ont rien à dissimuler.
Ils m'ont annoncés que je violais le point « INA 212 (a) (2) (A) (i)
(II) » pour la découverte de 0,0001 gramme de cannabis « substance sous
contrôle international ». Il était donc impossible pour moi d'entrer sur
le sol étatsunien, et un top superviseur devait le lendemain matin
apposer sa décision définitive sur mon cas. Mais qui était-il ou elle ?
Je ne savais rien. Devais-je ou pouvais-je faire appel à un avocat ?
Au cours de cette longue déposition avec l'inspectrice Sim Sam, j'ai
entendu l'un de ces chefs dont je ne connaîs pas l'identité, lui dire
« super, nous l'avons enfin ». C'était simplement que je venais
d'accepter de répondre aux questions relatives à ma première décision de
justice en France, en 1988, ou 1989, ou 1990... Je ne me souviens plus
tellement, c'est loin. J'étais à cette époque sans domicile fixe et je
veux bien reconnaître que je dealais pour subvenir à ma consommation.
C'était une « activité d'autosuffisance » afin de maintenir des
relations sociales, recueillir une forme d'aide et de partage avec mes
amis, voire gagner de l'argent si possible ! Mais la justice française
n'est pas la justice américaine, et je ne voulais pas me reconnaître
comme un criminel ou un délinquant, comme je ne suis pas sous le coup
d'une condamnation. La décision de justice est maintenant totalement
effacée.
Aux alentours de minuit, j'ai subis une troisième palpation, on me fît
retirer mes lacets et mes colliers, et même ma boucle d'oreille. J'étais
menotté avec une chaîne autour des hanches pour un tour de fourgon de
quarante minutes de l'aéroport de San Francisco au centre de détention
de Santa Clara. Les fourgons sont blancs et rien dans leur aspect à
l'extérieur ne les distingue clairement. Au travers du grillage de la
vitre blindée, j'observais à quoi ressemblait les Etats Unis, un grand
désert avec des grandes routes et des grosses voitures. En sanglots et
plutôt déprimé avec mes chaînes. Mais je remercie l'agent Guererro, qui
m'a confié qu'il aurait préféré ne pas me passer les menottes et
m'attacher à l'arrière du van, mais c'était ses ordres... Il me
conduisit avec le sound-system à donf' avec « music for the masses »
d'Eminem. Mon premier morceau de musique aux Etats Unis. Je préferai ça,
à de la musique WASP.
Une fois encore, je subissais une palpation et un contrôle avant
d'entrer dans le commissariat de Santa Clara. Je me sentais comme un
vers, ou plutôt un rat de laboratoire qui subit des expérimentations.
Moins qu'un humain, je suivais la ligne verte, je m'arrêtais au second
bureau, debout les mains le long du corps pour que l'agent en poste
établisse «la fiche de pré-inscription », je m'asseyais sur le siège
N°39, je me levais et je suivais la ligne verte jusqu'au siège bleu où
je m'asseyais pour me faire photographier, puis on prenait de nouveau
mes empreintes digitales, et pour finir un agent m'enfermait dans la
cellule N°3. J'essayais en vain de demander une cellule individuelle,
mais à quoi cela servait maintenant de protester.
*« A salaam aleikum »*
En entrant, sur ma gauche deux gars dormaient sur le banc avec un autre
adossé au mur. Sur la droite, 3 gars discutaient sur le banc, avec un
autre la tête et les jambes enfouies dans son T-shirt pour résister au
froid. J'avais froid également. Je m'assis sur la gauche, à côté d'un
gars marocain avec qui je pu parler français. Mais il fût très vite
retiré de la cellule. Les 3 autres gars suivirent dans l'heure. Puis,
petit à petit la cellule se remplit de jeunes, qui semblaient plutôt
paniqués à la lecture de leur feuille jaune. Le plus vieux « Raggazzo
Giuliani », celui qui se cachait dans son T-shirt tentait de les
rassurer, du haut de sa longue expérience.
