Pubdate: jeudi 10 février 2005
Source: AFP (Association France Presse)
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Économie et finance
Le "cannabis médical" divise l'Europe (PAPIER D'ANGLE)
Par Nicolas GAUDICHET
PARIS - L'usage médical du cannabis divise les pays de l'Union européenne
entre ceux, comme les Pays-Bas ou la Grande-Bretagne, qui ont autorisé sa
prescription et ceux qui, à l'instar de la France ou de l'Italie, s'y
refusent, craignant qu'elle ne banalise davantage la consommation de haschisch.
La semaine dernière, le gouvernement catalan a donné son feu vert à la
distribution de marijuana en pharmacie contre les douleurs chroniques, les
nausées ou la perte d'appétit chez des malades souffrant de sclérose en
plaques, du cancer ou du sida.
La Belgique, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, et, hors UE, la Suisse ont
déjà autorisé à des degrés divers la mise à disposition de cannabis à usage
médical. En Allemagne, le Marinol, un médicament contenant du THC, molécule
active de la marijuana, est en vente en pharmacie.
Mais les autres pays européens y restent hostiles. Ils s'appuient notamment
sur la convention de l'ONU concernant les psychotropes de 1971 qui classe
le THC comme présentant "un risque sérieux pour la santé tout en ayant une
utilité thérapeutique limitée, voire nulle".
Dans l'UE, seuls sept pays (Allemagne, Pays-Bas, Finlande, Grande-Bretagne,
Belgique, France et Espagne) ont engagé des recherches scientifiques qui
pour l'heure n'ont abouti à aucun consensus.
Confrontés à une consommation croissante de haschisch, beaucoup de
gouvernements craignent que "légaliser le cannabis à des fins médicales
n'ouvre la porte à une légalisation" de l'usage récréatif, selon une étude
de 2002 de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT).
Face aux malades, les tribunaux européens, laissés à eux-mêmes par les
législateurs, jugent au cas par cas, sans cohérence politique.
Pendant que le gouvernement italien de Silvio Berlusconi dit son intention
de durcir la répression de l'usage et exclut toute vente en pharmacie, une
cour de Venise invoque en 2002 le droit constitutionnel à la santé pour
autoriser un hôpital à importer et prescrire du cannabis.
En Allemagne, où l'usage thérapeutique du cannabis est strictement encadré,
une cour berlinoise relaxe en décembre 2003 un homme souffrant de la
maladie de Crohn, une infection chronique des intestins, qui en cultivait.
L'Autriche fait partie des tenants d'une ligne dure mais un tribunal de
Wels (nord) acquitte en avril 2001 un malade du sida. En septembre 2002, un
séropositif marseillais est, à l'inverse, condamné en France.
En Grande-Bretagne, deux cours ont rendu en 1999 des arrêts
contradictoires, alors même que la chambre des Lords venait de préconiser
l'usage thérapeutique du cannabis : un tribunal de Swansea (Pays de Galles)
condamne à de la prison deux prévenus souffrant d'une affection
dégénérative et d'arthrite, tandis que trois malades de sclérose en plaques
sont acquittés à Manchester (nord).
Même les pays les plus ouverts sur le sujet ont des difficultés à accepter
de produire du cannabis, qu'ils continuent de considérer comme un
stupéfiant. Au Canada, bien que l'usage médical ait été autorisé en 1999,
des malades ont longtemps été contraints de s'approvisionner auprès de
revendeurs clandestins, faute d'offre encadrée.
Au sein de l'UE, les Pays-Bas sont le seul Etat doté d'une agence
spécialisée, le bureau du cannabis médical, qui a commencé à en distribuer
en 2003 sous forme d'infusions et de pulvérisations. Avec un succès mitigé
puisque, selon une récente étude, seuls 10% des 10.000 à 15.000 Néerlandais
consommant du haschisch pour raisons médicales, se fournissent par ce
biais, les autres s'approvisionnant dans les "coffee shops".