Légalisation des drogues demandée par des réglos
http://www.chanvre-info.ch/info/fr/Lega ... andee.htmlLe rapport d’un professeur de Harvard en faveur de la légalisation du cannabis soutenu par une volée d’économistes des meilleures universités américaines, dont le Prix Nobel Milton Friedman en tête, vient de faire la une de la presse internationale. Mais il y a également d’autres voix de raison arrivant des milieux académiques, commerciaux et même des rangs de la police et de l’appareil judiciaire.
Les partisans de la légalisation des drogues ont l’habitude de dire que les consommateurs de drogues sont souvent ceux qui défendent leur poison préféré, mais les voix qu’on entend ces dernières années ne pourraient aucunement être soupçonnés d’appartenir aux junkies à la marge de société. C’est plutôt le contraire - elles viennent de la part des plus prestigieuses communautés de chercheurs et entrepreneurs, voire des milieux de la police elle-même.
Milton Friedman : Légalisez-la !
L’organisation américaine The Marihuana Policy Project (MPP) militant pour la révision et la libéralisation des lois sur le cannabis vient de payer une grosse somme pour l’élaboration d’un rapport sur les coûts de la prohibition de la marijuana et sur la perte de revenus qui pourrait être potentiellement perçus, si le gouvernement américain la légalisait et l’imposait. Le rapport « The Budgetary Implications of Marijuana Prohibition » a été écrit par Jeffrey A. Miron, professeur à Harvard. A l’occasion de la publication du rapport, le lauréat du Prix Nobel Milton Friedman à la tête de plus de 500 économistes américains, y compris des chercheurs de haut vol dans les universités de Cornell, Stanford et Yale, a signé une lettre ouverte adressée au gouvernement des Etats-Unis. Le rapport dit que la suppression de la prohibition économiserait 7,7 milliards de dollars sur les dépenses de l’État, tandis que l’imposition de la marijuana apporterait annuellement 6,2 autres milliards.
« Le fait que la prohibition de la marijuana ait de tels impacts budgétaires ne veux aucunement dire que la prohibition en soi serait une mauvaise politique, » disent les économistes. « Néanmoins, il y a des preuves que la prohibition procure des bénéfices minimes et peut causer des dommages substantiels. C’est pour cela que nous appelons notre pays à lancer un débat ouvert et honnête à propos de la prohibition de la marijuana. Nous sommes persuadés qu’à l’issue d’un tel débat on favoriserait le régime où la marijuana serait légale mais imposée et soumise à la régulation de la même façon que d’autres marchandises. Au moins, ce débat forcerait les partisans de la politique actuelle à démontrer que la prohibition apporte suffisamment de bénéfices pour justifier non seulement son coût aux contribuables et les revenus fiscaux perdus, mais également toutes les nombreuses conséquences secondaires qu’elle cause.
« Il n’existe pas de base logique pour justifier la prohibition de la marijuana, » déclare Milton Friedman, lauréat du Prix Nobel d’économie en 1976. « Ces 7,7 milliards de dollars représentent beaucoup d’argent, mais c’est seulement un moindre mal. Notre échec dans l’application de ces lois est responsable de la mort de milliers de personnes en Colombie. Sans parler de la façon dont la prohibition nuit aux jeunes gens. Il est absolument ignoble d’arrêter un jeune de 22 ans parce qu’il a fumé l’herbe. Il est encore plus ignoble de refuser la marijuana médicale aux malades. »
Selon le rapport, si les lois changeaient elles pourraient bénéficier aux grands groupes agricoles en tant que cultivateurs potentiels, ou bien aux distributeurs d’alcool et aux commerçants avec cette commodité, qui s’y connaissent dans la distribution des produits d’intoxication. Il est surprenant que pour des centres de jardinage on n’ait pas prévu de bénéfices particuliers, car suivant le rapport beaucoup de personnes ne voudraient pas cultiver leur propre marijuana, de la même façon qu’on n’a pas l’habitude de distiller de l’alcool chez soi. D’un autre côté, le grand volume de l’industrie des équipements pour la culture d’intérieur au Canada indiquerait autre chose.
« Cela fait déjà longtemps que je suis en faveur de la légalisation de toutes les drogues, » déclare Friedman. « Mais pas à cause des arguments standard des libertaires qui demandent la liberté personnelle sans restrictions. Regardez les conséquences factuelles : le dommage causé et la corruption créée par ces lois... les coûts représentent seulement un moindre mal. »
Le directeur de MPP Rob Kampia déclare à propos de ce rapport : « Comme viennent de le dire Milton Friedman et plus de 500 économistes, il est temps d’engager un débat sérieux pour déterminer si la prohibition de marijuana a du sens. Nous savons que la prohibition n’a pas réussi à tenir la marijuana hors de portée des gosses, car dans les enquêtes menées par le gouvernement d’année en année, 85% de collégiens déclarent, que la marijuana ’est facile à trouver’. Surtout, les conservateurs commencent déjà à se demander si l’on recevrait quelque chose de valeur en retour, ou bien si l’on est en train de tout simplement dilapider des milliards de dollars des contribuables qui pourraient être utilisés autrement pour protéger l’Amérique des dangers réels.
