par Anonymous » 16 Mar 2005, 23:57
Un tract du Circ qui est le résumé de "lettres ouvertes aux législateurs", le livre qui avait été envoyé aux députés avec les petards.
Pour en finir avec la prohibition…
Les termes les plus divers sont utilisés pour marquer une rupture avec la logique de la prohibition : libéralisation, dépénalisation, légalisation, décriminalisation, bien qu’employés indistinctement, ils recouvrent en fait des philosophies et des politiques différentes. Nous préférons quant à nous parler de décriminalisation, en effet, la “ libéralisation ” et la dépénalisation conservent le cadre général de la prohibition, qu’elles se contentent d’aménager. Quant à la légalisation, elle a ceci de commun avec la prohibition de continuer à porter un jugement moral sur les drogues qui dit : les drogues sont mauvaises et de vouloir, comme la prohibition, protéger l’individu de lui-même par la loi.
Décriminalisons l’usage…
La décriminalisation, elle, ne cherche pas à faire tenir à la loi un discours particulier sur les drogues. Elle se limite à supprimer ce qui permet dans la loi de traiter en ennemi un individu ayant fait un choix différent de celui que la morale du moment ou une conception mal fondée de la santé publique veut promouvoir. Elle vise à rétablir la neutralité idéologique de l’État sur la question des drogues en accord avec la déclaration des droits de l’homme, dont l’article IV stipule : “ La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. ”
La décriminalisation supprime les mécanismes qui enferment le consommateur de drogues illicites dans la clandestinité et la criminalité, elle le rétablit dans ses droits et dans sa dignité parce qu’elle fait plus confiance à l’individu pour déterminer lui-même ce qui est bon pour lui, qu’à l’État.
Par ce travail négatif, la décriminalisation restaure la liberté — et la responsabilité — de l’individu et permet à la société d’aborder de façon dépassionnée la question du contrôle sociétal des drogues. Elle s’accompagne d’un contrôle de la qualité des produits et d’une réglementation de la distribution des drogues afin de protéger le consommateur. Elle ne s’étend pas aux torts causés à autrui (accident commis en état d’ivresse, par exemple). La décriminalisation des drogues dit seulement ceci : la guerre est finie.
… et réglementons la distribution
La réglementation est subordonnée à la décriminalisation. Elle s’intéresse plus aux choses qu’aux personnes. Elle vise à bâtir par des modalités souples et révisables un cadre évolutif favorisant la liberté et la responsabilité des individus et permettant d’apporter à ceux qui le souhaitent l’aide médicale ou psychologique nécessaire.
Ce qui fait la force de ce schéma, c’est qu’il considère la question des drogues comme une question ordinaire et la traite avec les moyens ordinaires de l’hygiène sociale, de la médecine et du droit contrairement à la prohibition qui traite les consommateurs de certaines drogues en hérétiques et mène contre eux une implacable et coûteuse croisade. La décriminalisation de l’usage supprime par définition les délits sans victime que sont la consommation et les délits connexes (achat, transport, détention), tandis que la réglementation de la distribution supprime de fait les délits de trafics, la criminalité liée à la cherté et à la clandestinité des produits interdits et les accidents dus aux coupages.
Un programme de transition
Le principal défi de cette nouvelle approche n’est pas tant celui de la définition d’un système légal de distribution des drogues ou de la mise en place de mécanismes sanitaires et sociaux protecteurs, que la gestion de la situation catastrophique léguée par la prohibition avec son cortège de séropositifs, ses polyintoxiqués, ses consommateurs clochardisés, sans compter le difficile travail de démobilisation des armées jumelles du trafic et de la prohibition.
A cause de l’ampleur des dégâts et de l’énorme désinformation régnant sur cette question, il sera sans doute nécessaire de ménager une phase de transition entre l’actuel régime de prohibition et celui de l’accès libre aux produits psychotropes. Ce système pratiquera un retour à la situation ante prohibition et s’inspirera pour traiter les problèmes causés par l’usage abusif des drogues actuellement illicites des mécanismes mis en place pour
encadrer la consommation des drogues légales.
Nous laisserons à d’autres le soin d’exposer en détail les solutions les plus adaptées aux drogues “ dures ” ; notons simplement que la sortie de la prohibition par la décriminalisation a déjà commencé sur le front de l’héroïne par la politique de limitation des risques (distribution de seringues, programmes méthadone, etc.). Certes, ces mesures ont été prises à cause du danger sanitaire que l’héroïne clandestine fait courir aux usagers, mais il serait paradoxal que sous prétexte que le cannabis ne présente aucun danger majeur, son usage continue d’être criminalisé. La décriminalisation de fait de l’usage des drogues dures doit nécessairement s’accompagner d’une avancée semblable sur la question du cannabis.
Dans l’immédiat, la façon la plus simple de décriminaliser le cannabis serait de le retirer du tableau des stupéfiants, ce qui permettrait de poser d’une façon pragmatique la question de son statut et de sa distribution. Nous proposons un modèle qui combine l’autoproduction (pour la production destinée à l’usage privé) et un système de distribution dont le pivot est ce que nous appelons le “ cannabistrot ” pour la production destinée au commerce.
L’autoproduction
L’autoproduction est certainement l’un des chapitres qui tiennent le plus au cœur des cannabinophiles parce qu’elle permet un approvisionnement non marchand, des cadeaux et des échanges particulièrement bien adaptés à la convivialité du cannabis… et qu’elle impose au marché des prix bas et une bonne qualité. L’autoproduction est limitée aux quantités destinées à un usage privé. Celui-ci comprend les quantités nécessaires à la consommation personnelle et celles offertes aux amis.
