par daniel » 19 Oct 2004, 11:36
La beuverie au commissariat se solde par un mort
A Nantes, un brigadier-chef a tué un collègue avec l'arme de ce dernier.
Par LA CASINIERE Nicolas DE
mardi 19 octobre 2004 (Liberation - 06:00)
Nantes correspondance
Il n'y avait qu'une seule balle dans le barillet du Manhurin et trop d'alcool dans le sang. Un gardien de la paix de 34 ans a été tué par sa propre arme de service, tenue par un de ses collègues, un brigadier-chef de 46 ans qui a reconnu son geste lors de sa garde à vue. Il a été mis en examen hier pour «violence avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner», l'intention d'homicide n'est pas retenue, mais ce crime est quand même passible des assises. «Une qualification susceptible d'évoluer», a commenté le procureur Jean-Marie Huet.
«Chiche !» C'était samedi soir à Nantes. Les policiers de la compagnie départementale d'intervention étaient de service au stade de La Beaujoire, où Nantes a battu le PSG. De retour au commissariat central, ils sont six dans une petite salle de repos de 20 m2. En tenue mais hors service, ils boivent. De la bière, du vin. Contrairement à la version officielle, certains collègues concèdent qu'entre la victime et le brigadier-chef, les relations n'étaient pas des meilleures. Et qu'ils étaient plutôt du genre provocateurs, fiers à bras. Un collègue, passant à ce moment-là dans le couloir, aurait juste entendu : «Chiche !» L'alcool aidant, se sont-ils lancé un défi de virilité, genre roulette russe ? «C'est un des multiples bruits», reconnaît anonymement un policier du commissariat. Le procureur précise : «La victime, qui avait indiqué dans la soirée que cinq des six cartouches avaient été ôtées, a tiré plusieurs fois en percutant à vide, avant que son collègue se saisisse de l'arme et tire. L'instruction doit établir s'il avait conscience ou non qu'il subsistait une cartouche...» La balle a atteint la victime près de la bouche et traversé la tête. L'homme est mort très rapidement.
Pour se soustraire à un relevé d'empreintes et à un test à la parafine qui aurait constaté des traces de poudre sur ses doigts, l'auteur du coup de feu se serait renversé une tasse de café sur la main. «Cet élément est contesté», note le procureur. L'alcoolémie de tous les participants à la soirée est largement positive. «Au-dessus de 1,8 gramme par litre de sang», dit seulement le parquet. Mais entre les témoins et l'auteur du tir, les déclarations ne concordent pas : «Dans le contexte de bruits, de musique, de discussions fortes et de bouteilles cassées, certains ont pu ne pas entendre l'arme percuter à vide.»
Gêne. L'Inspection générale de la police nationale a été saisie. Premier point à éclaircir : l'arme de service aurait dû être déchargée, et mise sous clé. Sur place, les usages semblent un peu flous. «On reste policier 24 heures sur 24. On peut garder l'arme avec nous. Ce n'est pas anormal», dit l'un. «Les gendarmes ont un râtelier, pas nous policiers, qui sommes responsables de notre armement individuel. Chacun fait comme il le souhaite», dit Olivier Tonnerre, secrétaire du syndicat Alliance. Comme ses collègues, il se montre extrêmement gêné pour commenter le dérapage et son contexte : «Avec une arme, le passage à l'acte est plus facile que pour un maçon qui ne va pas se tuer à coups de truelle. Quant à l'alcool, c'est clair que Ricard et whisky sont interdits. Ici à Nantes, la chasse à l'alcool a été faite. On est en présence d'actes individuels. C'est la consternation.»
Déjà en mars 1999, à la suite d'une plainte pour violence policière dans le même commissariat, le procureur avait fait une perquisition sur place et découvert de l'alcool en quantité dans les bureaux. Les «bars» internes au commissariat ont alors été officiellement fermés et interdits, restreints aux salles de repos. Lors d'un conflit dans son service, un policier de la brigade motocycliste a aussi évoqué l'usage abusif des sirènes et gyrophares pour se frayer un chemin dans la circulation et rentrer plus vite à l'heure de l'apéro au même commissariat central.
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