Mmmm, ça va vite... En guise de méta-commentaire, en regard de la boutade de
JoeySax, je me disais plutôt hier que le niveau d'argumentation et de culture de cette assemblée de fumeurs de joints démontrait si besoin était (
mais nous, nous le savions) que la fumette est loin de ramollir le cerveau !
Kriiizzz, je trouve que ton commentaire sur la compétition se tient et que la réponse de
Petitgris est également pertinente. A mon sens, les constructions politiques modernes, comme l'UE ou l'OMC (
cette dernière sans prétention culturelle mais dans un rôle d'arbitrage mondial de la compétition) tentent d'établir un équilibre entre liberté/compétition et réglementation/solidarité, avec des travers, bien sûr, ce sont des constructions humaines et
errare humanum est, mais en bonne intention.
Le gros problème actuel, c'est que,
volens nolens, la mondialisation est entamée et qu'en plus, la population de la planète a doublé en 50 ans. Le choc est terrible pour tout le monde, au Nord, au Sud, mais plutôt plus pour le Nord, bousculé dans son confort récemment atteint des "30 Glorieuses". Du côté de l'Asie, au contraire, leurs 20 ou 30 ou 40 Glorieuses à eux semblent commencer. Tu parles de tensions. Dans ce contexte, l'inquiétude touche tout le monde et, malheureusement, ça exacerbe la compétition. Un des commentaires qu'on a beaucoup entendu lors de cette campagne référendaire, c'est
"Mais qu'est-ce que ça va m'apporter de plus à moi, la Constitution ?". Le social étant constitué par ce que chaque individu est prêt à apporter au "Bien commun", on conçoit qu'on ne peut pas construire grand chose si cet état d'esprit est prédominant.
Face à ces bouleversements, les propositions des tenants du "Non de gauche" sont dans leur majorité très irréalistes, réfugiées dans un imaginaire idéalisé, dignes d'un roman de gare gentillet où si tout le monde était gentil et si on virait tous les méchants-pourris, tout pourrait aller enfin mieux entre les hommes qui sont des frères. En gros. Ca ne vole pas beaucoup plus haut que ça face à des problématiques autrement complexes que des arguments de contes de fée, même chez des intellectuels comme ici (
à part Tony ) ou ailleurs ; c'est dire comme le
wishful thinking est une drogue forte dont quiconque aura du mal à se sevrer.
Tiens, à propos de l'intervention de
Tony (
"pour moi ce qui est clair ses que le oui il se le mette bien profond"), je dois dire qu'elle m'a fait sourire de bon coeur et sans mauvaise pensée à son égard. Après tout, c'est un bon mot, que j'apprécie même si en tant que "pro-oui", mon cul est un de ceux qui va probablement prendre dimanche soir, mais c'est aussi un résumé on ne peut plus concis (
et sans toutes ces grandes contribs que nous échangeons) de ce qui se joue en ce moment. Cela dit, le coup d'arrêt à la construction européenne, qui écorne un idéal à moi (
et à d'autres) qui remonte à très loin, je m'en remettrai, mais ce qui me chagrine, c'est que les vrais cocus de l'affaire, dans les années qui viennent, ce seront ceux qui précisément ont déjà le plus de mal. Des gens qu'on abuse en leur disant qu'en répondant "Non", ça va aller moins mal. Ces politiciens "de gauche de la gôche" (
la vraie !) ne se conduisent pas mieux que ceux-là même qu'ils brocardent, à tort ou à raison, ils font essentiellement dans la démagogie. La déferlante des pays de niveau de vie moins élevé que le nôtre, qui ont soif d'améliorer leur niveau de vie, elle va probablement encore s'amplifier beaucoup quoi qu'il arrive. Et ce n'est pas en adoptant des positions réactionnaires et rêveuses que l'on va protéger les plus fragiles de cette dureté.