Érosion des libertés civiles, corrosion de la politique étrangère
Ce genre de conclusions économiques n’est aucunement une nouveauté, car déjà en 2001 Peter Reuter, un économiste de l’université du Maryland, avait fait une recherche complète des drogues illégales (Drug War Heresies) dont les résultats furent publiés dans le magazine The Economist. Mis à part les aspects financiers de la prohibition des drogues, Reuter a souligné son impact néfaste non seulement sur la société américaine mais également sur les relations des Etats-Unis avec les autres pays et leurs populations. Il a dit qu’en avalant 35-40 milliards de dollars des contribuables par an, la politique des États-Unis en matière de drogues était la plus chère au monde. Elle a érodé les libertés civiles, enfermé en prison un nombre sans précédent de jeunes Noirs et Hispaniques et a corrodé la politique étrangère. Il est bien probable que les Américains consomment par habitant plus de drogues, surtout la cocaïne et les amphétamines, que la plupart des autres pays. En 2000, presque un tiers des Américains âgés de plus de 12 ans (presque un sur dix) admettaient avoir essayé des drogues à un moent donné.
De plus, les effets de cette politique américaine portent atteinte au monde entier. D’autres pays riches qui essayent de changer leur propre politique rencontrent une virulente opposition américaine ; les pays pauvres qui sont des pourvoyeurs de drogues se trouvent sous une énorme pression pour empêcher ce commerce, quel qu’en soit le coût pour les libertés civiles ou l’environnement (comme le démontre l’expérience latino-américaine).
Le rapport prétend également que les modèles de comportement de consommation des drogues changent et il semblerait que cela aille dans le bon sens. La consommation occasionnelle était en baisse, tandis que la consommation grave s’est stabilisée. « Le total de la population des consommateurs de drogues était bien stable depuis la fin des années 80, » déclare Reuter. D’après lui, dans les pays riches les drogues typiques qui attirent les jeunes consommateurs sont celles qu’on prend occasionnellement et pas continuellement : cannabis, extasy, amphétamines et cocaïne. Dans ce sens on pourrait les comparer à l’alcool plutôt qu’au tabac : les consommateurs sortent un ou deux soirs par semaine ou bien restent chez eux avec des amis, mais la plupart d’eux ne désire pas consommer tous les jours, comme le fait la majorité des fumeurs. Cela ne voudrait pas dire que ces drogues soient inoffensives, mais devrait plutôt soulever des questions sur la pertinence des politiques actuelles.
Marchands au détail : Détaillez-la !
Les voix en faveur de la légalisation se sont levées également dans les milieux des commerçants de détail américains. Dans une enquête online 71% des professionnels du commerce de détail étaient en faveur de la légalisation de la marijuana. « D’un point de vue purement pratique, nombre d’entre nous sont maintenant convaincus que la légalisation de la marijuana aux Etats-Unis apporterait bénéficierait grandement à la société, en particulier au commerce de détail. Cela allègerait également d’autres problèmes et injustices dans la société, » note le site RetailWire.com dans un communiqué de presse sur les résultats de l’enquête sous le titre « Détaillez-la ! »
Les néocons pour la légalisation
Fraser Institute, le fief des néo-conservateurs canadiens, a effectué une étude appelée « Culture de la marijuana en Columbie Britannique » démontrant l’effet cumulatif de plusieurs facteurs, ce qui suggère que la prohibition de la marijuana ne saurait être maintenue à long-terme avec les techniques de culture et les méthodes policières actuelles. En connaissant au moins vaguement l’histoire moderne, il est évident que nous sommes en train de revivre l’expérience de la prohibition de l’alcool de la première moitié du siècle passé. Les chercheurs disent que la valeur de la production représentait quelques 1-2.8% du produit intérieur brut de la province de Columbie Britannique (approx. 130 milliards de dollars en 2000).
