Réponse de Horace Andy :
« Là, tu pouvais fumer de l’herbe. A cette époque Rasta commençait à prendre une place importante dans le reggae et les musiciens voulaient se faire un spliff pendant qu’ils travaillaient et Studio one était le seul endroit où tu pouvais le faire. Pas question de faire ça chez Dynamic ou Federal ou chez Duke Reid – tu commençais à rouler chez Federal et ils te jetaient dehors directement… au sens propre. Duke Reid était un ancien policier et, en dehors de l’aspect légal – bien que ça ne soit pas quelque chose qui l’aurait embarrassé si ça avait pu arranger ses affaires -, il détestait tout ce qui avait rapport avec Rasta et n’en voulait pas chez lui. Et Dynamic appartenait à Byron Lee qui était vraiment un gars de la haute, et il ne voulait à aucun prix de ce business dans son studio. Mr Dodd, lui, était bien disposé envers les rastas.
« C’est pour ça que Studio one était numéro un, parce que vous y trouviez le mélange des vibrations spirituelles et de l’herbe. Les musiciens et les chanteurs voulaient venir là, parce qu’ils le savaient et une fois sur place, ça aidait les vibrations à s’écouler naturellement. Vous pouviez vous sentir relax, trouver un petit coin pour vous asseoir et fumer, et quand les idées venaient, le studio était juste là et vous n’aviez qu’à y aller. Dans les autres studios, vous ne pouviez pas fumer sur place alors il fallait sortir et vous perdiez les vibrations, le courant était brisé. Dans certains endroits, ils vous obligeaient à sortir dans la rue parce qu’ils ne voulaient pas voir l’ombre d’un spliff près de chez eux. M. Dodd n’aimait pas que vous fumiez à l’entrée parce qu’il y avait des gens qui passaient et ils pouvaient vous voir. Si vous vouliez vous asseoir dehors, il fallait rester dans le fond, s’asseoir sur cet arbre qui a été coupé, ou plutôt sur les côtés, derrière les plaques ondulées qui faisaient écran entre vous et la rue. C’était marrant parce que même si Dodd s’en fichait, il ne voulait pas non plus vous encourager, alors il faisait comme si de rien n’était – si vous étiez assis avec un spliff et qu’il passait devant vous, il fallait le cacher –un peu comme un écolier. Il était au courant mais il ne voulait rien voir.
Mais c’était pour ça que Studio one était numéro un, parce que vous pouviez vous asseoir et fumer votre spliff. Les gens voulaient venir là parce qu’ils savaient que cela mettait l’ambiance qu’il fallait pour la musique, et que quand ils viendraient, la musique qu’ils joueraient serait encore meilleure. Ca faisait également beaucoup pour l’atmosphère communautaire, parce que tout le monde partageait son spliff ou son sachet d’herbe ».