Daniel nous a dit un mot de ce qui se passe dans son secteur. Il a eu la sagesse de se préparer au choc, TCE ou pas TCE. Et il est malheureusement minoritaire. A contrario, je trouve ni digne ni efficace de dire aux pays du Sud, il y a 10 ans,
"OK, vous allez pouvoir nous vendre vos textiles moins chers pour vous constituer de nouveaux marchés et améliorer votre niveau de vie, mais pas avant 10 ans, le temps qu'on se prépare". 10 ans plus tard, on n'a pratiquement rien préparé et c'est la panique. Enfin,
wait and see.
aligator a écrit:La solidarité au quotidien c'est emmener la mémé voisine faire ses courses de temps en temps, prendre de ses nouvelles quand il fait très chaud, etc... Je sais, c'est pas ça qui va payer ses médicaments. Mais pour ça on a la sécurité sociale, les caisses de retraite : il serait temps que les gestionnaires de ces fonds publics rendent des comptes non ?
L'un n'empêche pas l'autre, cher Aligator, solidarité au quotidien non financière ET solidarité financière plus appuyée si c'est nécessaire. Le problème, en France, c'est qu'il y a trop de gens qui se disent actuellement,
"Eh oh, moi j'ai assez donné, que les plus favorisés y soient de leur poche et tout ira bien".
Les "gestionnaires de ces fonds publics" que tu interpelles avec une certaine morgue, c'est-à-dire, je te le rappelle, les partenaires sociaux et l'Etat, tu penses vraiment qu'ils sont les seuls responsables, par incompétence sans doute, de l'état des comptes déplorable actuel ?
Petitgris a écrit:L’allusion de Foucault récupéré par le Medef ne visait pas à t’associer à ce courant de pensée
Cool, don d'acte,
apologies accepted et je n'en rajouterai pas moi non plus sur ce point.
J’ai quelques textes sur « le gouvernement de soi » et sa genèse (les cyniques et les chrétiens, notamment) et il est malheureux que Michel Foucault n’ait pu approfondir cette recherche.
Cool bis, si c'est sous forme électronique, je suis preneur. De mon côté, j'ai son cours sur "L'Herméneutique du Sujet" dont je n'avais lu que les 60 premières pages et que je suis mûr pour reprendre, en attendant la publication des 2 derniers cours.
Sinon, j’ai peur de ne pas bien comprendre ta phrase sur la protection. La lutte contre l’insécurité sociale est pour moi un des grands défis de nos démocraties modernes (et je n’ai pas la main sur le cœur).
Oui, il semble qu'on ait un point de vue un peu différent sur cette question. Si par "sociale", tu veux dire "du travail" (
dans l'acception détournée du mot en France), je crois qu'on ne pourra pas lutter de front contre la tendance à l'impermanence et à la volatilité du travail et des flux économiques, au moins pour quelques décennies voire un siècle, le temps peut-être d'équilibrer un peu les niveaux de vie dans le monde. Entre temps, il va falloir du courage et du coeur à l'ouvrage de par nos contrées.
Il y a des mouvements historiques de fond qui sont à l'oeuvre, notamment celui de
l'individualisation. Les institutions d'antan ne tiennent plus l'individu en sujétion comme par le passé, mais elles ne lui offrent plus non plus des protections auxquelles il s'était habitué. A contrario de la demande accrue de protection actuelle (
compréhensible mais insatisfaisable), la mesure d'autonomie gagnée par l'individu a son prix : l'obligation d'être plus responsable de soi et de son travail au quotidien. La
démocratisation fait également obligation (
morale mais aussi pratique) a l'individu de cultiver (sérieusement) autant que faire se peut des relations d'égal à égal et non plus de subordination, dans un sens ou dans l'autre. Personnellement, cela m'a amené à choisir le travail indépendant, je ressentais comme intenable, à notre époque, aussi bien d'avoir un patron que d'être le patron d'autres individus.
Enfin,
l'accélération, due aux progrès techniques, des flux de tous ordres (
information, communication, économie, connaissances), dopée par les dématérialisations croissantes et l'internetisation, empêche tout retour à un monde de permanence à l'échelle de la vie d'un homme. Comme pour la transition entre individu assujetti (au roi ou à la république) et individu en voie d'autonomie, le passage d'un monde dominé par la permanence à un monde dominé par l'impermanence fait perdre certains avantages et en gagner d'autres. Je ne vais pas développer parce que j'ai déjà fait bien trop long, et j'espère n'avoir pas été trop confus, camarade.
A+