Le Temps, n° 1504
Régions, lundi 2 décembre 2002
Des fumeurs de joints manifestent contre le préfet de la Gruyère
FRIBOURG. Maurice Ropraz avait traité les fumeurs de «malades», avant de se
rétracter.
Battiste Cesa
S'attaquer au problème de la consommation de drogue n'est pas une sinécure.
Le préfet de la Gruyère, Maurice Ropraz, en fait depuis quelques jours la
pénible expérience. Cette semaine, le représentant de l'Etat de Fribourg a
même évoqué l'existence de «pressions» émanant du milieu de la drogue
contre sa personne. C'est que, depuis son élection en décembre 2001,
Maurice Ropraz a décidé d'appliquer la tolérance zéro face à la
consommation de drogue dans les lieux publics. Cet avocat de 37 ans est
également à la tête de l'association Stop violence en Gruyère, qui veut
s'attaquer au problème récurrent des incivilités dans la région.
Une politique de fermeté qui ne plaît visiblement pas à tout le monde. Deux
coffee-shops bullois ont été fermés depuis le début de l'année. Bien plus,
le mythique Café des XIII Cantons, où la fumette était ouvertement tolérée,
a été fermé le 7 novembre dernier pour vingt jours par le préfet.
«En vertu de quelle loi nous empêche-t-on de fumer notre joint dans un
café?» écrivait un Gruérien dans les colonnes de La Gruyère. «En vertu de
la loi», répond simplement Maurice Ropraz, bien décidé à rappeler la
législation en vigueur et à remettre de l'ordre dans certains
établissements qui ont clairement opté pour le laisser-faire. En jouant sur
une possible libéralisation de la consommation de cannabis, ces bistrots
ont tenté de tirer des avantages commerciaux de leur réputation de
permissivité. Aujourd'hui, les XIII Cantons ouvrent à nouveau. Avec un
slogan: plus de pétard! Mais les habitués en rigolent déjà: «Dans deux
semaines, tout sera oublié et on pourra de nouveau rouler notre canne sur
la table!»
Du travail attend donc le préfet, qui est déjà dans le collimateur des
amateurs de cannabis. Dans une interview à la presse locale, Maurice Ropraz
a en effet assimilé les amateurs de chanvre à des malades. Avant de se
rétracter quelques jours plus tard, en précisant que le qualificatif ne
concernait que les consommateurs de drogues dures. Reste que la remarque
n'a pas plu à tout le monde. Une centaine de personnes se sont donc réunies
samedi devant la Préfecture de la Gruyère, afin de protester contre les
propos du préfet. Dans une ambiance bon enfant, cette poignée d'amateurs de
chanvre, dont la plupart sont des clients des XIII Cantons, est venue faire
acte de présence devant le Château et lancer un message de tolérance. «Nous
ne sommes pas des malades», revendiquent en substance les manifestants.
Le mouvement de protestation n'a heureusement pas cédé à la provocation. Ni
slogan insultant, ni tract, ni débordement ne sont venus ternir la
manifestation, émaillée de concerts improvisés.