C'est à ce moment que j'ai décidé de leur raconter ce qui m'arivait,
avec mon histoire de prétexte à 0,0001 gramme de cannabis pour
m'interdire d'entrer sur le territoire des Etats Unis. Ils se sont bien
fendus la gueule sur l'importance de mon cas. Cependant, comme j'étais
le seul à ne pas avoir de lacets aux chaussures, j'avais vraiment
l'impression que je représentais un danger bien supérieur à eux tous
réunis... Et vous savez quoi ? Emporté dans ma diatribe et c'est
ironique, je découvrais coincée entre le mur et le banc, une fiole en
plastique contenant un gramme de crack-cocaïne. « Raggazzo Giuliani » se
fabriqua une paille express en déchirant un carré dans une feuille jaune
qui traînait par terre et sniffa une ligne la tête dans son T-shirt,
tout en conservant le reste dans une de ses chaussures.
A sept heures du matin, nous étions environ treize détenus dans la
cellule, et j'essayais de demander à changer de cellule quand on me dit
de « suivre la ligne verte, jusqu'à la case verte » suivi par quatre
autres. Puis en continuant sur la ligne verte, à chacun fut remis un
petit sac contenant deux tranches de pains de mie et deux toastettes de
fromage, un gobelet en plastique et deux sachets de jus d'orange
instantané en poudre, à apprécier dans la « cellule de la félonie », où
une télévision était allumée sur Katholik TV avec un programme de
lecture commentée de la Bible.
Bien assommés par les cours du prêtre cathodique, la cellule s'animait
quand des companéros de la cellule précédente nous rejoignirent, ils
changèrent le programme télévisé par « 24 heures » (je découvrais que
c'est en fait la première série « anti-terrorist » aux USA) et certains
se mirent à téléphoner. J'aurais bien aimé en faire autant mais je
n'avais pas mon agenda, et par dépit j'essayais de téléphoner en France
et en Belgique, mais c'était impossible.
A 8H30, on m'appelait pour suivre la ligne verte, jusqu'à une case
verte. A nouveau je subissais une fouille serrée, et menotté à chaque
poignet à un autre individu pour former une ligne de cinq détenus. Nous
étions tous renvoyés quelque part, y compris une personne qui était
européenne de nationalité anglaise, mais qui comme pour moi, som nom et
l'origine de ses parents auront conduit le département de la Justice des
Etats Unis à trouver une explication motivée pour lui appliquer la
tolérance zéro. A nouveau, nous avons voyagé au bord d'un fourgon blanc,
et nous sommes passés par la prison d'Elmwood pour charger un ghanéen
qui avait passé trois semaines en prison, et qui pleurait parce qu'il ne
savait pas où ses papiers étaient.
Quand nous sommes arrivés aux environs de 11 heures à l'aéroport
international de San Francisco, nous sommes descendus à deux du fourgon.
Mon compagnon indien ou pakistanais et moi furent emmenés dans deux
directions opposées, les poignets menottés.
J'échouais finalement dans le second bureau de contrôle, où j'attendrai
jusqu'à 17h30 pour prendre mon vol de retour. Un détail qui m'a choqué,
c'est que parmi les superviseurs, j'ai constaté que trois d'entre-eux
portent la même chevalière en or avec une belle pierre de pur jade au
doigt. J'imagine encore, que ces pierres qui semblent provenir de
Birmanie, sont issues d'un trafic international.
Je demandais à faire quelques appels téléphoniques, et j'essayais de
savoir par quels moyens je pouvais obtenir un recours express pour la
révision de la décision de mon expulsion en de demandant de l'aide à
l'un des superviseurs... Mais malheureusement personne ne repondit à ces
coups de fil et il revint avec le coupon d'accès à l'avion qui me
ramènerait vers Londres.
