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Une ville sympa
Libération : Mellah et merveilles à MogadorRaccourci vers :
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Maroc
Mellah et merveilles à Mogador
Retour sur l'histoire de ce grand port de commerce, baptisé tour à tour
Mogador ou Essaouira, et qui, au XIXe siècle, comptait plus de juifs que de
musulmans.
par Eric AESCHIMANN
QUOTIDIEN : samedi 21 janvier 2006
Essaouira (Maroc) envoyé spécial
«Monsieur Nicolas nous faisait peur avec son chien méchant. Il y avait aussi
la dame qui nous jetait de l'eau par la fenêtre parce qu'on faisait trop de
bruit. Notre voisin, c'était le consul de France ; j'allais jouer avec ses
enfants en passant par les terrasses.» A cent mètres du souk, la rue de
Marrakech est un petit boyau bordé de magasins de tapis. La voix d'Asna, 67
ans, remplit l'espace. Elle en avait 17 quand elle a quitté le Maroc avec un
faux passeport espagnol. Aujourd'hui, elle vit à Chantilly. De France ou
d'Israël, toute la famille Knafo est venue célébrer le centenaire de la mort
de l'arrière-grand-père, rabbin d'Essaouira quand la ville s'appelait
Mogador et comptait plus d'habitants juifs que musulmans.
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Essaouira, petite perle marocaine, est à la mode. Lassée de Marrakech, la
jet-set européenne y trouve, à deux heures de Paris, luxe, calme et
dépaysement. Là où régnaient la ruine et la décrépitude poussent galeries et
restaurants chic, comme si l'antique cité fondée par les Phéniciens était
condamnée à ne ressusciter que par la grâce du tourisme d'avant-garde. Déjà,
à la fin des années 60, elle avait été redécouverte une première fois par
les hippies. Jimmy Hendrix, Cat Stevens ou Margaret Trudeau, l'épouse
fantasque du Premier ministre canadien, prirent leurs quartiers d'été dans
ce qui est devenu l'hôtel Riad-Médina. Ils furent jusqu'à plusieurs
centaines, puis disparurent.
Mais il y a une vie avant les touristes. Il y a un demi-siècle, Essaouira
était un poste avancé du commerce européen. Les bateaux remplis de sacs
d'amandes, thé, olives, plumes de paon partaient vers l'Angleterre ou
l'Allemagne, faisant vivre toute une société cosmopolite. La Gazette
d'Essaouira donnait les horaires de départ des navires, on se retrouvait au
club anglais ou aux Galeries nouvelles, le grand magasin de la place
Moulay-Hassan, aujourd'hui transformé en agence de l'Office national
d'électricité. Le protectorat français offrait ses écoles et ses hôpitaux,
et le linge sale était envoyé à laver à Manchester. Place Moulay-Hicham, à
la terrasse de l'hôtel Beaurivage où il fait toujours bon faire halte, il
faut imaginer ce temps où les messieurs chic appelaient le serveur en tapant
du doigt sur leurs cols amidonnés.
Les Français étaient médecins, fonctionnaires. Les Arabes tenaient les
boutiques d'artisanat. Et les grandes familles de négociants étaient juives,
héritières des Tujjar al-Sultan, «les négociants du roi». Elles avaient
accouru de tout le Maroc, en 1765, à la demande de Mohammed III. Le sultan
avait décidé d'établir ici le grand port de son royaume et d'en faire le
point de liaison avec les caravanes venues d'Afrique. Grâce à un régime
d'exemptions fiscales, une douzaine de maisons de commerce s'établirent
aussitôt. Au milieu du XIXe siècle, Mogador comptait 10 000 musulmans et 17
000 juifs reclus dans le mellah, le quartier juif situé dans la partie nord
de la vieille ville. Plus tard, ceux qui en avaient les moyens déménagèrent
dans les belles demeures de la casbah autour de la place Moulay-Hicham.
Souk aux arcades façon rue de Rivoli
Les guides effleurent à peine ce Mogador enfoui. Pourtant, sans lui, quelque
chose manque dans le décor trop facile de la nouvelle Essaouira. Ce sont les
hauts immeubles de Bab Sbaa, dont il vaut mieux savoir qu'ils formaient le
quartier français avant de s'étonner de leur beauté froide et si peu arabe.
C'est, rue El-Hejaili, la pâtisserie Driss, toujours ouverte et où, il y a
cinquante ans, on vendait les meilleurs babas au rhum du Maroc. Face au
Beaurivage, à l'ombre d'un caoutchoutier, un passage conduit à un terrain de
sport : ici, au temps du protectorat, l'équipe de basket d'Essaouira,
championne du Maroc, recevait à domicile toutes communautés mélangées.
Et encore, pêle-mêle : au bout de la rue de Marrakech, il y avait le club
juif, pour les fêtes et les communions. Rue Ibn-Zohr, l'église portugaise,
désaffectée, avait pour voisine «madame Massodo, qui préparait les repas à
emporter pour les célibataires de la ville», se souvient Katia, partie en
1957. Rue Scala, au-dessus d'une boutique qui vend des tableaux à deux sous
pour touristes, on peut repérer un petit panneau «Scala Cinéma». Au fond du
magasin, du contreplaqué bouche l'accès à l'orchestre. On dit que, derrière,
les fauteuils rouges et l'écran sont intacts. L'escalier est caché par un
drap ; en levant la tête, on aperçoit la mezzanine du bar et sa peinture
bordeaux. «Le jeudi après-midi, il y avait le court métrage, les actualités
Pathé, le film.»
