par Anonymous » 21 Mar 2005, 00:23
Drogue : en parler, c'est risqué
Où finit l'information, où commence le prosélytisme en matière de drogues?
C'est la question que se posent de plus en plus d'acteurs de la prévention.
Le 21 mars, Jean-Marc Priez, ex-président de l'association Techno Plus, qui
intervient dans les raves parties, sera jugé pour «provocation à l'usage de
stupéfiants». Il risque jusqu'à dix ans de prison et 750000 euros d'amende
pour avoir mis sur son site internet un tract expliquant comment «sniffer
propre» ainsi qu'un autre article sur les mélanges de drogues à éviter. Des
faits réprimés par l'article L3421-4 du Code de la Santé publique, nouvelle
appellation du L630, punissant «la présentation sous un jour favorable» de
toute drogue. Jean-Marc Priez avait été relaxé pour vice de procédure en
première instance en 2003. Mais le parquet a fait appel. Une «décision
politique» prise par «des gens menant des combats d'arrière-garde», estime
l'ancien président de Techno Plus, qui a reçu le soutien de Médecins du
Monde, de trois anciens ministres de la Santé, de la Ligue des Droits de
l'Homme ou encore de François Hollande. «C'est la première fois qu'un
acteur de terrain ¦uvrant pour la politique de santé publique est inculpé
dans le cadre de sa mission», a regretté le premier secrétaire du PS.
Jean-Pierre Galland, lui, président du Collectif d'Information et de
Recherche cannabique (Circ), a déjà été jugé huit fois pour infraction à
l'article L630. Depuis sa dernière condamnation en 2001, cette star du
mouvement antiprohibitionniste des années 1990 vit «avec une peine de
prison sur le coin de la gueule». Car Jean-Pierre Galland n'a plus de quoi
payer. Ruiné par les amendes à répétition, il a également du mal à vivre de
son autre activité, l'écriture. Car l'article L3421-4 sévit aussi chez les
libraires. Comme Virgin en 2002, la Fnac a ainsi récemment demandé à ses
magasins de rendre moins visibles plusieurs ouvrages sur la drogue après
qu'un de ses gérants a été convoqué par la police. Parmi les livres visés
figure le principal ouvrage de Jean-Pierre Galland, «Fumée clandestine»,
une encyclopédie du cannabis sortie en 1991.
«Le but n'est pas forcément d'obtenir une condamnation, mais d'exercer une
pression continue sur les distributeurs, subodore Mathieu Diaz, directeur
commercial des Editions du Lézard, qui publient Jean-Pierre Galland et la
plupart des livres incriminés. Dans certains magasins, les policiers
viennent tous les mois noter les livres en rayon.» Stéphane Karscher, alias
K'Shoo, confirme. Quelques mois après l'ouverture de sa boutique Mauvaise
Graine à Montpellier consacrée au chanvre et à ses utilisations
alternatives, la police a saisi une partie de son stock, des livres des
Editions du Lézard et le journal de l'association d'usagers de drogues
Asud. Condamné à 1000 euros, K'Shoo a porté l'affaire devant la Cour
européenne des Droits de l'Homme (CEDH). Les juges de Strasbourg ont
également sur leur bureau le dossier de Laurence Duffy, gérante du magasin
Jardin d'Eden à Lyon et condamnée à 761 euros d'amende pour avoir distribué
lors d'une manifestation du Circ en 1997 des graines de chanvre
alimentaire. Son avocat, Me Henri Leclerc, président d'honneur de la Ligue
des Droits de l'Homme, invoque pour la défendre l'article 10 de la CEDH
garantissant la liberté d'expression.
Egalement défendu par Me Leclerc, le Vert Jean-Luc Bennahmias attend lui
d'être rejugé en appel après l'annulation de sa relaxe par la Cour de
Cassation. Il est poursuivi pour vente et «complicité de provocation à
l'usage des stupéfiants» en tant qu'organisateur des journées d'été des
Verts à Lorient en 1999, où un stand proposait divers produits alimentaires
à base de chanvre inoffensif. «Toutes les législations européennes ont
évolué, sauf celles de quelques pays néorigides comme la France», s'insurge
le député européen, qui dénonce la «négation de la possibilité pour un
parti politique européen d'exprimer sur ce sujet une position européenne».
Jérôme Hourdeaux