C'est à mes yeux, la concrétisation du processus auquel je faisais face
: « tolérance zéro ». Maintenant j'ai l'obligation de demander un visa
pour me rendre aux Etats Unis. Le département de la sécurité dispose
d'un dossier avec un numéro et mes empreintes digitales. Une autre chose
qui m'a surpris au cours de ce petit tour chez les douaniers aux Etats
Unis : le recrutement semble avoir été effectué parmis ceux et celles
que l'on désignera en France comme faisant partie des « minorités
invisibles » et qui sont aux Etats Unis « les discriminés
positivement ». Bref, des opprimés employés pour oppresser les autres.
*« Une drogue contre la guerre »*
Au cours de ma discussion avec ce petit monsieur, « superviseur » très
intéressé pour partager ma connaissance de la culture française et avec
qui, je me sentais plus en confiance, je lui expliquais que je trouvais
bizarre mon expulsion pour 0,0001 gramme de cannabis en Californie,
alors que j'allais participer à la conférence de Long Beach sur la
réforme de la politique internationale en matière de drogues, et que mes
billets d'avion devaient être annulés et remboursés puisque j'étais
empêché par les autorités des Etats Unis... Mais rien ne se produisit,
on m'apporta un bol de nouilles chinoises et un cube de lait de soja
périmé. Il m'informa de ce qui s'était produit le week-end en France,
avec des émeutes qui se répandaient au-delà de la ceinture de Paris. Il
me posait des tas de questions « sourdes et de déballages » à propos de
la France, de la culture française, des français et me confia comme pour
essayer de se racheter une conscience « l'eau et l'air pollués, la
pauvreté et les menaces nucléaires sur la paix sont des sources majeures
d'inquiétudes pour les générations futures et je sais que nous, les
Etats Unis, ne faisons pas ce qu'il faut pour la planète ». J'étais
quelque peu rassuré de constater que certains de mes gardiens étaient
sensibles à la question de la politique étrangère de leur pays.
J'ai essayé de lui expliquer que c'était aussi la même chose avec la
politique actuelle en matière de drogues aux Nations Unies sous
l'influence des Etats Unis. Je lui expliquais que certaines des drogues
-stupéfiants- ne sont pas aussi mauvaises que l'on veut les présenter,
et que peut-être bientôt nous serons en mesure avec le cannabis
(chanvre) de répondre aux défis de la crise environnementale et celle du
pétrole, par la production d'huile, de textile et de nouvelles fibres.
Et bien plus importantes encore, seront les découvertes que nous
réaliserons prochainement avec le cannabis pour le traitement des
maladies comme la sclérose en plaques, le glaucome, Alzeihmer,
Parkinson... et que ce que l'on peut défendre avec le cannabis, peut
aussi facilement se démontrer avec la feuille de coca où les cocaleros
pourraient l'utiliser à d'autres fins, que de tirer des revenus en
alimentant en matière première les réseaux du traffics de drogues. Je
lui confiais également que les bases actuelles des politiques des Etats
en matière de drogues ne sont pas bonnes parce qu'elles ne sont pas
basées sur des hypothèses scientifiquement validées et que cela perpétue
ce que j'appelle un « crime organisé ».
Aussi, j'ajoutais avec la plus forte sincérité, est-il possible de
réussir « un monde sans drogues », si même dans les prisons on y
retrouve la criminalité et l'usage de drogues, si même y compris parmi
les forces de police et de justice qui appliquent la loi, on trouve des
personnes qui dans leur vie privée violent aussi les lois ? Nous devons
combattre la criminalisation des normes sociales. Pas de crime, sans
victime.
Une idée de plus et pas des moindres, je tentais de lui expliquer que la
fameuse « Tolérance zéro » était en train de produire un nouveau type de
délinquants, par un rajeunissement, et que le taux de délinquance des
mineurs ne devrait pas uniquement être traité sur le mode répressif,
mais seulement par l'éducation, parce que tous les enfants et les jeunes
ont besoin d'apprendre pour comprendre. Car au-delà de la prévention de
la criminalité et de la délinquance, c'est une logique de développement
des relations sociales à la force éducative indéniable, qu'il faut
maintenant substituer à la répression. C'est seulement par une attention
accrue aux adolescents et parce que l'on laisse le soin à chaque jeune
de prendre toute sa place dans le système social, pour qu'ils se sentent
considérés avec dignité et respect, que l'on obtiendra des résultats
probants. Car bien souvent, les jeunes recherchent la reconnaissance de
leurs aînés, mais avec la « tolérance zéro » ce sont les valeurs
familiales basiques qui sont remises en cause par la police et la
justice qui se substituent aux parents.
