Cinq associations devant la Cour d'arbitrage. Pour annuler la loi de mai 2003. Qu'elles jugent trop vague, peu claire et juridiquement inéquitable.
La loi « cannabis » menacée d'annulation ? D'aucuns l'espèrent, dans le secteur. Cinq associations, et pas des moindres, la Fédération bruxelloise francophone des institutions pour toxicomanes (Fédito), son homologue wallonne, Infor-drogues, la Ligue des droits de l'homme, ainsi que l'ASBL Prospective jeunesse, ont déposé un recours devant la Cour d'arbitrage contre la loi du 3 mai 2003 sur les stupéfiants, dont « Le Soir » a pu prendre connaissance en primeur.
A leurs yeux, cette législation est trop vague, peu claire, peu conforme au droit, et insécurisante sur le plan juridique. Ce recours se base notamment sur la Constitution, sur la Convention européenne des droits de l'homme et sur le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Quatre arguments sont avancés quant au fond.
Un : la loi ne précise pas la quantité de cannabis qu'un usager majeur peut détenir à des fins d'usage personnel. Seule une directive ministérielle (publiée au Moniteur le 2 juin) parle d'un seuil de trois grammes. Pour les requérants, ce texte est susceptible de pouvoir être modifié à tout moment et ne constitue qu'un simple commentaire législatif. Par-dessus tout : il n'a pas été signé par le collège des procureurs généraux.
Deux : la loi, on le sait, autorise la consommation de drogues douces si celles-ci ne sont pas accompagnées de nuisances publiques. Parmi ces nuisances, le législateur parle, entre autres, d'une détention commise dans le voisinage immédiat ou dans d'autres lieux fréquentés par des mineurs d'âges. Qu'entend le législateur par là ? Pour les requérants, il n'est pas de lieu privé ou public qui ne soit susceptible d'être fréquenté par un ou plusieurs mineurs d'âge.
Trois : sur base de la nouvelle loi communale, la police doit combattre toute forme de dérangement public (propreté, salubrité, sûreté...). La notion de « nuisances publiques » est également visée. Pour les associations, cela est encore trop vague : La loi pénale doit être formulée en des termes qui permettent à chacun de savoir, à tout moment où il adopte un comportement, si celui-ci est ou non punissable, précise leur recours.
Quatre : en cas « d'usage problématique », le consommateur majeur peut faire l'objet d'un enregistrement policier. Hic : la loi et l'arrêté royal qui la complète proposent des définitions variables. L'une parle d'un usage qui s'accompagne d'un degré de dépendance qui ne permet plus à l'utilisateur de contrôler son usage, et qui s'exprime par des syndromes psychiques ou physiques. L'autre décrit un usage constaté à l'aide de tests standardisés au cours des seuls contrôles routiers.
Sept mois après l'entrée en vigueur d'une loi qui fut pour le moins controversée, ce recours n'est pas anodin : sur le terrain, les principaux concernés (consommateurs, policiers, magistrats, éducateurs...) ne cessent de dénoncer le manque de clarté de la nouvelle législation.
Dans un récent jugement, un magistrat namurois a acquitté un usager qui détenait un gramme de cannabis sur lui au motif que la norme actuelle n'est pas suffisamment précise...
A la Cour d'arbitrage, désormais, de dire si cette fameuse loi drogues est conforme ou non.·
------- lu dans Le Soir du 07/12/03 -------