Mohammed III fit un autre cadeau à la ville en confiant la construction de
la nouvelle médina à un architecte français, Cornut, disciple de Vauban. Il
en résulte l'étonnant spectacle d'un souk dont les rues se coupent à angle
droit, se doublent d'arcades façon rue de Rivoli et s'ornent de miniarcs de
triomphe à leurs intersections. Sur les portiques en pierre ocre, il y a des
arabesques mais les remparts crénelés de Bab Ljhad rappellent surtout la
citadelle de Carcassonne. En 1951, Orson Welles vint y tourner les
extérieurs de son Othello. «Il logeait au Beaurivage et donnait des
friandises à la fin de la journée aux enfants. Les gens se souviennent de sa
voix tonitruante. Il manquait d'argent pour terminer son film et toute la
population l'a aidé pour faire les armures avec des boîtes de sardines.»
«Mon père a travaillé pendant trente-cinq ans comme chef comptable chez
Cartier, un des gros négociants. Il a eu la médaille du travail», reprend
Asna. L'ordre social était rugueux. Au rez-de-chaussée des entrepôts, des
paysannes cassaient les amandes pour le compte des marchands juifs qui
possédaient des plantations dans l'arrière-pays. Jusqu'en 1951, les enfants
arabes n'étaient pas admis au collège français ; mais les juifs, eux, furent
chassés des emplois administratifs par le gouvernement de Vichy. Chez tous,
les nounous qui berçaient les bébés étaient d'anciennes esclaves ou
descendantes d'esclaves : jusque dans les années 30, les caravanes de
Tombouctou transportaient aussi du bois d'ébène. Voilà pour les «aspects
positifs» de la colonisation.
La rénovation bat son plein
Les Français sont partis les premiers, à la fin du protectorat. Les juifs
ont suivi en 1967, après la guerre des Six Jours, abandonnant leurs maisons
aux quatre vents il y a trois mois, dans l'ancien mellah, il a fallu en
raser 250 qui risquaient de s'effondrer. En 1969, le sociologue français
Georges Lapassade, annonçant la vague hippie, découvre la ville et écrit un
texte qui fera date : Essaouira, ville à vendre. Désormais, la rénovation
bat son plein et les festivals se multiplient, en partie sous l'impulsion
d'un natif de la ville, André Azoulay, premier juif nommé conseiller du roi
du Maroc depuis le milieu du XIXe. Sur les 3 000 riads (anciennes demeures à
patio), 1 000 ont été réhabilités, 500 rachetés par des étrangers, 150
transformés en hôtels. Un énorme complexe avec hôtels, résidences privées et
golfs doit surgir de l'autre côté de la baie ; les tracts font de la pub
pour les balades en quads vrombissants dans le désert.
Tout brille, tout reluit et ce qui n'entre pas dans le chromo est écarté. Il
y a trente ans, en périphérie de la médina, les sardineries et les usines de
cuir faisaient travailler des centaines d'ouvriers ; elles sont sur le
déclin. En revanche, l'ancien consulat français est devenu un centre
culturel-musée, ce sera bientôt le tour de la vieille synagogue. Au bout de
la rue Houmman-Fatouaki, le linge sèche dans le patio de l'ancien consulat
danois en ruine. Le site a été proposé au Danemark et à la Norvège pour en
faire une vitrine de la culture scandinave. Un projet à 2 millions de
dollars. Sept familles marocaines squattent ce palais décati. Forcément,
elles ne pourront pas rester.
photos ludovic carême
Libération : Y aller, dormir, manger...Raccourci vers :
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Maroc
Y aller, dormir, manger...
QUOTIDIEN : samedi 21 janvier 2006
Avec le Guide du routard «Maroc 2006-2007» pour ses bons plans.
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Mellah et merveilles à Mogador
y aller
Avion : Paris-Essaouira (vols directs et vols via Casablanca ou Marrakech),
à partir de 313 € TTC A/R. Royal Air Maroc : 32 60 et dire Royal air Maroc.
Paris-Marrakech à partir de 260 € TTC A/R (ts les j. sauf jeu.). Corsair : 0
8 20 04 2 0 42.
Bus : Marrakech-Essaouira, 2 h 30, 55Dh. Compagnies CTM ou Supratours.
Formalités : passeport en cours de validité.
Dormir
Le Mechouar : face aux remparts, hôtel avec terrasse fleurie. Chambres
simples et propres avec salle de bains et eau chaude. De 250 à 350 Dh la
chambre selon saison. Avenue Oqba-ben-Nafi ; 00 212 44 78 48 27.
Hôtel Al Fath : en bord de mer, chambres joliment meublées. Grande terrasse
panoramique sur le toit. Double à 300 ou 400 Dh, petit déj' inclus. 6-8, rue
Skala ; 00 212 44 47 44 92.
Villa Bagdad : somptueux riad, peu de chambres mais accueil pas toujours
chaleureux. De 650 à 760 Dh la chambre, 1 210 Dh la suite. 12-14, rue de
Bagdad ; 00 212 70 96 60 73 ;
http://www.villa-bagdad.comManger
Restaurant Les Amis : bonne ambiance et cuisine bon marché. 24, rue
Abdelaziz-Fachali.
Restaurant Ferdaouss : excellente cuisine familiale traditionnelle. Compter
100 Dh pour un repas. 27, rue Abd-Essalam-Lebadi ; 00 212 44 47 36 55.
Le Patio : repas servis dans de petits salons. Cuisine à base de poissons. A
partir de 120 Dh le repas. Le soir uniquement, fermé le lundi. 28 bis, rue
Moulay-Rachid. L'Océan Vagabond : sur la plage, le rendez-vous des surfeurs.
On y mange des omelettes dans des transats, les pieds dans le sable.
Acheter
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