J'ai essayé de le convaincre qu'une bonne partie de la culture du
gangstérisme trouvait ses origines profondémment enfouies dans les
méandres de la politique et du système économique mondial actuelle :
« celle de la loi du plus fort au dépend du plus faible ».
Enfin, si l'on écoute la plupart des jeunes, les désirs qu'ils
manifestent sont totalement à l'opposé de ces valeurs, mais ils sont au
final hyper stressés par leur environnement qui se dégrade, et déçus dès
leur plus jeune âge en découvrant que les règles de la société sont
inhumaines et qu'elles ne conduisent pas à la justice sociale...C'est
pourquoi la consommation de drogues illicites est si repandue parmi les
jeunes, car ils souhaitent s'octroyer du plaisir même s'ils doivent y
risquer la vie.
J'essayais de lui expliquer également les effets concrets de certains
des médicaments légaux, qdont les résultats sont de plus en plus
inquiétants. Des chercheurs ont démontrés que les adolescents aux
tendances suicidaires, et notamment devenus serial killers, auraient été
traité lors de la petite enfance pour la suractivité qui rendait les
parents fous.
Et c'est un point important, devrions-nous considérer aujourd'hui que
certaines drogues légales mettent en danger les jeunes, alors que
certains maux de la société pourraient être traités avec un autre regard
sur les substances illicites : protection environnementale, soutien
humain, stabilité économique et politique, sources légales de revenus
pour des pays non-developpés...
Ce que j'essayais de lui expliquer, c'est que je ressentais un profond
sentiment d'injustice face à une décision totalement disproportionnée et
qui aurait sa place dans le livre Guinness des records pour la charge la
plus ridicule pour interdire l'entrée sur le territoire des Etats Unis.
Je lui faisais remarquer qu'il y avait concrètement une vingtaine
d'agents qui se sont occupés de mon affaire depuis les débuts de mes
déboires. Combien de vrais trafiquants ou de terroristes potentiels ont
pu saisir l'opportunité de l'absence d'un agent de contrôle à son poste
? Je lui faisais donc remarquer, que si je travaillais pour la réforme
de la politique en matière de drogues, c'était aussi parce que je
voudrais améliorer leur efficacité afin d'assurer un véritable contrôle
des risques à la frontière, et pas simplement pour générer ce risque par
des incompréhensions et le renforcement des injuctices.
*Il y a moyen de refuser et de résister*
Certes, il est évident que les raisons profondes du maintien du système
de la prohibition permettent d'offrir un instrument de contrôle de
police et de justice sociale à l'égard de certaines populations « à
risque ». Il est donc évident pour beaucoup, que la prohibition des
stupéfiants a été et demeure un échec total, mais il reste encore le
concept de « tolérance zéro » pour sauver les bases du système de la
prohibition. Il est maintenant largement reconnu qu'une véritable
politique en matière de drogues devrait être scientifiquement validée,
et que pour la mise en place d'une véritable prévention il nous fallait
trouver les voies d'une régulation légale, qui permettent d'endiguer le
phénomène.
Cele ne se réduit pas seulement à faire une légalisation. Le défi majeur
est éducatif et plus particulièrement à l'attention des usagers sur ce
que les drogues sont et produisent comme effets, notamment au travers
d'une information vérifiée. Il y a un autre défi majeur qui consiste en
l'éradication des circuits de blanchiment d'argent sale qui représentent
des menaces réelles pour les libertés civiles dans l'étau de la corruption.
Avant 2008, nous avons besoin de voir une coalition de pays pour
soulever la question d'une révision complète de la politique actuelle et
passée en échec, et pour entrer dans une nouvelle stratégie, plus
pragmatique et moins basée sur des tabous moraux.
