l y avait les enfants des corons accoudés au comptoir dès l'aube, les Lorrains cueilleurs de champignons hallucinogènes, les jeunes des cités sous ecstasy et les petits Bretons à l'abri de tout ça. Ces clichés vont voler en éclat. Les épidémiologistes ont épluché, région par région, les résultats d'une enquête sur l'usage des substances psychoactives à la fin de l'adolescence. Une étude réalisée en 2002 et 2003 auprès de 27 000 jeunes âgés de 17 ans. Ils ont été surpris. «Les zones géographiques les plus consommatrices ne sont pas celles qui présentent des profils sociologiques, économiques et culturels les plus dégradés, comme on aurait pu se l'imaginer», s'étonne François Beck, coauteur de cet Atlas régional de consommation des produits psychoactifs des jeunes Français (1).
Sobre Ile-de-France. Ils s'attendaient à trouver une surconsommation de substances psychoactives dans les milieux urbains et dans les banlieues. Pas du tout. «Lorsqu'on creuse, on s'aperçoit qu'en banlieue, on consomme moins qu'à Paris, et qu'en Ile-de-France on consomme moins que dans les autres régions», continue François Beck. Moins d'alcool, «peut-être parce que l'Ile-de-France compte une grosse proportion de jeunes de religion musulmane, même si cela n'explique pas tout». Et moins de tabac, peut-être «parce que cette région est proche des centres de décisions en santé publique et peuplée de cadres supérieurs plus sensibles aux problèmes de santé que d'autres», ajoute Stanislas Spilka, coauteur de l'étude.
Ils pensaient trouver des ados grands buveurs de bières et précirrhotiques dans le Nord-Pas-de-Calais. Ils se sont aperçus que les jeunes y buvaient moins que dans les autres régions. «La consommation d'alcool chez les jeunes du Nord est sans commune mesure avec ce que l'on observe pour les adultes», note Stanislas Spilka. Les champignons hallucinogènes ne tentent plus les jeunes de l'Est mais s'expatrient à l'Ouest. Et particulièrement en Bretagne, terre de prédilection pour toutes les expérimentations. «Ainsi, elle allie une forte consommation d'alcool, de tabac et de cannabis et des expérimentations au-dessus de la moyenne pour les champignons hallucinogènes et les produits à inhaler», écrivent les auteurs.
Cannabis universel. Les jeunes des régions de la façade océanique fument et boivent plus que les autres. Les ados franciliens s'intéressent de près aux poppers (vasodilatateurs à sniffer). «Pourquoi un intérêt des jeunes de cette région pour ce produit-là ? se demande François Beck. Nous n'avons pas encore d'explication.» «Nous observons des spécificités régionales, ajoute Spilka. Difficile de démêler les influences culturelles des autres.» Seules certitudes, quelle que soit la région de France, la consommation de cannabis y est plus élevée que partout ailleurs en Europe. Et, François Beck insiste : «Selon les produits, il existe des contrastes forts entre les régions. Sauf pour le cannabis. C'est un produit transculturel qui fonctionne bien chez les jeunes.»
Par Julie LASTERADE
mercredi 06 juillet 2005 (Liberation - 06:00)