« On continuerait à planter de la marijuana dans des pots de fleurs, sauf que ce serait à découvert et imposé comme n’importe quelle autre commodité vendue au détail » concluent les chercheurs. « La fin de la prohibition de la production de marijuana permettrait à la société de profiter d’une source complémentaire de revenus au lieu d’en faire cadeau au crime organisé. Si on ne veut pas que les milliards générés par ces activités bénéficient au crime organisé, on devrait considérer un changement de la politique anti-drogues. »
La guerre anti-drogues fait grimper les niveaux de criminalité
Le magazine américain Social Sciences Quarterly vient de publier une étude sur l’effet inverse de la détention pour drogues sur le nombre de crimes non-liés aux stupéfiants. Les auteurs ont trouvé que la persécution criminelle est décidément associée avec des niveaux plus élevés de violence et des crimes contre la propriété. Leurs résultats sont cohérents avec la théorie selon laquelle lorsque l’on donne une trop haute priorité aux détentions liées aux stupéfiants, le nombre de crimes en général augmente par manque de ressources policières. De plus, avec les risques d’incarcération on accroît également le nombre de crimes commis par les dealers. On a aussi noté que les détentions pour marijuana sont associées à une hausse de la petite criminalité, mais pas à d’autres crimes non-liés aux stupéfiants.
Les auteurs concluent : « Les résultats empiriques soulèvent des questions sérieuses sur l’efficacité des poursuites criminelles contre les drogues comme un instrument du contrôle du crime, et les approches actuelles en matière du contrôle des drogues pourraient entraîner des coûts importants pour la société. »
Les flics contre la prohibition des drogues
Les temps changent, même là où on s’y attendrait le moins - dans les rangs des protecteurs de la loi américains. Les membres actifs et retraités de l’appareil policier et judiciaire, en faveur de la régulation de drogues au lieu de leur prohibition, ont fondé en 2002 une organisation sans but lucratif internationale éducationnelle appelée LEAP (Law Enforcement Against Prohibition). Deux ans plus tard, l’organisation fondée à l’origine par cinq policiers compte déjà plus de 2000 membres dont 85 lecteurs aux États-Unis et dans sept autres pays. Tous les lecteurs du LEAP sont des anciens combattants de drogues - policiers, juges et procureurs. Le LEAP a des membres et des sympathisants non seulement aux États-Unis mais également dans quarante-cinq autres pays, ce qui est tout-à-fait dans la logique des choses parce que les ramifications de la politique anti-drogues américaine portent atteinte au monde entier.
La mission du LEAP est de réduire la multitude de dommages causés par la guerre anti-drogues et d’amoindrir le volume de décès, maladies, crimes et dépendances en mettant fin à la prohibition des drogues. Au LEAP, on est convaincu qu’afin de lutter efficacement contre les drogues illégales, il faut d’abord les légaliser et exclure du marché noir les profits qu’elles génèrent. On croit que les drogues devraient être accessibles en petites quantités pour la consommation personnelle à tous les adultes désirant les prendre. Les membres du LEAP sont persuadés que leur légalisation aurait radicalement affaibli le pouvoir du crime organisé et des organisations terroristes, pour qui les drogues représentent une source de profits.
Le LEAP se présente dans les conférences policières nationales et internationales, mais il cible également des organisations civiques, professionnelles, éducationnelles et religieuses aussi bien que des organisations comme les Chambres de commerce, les clubs de Rotariens, etc. Les membres de ces organisations sont habituellement des conservateurs sympathisant de la guerre anti-drogues, persuadés qu’il faudrait continuer cette guerre coûte que coûte. Après avoir donné plus de 900 lectures demandant la fin de prohibition et la légalisation de toutes les drogues, il s’avère qu’à l’issue de leur présentations la plupart du public est habituellement d’accord avec le LEAP. Encore plus surprenant est le fait que, pendant les conférences policières, parmi les personnes qui visitent leur stand d’exposition seulement 6% repartent en voulant continuer la guerre anti-drogues, 14% sont pas encore décidés et 80% sont d’accord avec eux sur la nécessité de cesser la prohibition des drogues.
La proposition de légalisation des drogues du LEAP en quatre points :
1.Légalisation de toutes les drogues.
2.Production des drogues et contrôle de leur qualité par le gouvernement fédéral.
3.Distribution des doses de maintenance gratuites de toutes les drogues à tous les adultes qui désirent continuer leur consommation.
4.Transfert de tous les milliards de dollars économisés vers des programmes de traitement des dépendances pour les malades et des programmes de prévention.
Sources :
Rapport "The Budgetary Implications of Marijuana Prohibition"
Article Stumbling in the dark, The Economist
Étude "Drug War Heresies", revue de presse
Online enquête entre les professionnels du détail sur la légalisation de la marijuana
Étude "Marijuana Growth in British Columbia", Fraser Institute
Drug Enforcement and Crime : Recent Evidence from New York State, Social Science Quarterly
Law Enforcement Against Prohibition (LEAP)