Pour info a Renaud ...
Date : 22/10/05
Source : Le Figaro Magazine
Site :
http://www.lefigaro.fr/http://www.lefigaro.fr/magazine/20051021.MAG0006.htmlFigaro Magazine
Dans l'océan Indien, la Marine nationale multiplie les opérations : ici,
elle intercepte un boutre chargé de cocaïne.
PHOTOS : MARINE NATIONALE
Razzia sur la coke
Le trafic de cocaïne vers l'Europe explose. Et pas seulement au Pays basque
où l'argent de la mafia calabraise transite sur des comptes pour acheter la
poudre colombienne...
PAR DOMINIQUE RIZET
[22 octobre 2005]
C'est l'une des plus grosses affaires internationales de blanchiment de
l'argent de la drogue. Ouverte il y a deux ans, sur commission rogatoire du
juge Roger Le Loire du tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis), l'enquête
des policiers français de l'Office central pour la répression du trafic
illicite des stupéfiants (OCRTIS) et de l'Office pour la répression de la
criminalité et de la grande délinquance financière (ORCGDF) a permis
l'arrestation de quatre personnes à Hendaye (Pyrénées-Atlantiques). Trois
d'entre elles, écrouées le 26 septembre, faisaient fonction de
«blanchisseurs». La quatrième, un Colombien écroué à Bobigny le 24
septembre, était le responsable pour l'Europe de la collecte et du
transfert vers la Colombie de l'argent de la cocaïne vendue par un «baby
cartel» à la mafia calabraise. Au total, sept personnes sont déjà
incarcérées dans ce dossier et sept mandats d'arrêt internationaux délivrés
contre les responsables de la mafia italienne et du «baby-cartel» de Cali,
en Colombie.
Tout commence par l'interpellation presque banale d'un voyageur à
l'aéroport de Roissy le 22 août 2003. José-Luis A., un Espagnol de 50 ans,
est contrôlé par les douanes au moment où il prend l'avion pour le
Venezuela. Dans les semelles de ses Caterpillar, chaussures inspirées des
souliers de sécurité pour chantiers, l'homme dissimule... 439 900 euros en
billets de 500 ! A. prétend qu'il veut investir cet argent dans des usines
de poisson installées sur des plates-formes au large du Venezuela.
Son passeport est noirci de tampons attestant qu'il circule très
régulièrement entre la France et le Venezuela. Le parquet de Bobigny saisit
l'OCRTIS. Deux équipes de policiers perquisitionnent aussitôt les domiciles
de l'homme aux semelles d'argent, deux maisons dans la région d'Hendaye.
Là, les policiers de l'OCRTIS mettent la main sur une abondante
documentation révélant l'existence de dizaines de comptes en banque dans le
département et en Espagne, aux noms de José-Luis A. et de quelques-uns de
ses «amis». Mais aussi sur des listings de virements effectués depuis ces
comptes sur ceux de diverses personnes en Colombie.
Parmi les amis d'A., Marcelino R., d'origine espagnole, qui s'avérera vite
être l'élément central d'une équipe de blanchisseurs d'origine espagnole.
José-Luis A., lui, n'est pas le premier venu. Ancien banquier, il a mis au
service de ceux pour lesquels il travaille tout son talent de financier et
sa parfaite connaissance du «schtroumpfage», qui consiste à ouvrir, sous
des prête-noms, quantité de comptes, de façon à virer et faire circuler des
petites sommes qui n'attirent pas l'attention des organismes de
surveillance bancaire.
En 2004, le juge Le Loire, épaulé par l'ORCGDF, lance toute une série
d'opérations sur des sociétés bancaires du Pays basque français. Toutes
avaient mis en place un système, prétendument légal, de récupération des
fuites de capitaux espagnols dans le cadre d'opérations d'évasion fiscale.
En effet, pour ne pas être imposées en Espagne, les grosses sociétés
espagnoles disposent de comptes au Pays basque, qui fonctionne comme une
petite Suisse. Et cela représente jusqu'à 70% de l'activité de certaines
banques du Pays basque français...
Maîtrisant parfaitement cette astuce financière, José-Luis A., Marcelino R.
et leurs complices s'en servaient pour écouler l'argent de la mafia
calabraise vers la Colombie, via ces «comptes-relais» au Pays basque et en
Espagne...
L'enquête de l'ORCGDF et de l'OCRTIS a démontré que cet argent servait à
acheter de la drogue. De 2000 à 2004, il a été établi que des transports de
plusieurs tonnes de cocaïne étaient effectués régulièrement en voiliers par
des skippers ou dans les cales de cargos depuis l'Amérique du Sud vers les
côtes de l'Afrique (Togo) ou directement en Europe sur le rivage espagnol.
L'enquête est toujours en cours.
Depuis la fermeture quasi hermétique des Etats-Unis au trafic de cocaïne en
provenance de l'Amérique du Sud, les producteurs colombiens ont choisi
l'Europe pour nouvelle destination. En quelques années, la consommation de
coke a explosé sur le Vieux Continent, en même temps que le nombre de
trafiquants colombiens aujourd'hui enfermés dans les prisons européennes,
et tout particulièrement en Espagne. Preuve de cet engouement : la quantité
disponible sur le marché provoque l'effondrement des prix.
Le 29 septembre dernier dans une maison du Val-de-Marne est découvert un
laboratoire de transformation de la cocaïne. De mémoire de policier, il
faut remonter aux années 70, celles de la «French Connection», pour
retrouver trace d'une pareille découverte. Les policiers des «Stups»
interpellent un homme étroitement surveillé depuis plusieurs semaines. Sur
lui, ils découvrent 3 kilos de cocaïne. Cinq autres personnes vont être
arrêtées peu après, et, au domicile de l'une d'elles, dans un appartement
du Perreux-sur-Marne (Val-de-Marne), les enquêteurs découvrent encore 36
kilos de la même drogue et un laboratoire de traitement avec une presse de
300 kilos destinée au conditionnement de la marchandise sous forme de
pains. Selon les premiers éléments de l'enquête, cette unité de
transformation de cocaïne fonctionnait depuis des mois. Quatre hommes, de
35 à 60 ans, ont été écroués et plusieurs armes saisies, parmi lesquelles
un fusil à pompe, un pistolet-mitrailleur et plusieurs pistolets. L'enquête
est en cours mais aucun doute n'existe sur la provenance de la drogue. Ne
reste plus qu'à découvrir comment elle a été acheminée depuis l'Amérique du
Sud.