Les pétards aussi courants que l'alcool chez les ados
Mais la progression du cannabis a cessé d'augmenter, révèle une étude.
Par Matthieu ECOIFFIER
mercredi 14 avril 2004 (Liberation - 06:00)
ujourd'hui les adolescents fument autant de cannabis qu'ils boivent d'alcool. Et les garçons trois fois plus que les filles. Globalement, les consommations régulières de ces deux produits se stabilisent à un niveau relativement élevé.
Publié aujourd'hui, le volet français de l'enquête Espad (European Survey on Alcohol and Other Drugs) réalisée tous les quatre ans, sonde les consommations adolescentes, objet de nombreux fantasmes des adultes. 16 000 collégiens et lycéens de 12 à 18 ans ont répondu en 2003 à un questionnaire détaillé et anonyme. Résultat : un tableau subtil et contrasté. Pour la première fois, cette livraison d'Espad peut être comparée avec les résultats obtenus en 1999 et en 1993 dans une première étude de l'Inserm. D'où une mise en perspective sur dix ans, totalement inédite.
Ainsi, la consommation de cannabis subit un «ralentissement notable de sa progression», explique François Beck, qui a piloté ce travail à l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (Ofdt). «De 1993 à 1999, le rythme de hausse de l'expérimentation du cannabis était de 3,5 points par an contre 1,5 point entre 1999 et 2003.» Ainsi, la politique des drogues menée par la gauche de 1999 à 2002 n'a pas fait exploser la consommation de cannabis en le banalisant, contrairement aux accusations de nombreux responsables de droite.
L'usage répété de la fumette reste exceptionnel avant 15 ans et se stabilise chez les plus âgés, après une forte hausse : en 1993, 7,2 % des garçons et 3,6 % des filles de 16-17 ans fumaient du cannabis «au moins dix fois au cours de l'année». Dix ans après, ils sont respectivement 21,4 % et 10,8 %. «Ce niveau élevé donne à la France le record d'Europe» commente Didier Jayle, le président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt), dont le plan anticannabis dévoilé par Libération (journal du 8 mars 2004) attend une «validation» de Matignon depuis des mois.
Pour les usages réguliers, le cannabis rejoint l'alcool (voir graphique). L'évolution des consommations semble imperméable aux messages des politiques. Et au statut légal des drogues. «Les jeunes sont plus sensibles à d'autres critères, comme l'image du produit au sein du groupe de pairs, la perception de ses dangers», note François Beck.
Ainsi, l'expérimentation (au moins une fois) des «autres drogues illicites que le cannabis» (cocaïne, ecstasy) reste en dessous de 5 %. «Pour le tabac, l'augmentation du prix mais aussi la dévalorisation de son image ont dû jouer chez les très jeunes», analyse Marie Choquet, coauteure de cette étude, à l'Inserm. Chez les 12-13 ans et les 14-15 ans «on observe un recul des consommations quotidiennes».