Prendre le volant moins de 12 heures après une fumette ne vaut pas tripette
Cannabis · Le Conseil suisse de la sécurité routière lance sa campagne «La vérité sur la fumette et la conduite». Les fumeurs ayant l'esprit assez embrumé comme ça, ce sont les proches qu'on sensibilisera.
Gérard Tinguely
Le fumeur de cannabis tirant sur son mégot au bistrot se verra peut-être interpellé sur la puanteur de l'objet. Mais il ne viendrait à l'idée de personne de prendre les clés de son véhicule, avec la conscience que cet individu ne doit pas prendre la route. Pourquoi notre société, qui traque désormais fermement l'abus d'alcool au volant, laisse les fumeurs de joints tranquilles?
Pour Hans-Ulrich Büschi, président du Conseil suisse de la sécurité routière qui présentait hier à Lausanne la nouvelle campagne (voir ci-dessous), cette tolérance tient à notre perception de ce type de fumeurs: «Une race à part, qui ne roule sûrement pas en voiture, des marginaux sans espoir de salut.» Les fumeurs ont aussi développé leur propre batterie d'arguments: «Un pétard ça rend cool! Quand je fume, je conduis moins agressivement et je ne cause en tout cas pas d'accident», dit l'un. «Fumer et conduire, c'est uniquement dangereux chez ceux qui ne fument pas régulièrement», surenchérit un autre.
pas tous des marginaux!
Foutaises que tout cela! D'abord, les fumeurs de joints sont loin d'être des marginaux car près de 600 000 Suisses, notamment un quart des 15-24 ans, consomment occasionnellement du cannabis.
Ensuite, la conduite sous son influence est loin d'être sans effets. Des tests en situation réelle et sur simulateur indiquent que le temps de décision des fumeurs augmente alors que le trafic exige souvent des réactions rapides. La capacité à suivre une trajectoire diminue alors que grandit la tendance à ne pas voir les panneaux de signalisation ou à «oublier» ceux rencontrés précédemment. «Au fait, c'était 50 ou 120 km/h?» S'ajoutent des distorsions de perception de l'espace et du temps, un sentiment d'euphorie.
Le Conseil de la sécurité routière part d'autant plus facilement en campagne que les statistiques de la médecine légale lui donnent raison: le nombre de tests au cannabis positifs de conducteurs a progressé très vite. Dans le canton de Zurich, il a doublé en trois ans. Sur les 440 échantillons de sang analysés en 2002 et 2003, provenant des cantons de Vaud, Valais, Fribourg et Jura, 54% présentaient un taux de THC (principe psycho-actif du cannabis) incompatible avec la conduite d'un véhicule. Et, légalisation du cannabis ou pas, la vis sera resserrée dès le 1er janvier 2005. Avec la modification de la loi sur la circulation routière, la limite tolérée de THC dans le sang sera de 0%.
l'attente du détecteur
Contrairement à l'éthylomètre permettant de détecter tout de suite la présence d'alcool chez un conducteur, il n'existe pas encore d'appareils pour déceler au bord de la route la trace d'autres substances (drogues, médicaments). Il faudra encore quelques années pour disposer d'appareils fiables.
Ce qui ne signifie pas que les fumeurs peuvent somnoler sans souci. Comme auparavant, les policiers - au travers du comportement ou de la dilatation des pupilles - qui font soupçonner une conduite sous influence peuvent toujours commander une prise de sang. Et il s'avère qu'ils ont le nez toujours plus fin...
«Ne prenez pas le volant dans les douze heures qui suivent une fumette! Empêchez-les de prendre la route!» Le conseil adressé aux amateurs de joints, à leurs proches et amis est donc net. Il tient compte des dernières connaissances sur les effets du cannabis. Ceux-ci sont variables d'une personne à l'autre, dépendent de la quantité consommée, de la masse corporelle et du métabolisme de chacun. En attendant 12 heures, on obtient la garantie que son sang ne contiendra plus que des résidus de THC psychiquement inactifs. Et donc qu'on a retrouvé son aptitude à conduire.
le juge et l'assureur
Devant le juge, c'est le taux de THC présent dans le sang au moment de son interpellation qui sera déterminant. Et en cas d'accident, c'est ce même taux qui pourra amener un assureur à faire participer le fautif aux frais. Le fait que le THC soit encore détectable dans la salive durant 24 heures, dans l'urine plusieurs semaines ou dans les cheveux trois mois après la dernière con-sommation n'occasionneront par contre pas d'ennuis judiciaires.
GTi
Toute la vérité est sur le site
Faire en sorte que la «fumette» sur la route soit proscrite socialement autant que l'alcool au volant! La campagne de prévention lancée hier veut battre en brèche les nombreux préjugés et fausses informations circulant sur le sujet. Non pas en s'adressant aux fumeurs premiers concernés (ils argumentent à satiété sur la non- incidence du cannabis sur leur conduite) mais à ceux qui ont encore quelque influence sur leur comportement (amis, parents, enseignants, moniteurs d'auto-école). «Quand j'ai fumé, je me concentre à fond, je conduis mieux». Une fausse impression que la campagne démonte: cette concentration équivaut en fait à une diminution des facultés! Sous l'effet du THC, le cerveau ne peut plus traiter toutes les informations à la fois et doit se concentrer d'autant plus.
Des spots diffusés au cinéma et à la télévision, des flyers, du papier à cigarettes, un matériel didactique pour les écoles du degré postobligatoire, une conférence nationale début juillet, un site internet (
http://www.la-verite.ch) soutiennent la campagne prévue durant 7 semaines (juin et dès fin août). GTi
source:
http://www.laliberte.ch/news_suisse.cfm?id=132290