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Des milliers de viticulteurs en colère face à la crise du secteur manifestaient hier.
Par Colette GOINERE
jeudi 09 décembre 2004 (Liberation - 06:00)
Bordeaux correspondance
Les viticulteurs, des courtiers, des négociants, des ouvriers: des milliers de personnes sont descendues hier dans les rues de sept villes de France pour exprimer leur exaspération face aux campagnes publicitaires contre le vin et réclamer un plan gouvernemental face à la crise du secteur. Les principaux rassemblements se sont tenus à Avignon, Mâcon et Bordeaux, où ils étaient 6 000 selon la police. La dernière campagne du ministère de la Santé contre l'alcoolisme a du mal à passer. «Nous sommes las d'être stigmatisés, déconsidérés», lance, juché sur un camion, Alain Vironneau, président des Bordeaux et Bordeaux Supérieur.
Les viticulteurs sont confrontés à une baisse de 3 % de la consommation française cette année. Parmi les problèmes, identifiés de longue date : la surproduction chronique du vignoble français, des faiblesses structurelles à l'exportation (comme la complexité de l'offre) et le manque de qualité de certains vins, pourtant dotés d'une AOC.
Derrière les invectives, ce sont des situations personnelles qui traduisent la crise. Véronique, par exemple, propriétaire de 16 ha en premières côtes de Blaye. Le négociant qui distribuait sa récolte s'est volatilisé. «Il nous laisse une ardoise de 18 300 euros. Ça va pas être facile.» Hélène, elle, a jeté l'éponge. Autour du cou, une pancarte sans équivoque : «Arrachez la vigne, plantez du cannabis, ça paye plus.» A 49 ans, cette viticultrice en appellation Bordeaux s'interroge : «La reconversion ? Mais dans quoi ?» Denis, propriétaire de 18 ha dans le Sud-Gironde, ne bouclera pas la fin de l'année. Jusqu'à maintenant, «je m'arrangeais» en négociant un étalement des factures auprès du marchand de produits phytosanitaires, du cartonnier ou de l'embouteilleur. Denis est persuadé que «tant que les fournisseurs [lui] font confiance et qu'ils tiennent le coup, [lui] aussi tiendra». Seulement voilà, «ça peut pas durer», explique Daniel Béarnais, patron d'une petite affaire d'embouteillage, qui «va passer dans le rouge» avec ses 305 000 euros d'impayés sur un chiffre d'affaires de 1,2 million d'euros.
Un propriétaire dans le Sauternais raconte ses déboires. En août, son exploitation de 16 ha a déposé le bilan. Didier Laulan avait acheté son château, un cru classé, en août 1994. Un pari financé à 100 % par les banques, qui l'oblige à rembourser 230 000 euros par an. Le millésime 2002 lui est resté sur les bras. Les négociants ne le lui ont pas acheté. Il est en redressement judiciaire.
Selon la chambre d'agriculture de la Gironde, sur 8 000 exploitations bordelaises, plusieurs centaines sont au bord du dépôt de bilan. Pour un millier d'autres, la trésorerie est très tendue. «Elles n'arrivent pas à faire face aux dépenses courantes sans un soutien. Même les prêts de trésorerie ne suffisent pas», confirme Philippe Abadie, chef du service développement à la chambre d'agriculture.
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