A notre avis, pas plus que pour les tomates du jardinier du dimanche, il n’y a lieu de fixer de limite chiffrée à cette quantité. La différenciation entre production commerciale ou privée devant se faire au moment où le produit, au lieu d’être consommé ou offert, devient une marchandise en apparaissant sur le marché. Il y aura certainement des petits malins qui essaieront de faire du commerce hors licence, mais ce type de comportement inévitable
ne devrait pas avoir beaucoup d’importance si le système légal est bien organisé. Du reste, la législation sur le travail au noir, la concurrence déloyale, la fraude fiscale et la licence H seront largement suffisants pour traiter ce type d’infractions banales.
Le cannabistrot
C’est le cœur du dispositif : un lieu convivial, où l’on peut consommer et acheter au comptoir différentes variétés de cannabis. On y diffuse une information sereine sur les drogues dures ou douces, leur consommation, leurs effets et leurs dangers. C’est le lieu où se construit et s’acquiert une culture de l’usage des drogues, il est aux cannabinophiles ce qu’est le bistrot à l’amateur de vins. Il est régi par une licence particulière.
La licence H
Cette licence, nécessaire pour l’ouverture d’un cannabistrot, en fixe les règles. Ne sont vendus dans les cannabistrots que les produits ayant reçu l’estampille de l’Agence française du cannabis. La vente est interdite aux mineurs de moins de 15 ans. On n’y vend ni tabac, ni alcools forts, ni drogues dures, produits dont la distribution relève d’autres circuits. La vente est limitée à des quantités destinées à l’usage personnel.
L’Agence Française du Cannabis
C’est un organisme paritaire regroupant, des représentants des producteurs, des distributeurs, des consommateurs et la dose usuelle de représentants de l’État et d’experts. L’agence est chargée de distribuer les licences H et de veiller à leur respect. Elle a le monopole de la certification des produits mis sur le marché, qu’elle analyse et contrôle. L’agence gère les licences d’importation et d’exportation, finance des recherches sur la culture (agricole) du cannabis, l’amélioration des semences, l’utilisation thérapeutique du cannabis, sur la réduction des risques liés à l’inhalation, etc.
La certification des produits
Tous les produits vendus au cannabistrot sont analysés. Ils sont vendus avec une étiquette précisant le type de produit, la région de production, la concentration en produits actifs, les effets qu’on peut en attendre, les précautions d’emploi et les recommandations de prudence et de sobriété utiles, enfin le poids et le prix au gramme. Les produits sont désignés par le nom de la variété ou par le nom de la région de production.
Publicité et Appellation contrôlée
La publicité serait limitée et alignée sur les réglementations en vigueur pour les alcools et les tabacs. Un système d’appellation contrôlée sera mis en place. Le but de ces dispositions est d’orienter le marché vers un système ressemblant plus à celui du marché des vins (qui garantit la qualité et favorise les petits producteurs) que celui de la bière et des tabacs qui favorise les trusts et les produits standardisés.
Commerce : classique ou passif ?
Le commerce pourra au choix être aligné sur le régime général du commerce ou adopter une forme particulière sans bénéfices. Dans ce dernier système, afin d’éviter que le commerçant ne pousse à la consommation, l’établissement est régi par une coopérative où les tenanciers sont salariés, le bénéfice éventuel de l’établissement étant versé à un organisme social ou culturel.
Taxes et vignette
Comme n’importe quel produit, le cannabis sera assujetti aux taxes usuelles, et comme les tabacs et spiritueux à la vignette sécu. On s’abstiendra de grever le produit de trop de taxes afin d’éviter que l’autoproduction et la mutation des actuels réseaux de trafic en réseaux de contrebande, ne chassent du marché la production légale.
Production
Les cultivateurs désireux de produire du cannabis à des fins commerciales devront obtenir la certification de leurs produits auprès de l’AFC. Que ce soit à fin d’exportation ou d’écoulement sur le marché national, ils pourront les proposer eux-mêmes ou par le biais de coopératives de producteurs ou en confier la distribution à l’AFC. Comme n’importe quel producteur, ils devront s’acquitter des différentes taxes exigibles. Ils pourront se regrouper en coopératives pour optimiser leurs cultures, se perfectionner et défendre leurs intérêts.
Importations
Devenu une marchandise ordinaire, le cannabis pourra également être importé des pays où sa production est licite sous la réserve que la qualité du produit satisfasse aux exigences sanitaires et légales édictées par l’AFC. La politique d’achat et de certification de l’AFC fera en sorte de faire passer le contrôle de la production de ce produit des trafiquants, aux paysans, aussi favorisera-t-elle systématiquement les coopératives paysannes dans ses recommandations.
La vente aux mineurs
La vente aux mineurs, sauf autorisation parentale, sera interdite. Toutefois, vu l’innocuité relative du cannabis, comparée à celle de l’alcool ou du tabac, il paraît judicieux de fixer à 16 ans (âge de la majorité sexuelle), la “ majorité cannabique ”.
Vente par correspondance
Une agence postale sera mise en place afin que les consommateurs isolés puissent avoir accès aux produits, ce système présentant à la fois des garanties de discrétion pour le consommateur et un contrôle suffisant (envoi recommandé, quantités limitées à l’usage personnel).
Cannabis thérapeutique
Dans le cas où le cannabis serait prescrit pour un usage thérapeutique par un médecin, il sera remboursé comme n’importe quel médicament.
Amnistie
La décriminalisation du cannabis devra avoir un effet rétroactif sur les condamnations pour des délits de consommation, production, vente et trafic et entraîner l’amnistie immédiate des personnes poursuivies.
Le CIRC ne fait ni propagande, ni prosélytisme, ni publicité pour le cannabis (c’est parfaitement inutile.)
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