En décembre 2004, le Parlement européen a voté un rapport vallant
recommandation qui a totalement été ignoré par la Commission européenne
pour la définition d'un nouveau plan d'action en application jusqu'en
2009. Ce vote est très important, parce qu'en sept pages, le rapport
trace les grandes lignes d'une politique juste et efficace en matière de
drogues qui associeraient les individus directement concernés et
affectés par ces politiques.
Avec l'ENCOD, nous avons lancés en septembre dernier notre campagne
« Liberté de cultiver » : après celle intitulée « Sème des graines » en
2003 pour une inclusion des organisations représentatives de la société
civile dans le débat politique au sein des institutions de l'Union
européenne. Nous sommes maintenant en passe d'obtenir que ce débat
s'instaure pour la préparation de l'UNGASS. Dans la perspective de
Vienne 2008, il y a moyen de refuser et de résister au modèle imposé par
les Etats Unis, si les européens s'allient avec des pays comme le
Brésil, le Canada, l'Australie, la Suisse et même la Chine, l'Inde et la
Russie.
*Ouvrez la fenêtre*
Je suis maintenant de retour en France, je constate l'ampleur des
événements depuis la semaine dernière. A l'instant, le ministre de
l'Intérieur explique avec conviction sur tous les mass-média que les
émeutes sont organisées par des trafiquants et des dealers qui attaquent
la présence de la police pour protéger le territoire de leurs traffics.
Dans la bouche de nos responsables politiques, c'est comme si des
milliers de Tony Montana avaient pris possession des rues de la France
entière, et comme si tous ces adolescents étaient tous déjà très
expérimentés à la vie de voyous-galériens, alors qu'ils ne font
qu'exprimer et demander le respect et une forme de justice sociale. Tous
ces adolescents sont les mêmes, de Clichy sous Bois à Santa Clara-
Californie. Tous réclament de meilleures conditions de vie, ils
demandent que l'on les reconnaissent et c'est sûr, ils préféreraient
tous ne pas être confinés dans des compartiments sociaux ne leur
laissant que l'illégalité pour assurer leur existence.
Il semble quasi certain, que cette crise va aller en s'agravant car une
bonne partie des revendications ne sont pas seulement celles des
émeutiers, mais elles sont aussi partagées par une bonne partie de la
population qui ne supporte plus les promesses non-tenues de la gestion
politique des trente dernières années.
Certains diront que cela va empirer, mais espérons que les protestations
l'emporteront pour que nous soyons en mesure de prendre une nouvelle
aspiration. Ne parlons pas d'une révolution, mais seulement que l'on
ouvre la fenêtre pour savoir ce qui s'exprime dans ces émeutes.
Presentation :
J'ai 34 ans et je vis à Paris. Je suis citoyen français avec une double
culture et religion (musulmane/catholique) issue de la nationalité de
mes parents (Algérienne/Française) et de leurs origines
(Africaines/Européennes). Je suis un usager de cannabis depuis l'âge de
15 ans, et je suis engagé dans le mouvement pour la réforme la politique
internationale en matière de drogues depuis une dizaine d'années en
France (parmi mes engagements dans des projets associatifs sur la
politique en matière de drogues - Ligne Blanche, Marche Mondiale du
Cannabis, CIRC Paris- ; Je suis également membre du parti écologiste Les
Verts en charge du groupe de travail national « Drogues ». Je participe
aux activités de l'ENCOD depuis cinq ans, dont je suis membre du comité
exécutif depuis 2002 et que je préside depuis 2004.
J'assume aussi la présidence de l'association Info Birmanie, qui
participe des activités du Réseau Européen pour la Birmanie et du réseau
international de soutien à la lutte pour la démocratie en Birmanie.
J'ai participé aux deux dernières éditions du Forum Social Européen à
Paris et Londres et Mondial à Mumbay et Porto Alegre.
<>------- Désolé pour la longueur, je salue votre effort de lecture dont
j'espère recueillir des commentaires. Sans droit de reproduction -
diffusion libre dans son contenu intégral, merci...