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Interview de Bruno Blum auteur de "Cultures Cannabis" par Frédéric Vignale
Bruno Blum est l'auteur d'un livre "Historique"
sur le thème du Cannabis publié chez Scali. Un
essai "Historique" car il évoque le petite et la
grande histoire de cette herbe qui fait tant
parler, alimente de nombeux fantasmes et qui est
fumée par un ado sur deux dans notre pays.
Entretien avec un B.B qui entend bien ne pas
faire de prosélytisme mais offrir une enquête
srupuleuse sur le sujet sans se censurer ou
s'autocensurer.
1. Pour un spécialiste du Reggae, des Rastas et
de Bob Marley c'était presque logique qu'un jour
vous vous attaquiez aux Culture (s) du
Cannabis....là où c'est plus triste et effrayant
c'est que semble t'il vous avez galéré pour
trouver un Editeur parisien assez "couillu" pour
le publier ?
Oui cinq éditeurs ont accepté la publication de
"Cultures Cannabis" avant de se rétracter,
semble-t-il par crainte de poursuites du
Ministère de l'Intérieur. Pourtant le livre n'est
pas spécialement prosélyte, comme en atteste le
premier chapitre qui retrace mon parcours plutôt
désastreux en la matière. J'ai essayé de faire un
livre à la fois sérieux, objectif et agréable à
lire, car le sujet est passionnant et très riche,
et il concerne énormément de gens.
Je ne pouvais pas imaginer que l'autocensure,
voire la censure, étaient si présents en France
en 2007. Mais c'est une réalité.
2. Maintenant que c'est fait n'avez-vous pas peur
des geôles sarkozystes en affirmant haut et fort
votre amour pour la Culture Cannabis qui pour
vous n'est pas comparable aux effets devastateurs
de la Coke, de l'héroïne, du crack... ?
Je n'affirme pas "haut et fort mon amour" pour le
chanvre. Si vous dites ça, c'est que vous n'avez
pas lu le livre, et le premier chapitre en
particulier, qui raconte mon expérience
franchement dramatique dans ce domaine, et
précise d'aileurs que la nature de l'addiction
est bien distincte du produit qu'on consomme. La
dépendance n'est pas le fait du produit, mais du
dépendant. Par exemple 10% des buveurs d'alcool
deviennent alcooliques, disons, mais pas les
autres. C'est donc qu'ils étaient prédisposés
avant de boire.
Pour le chanvre, c'est pareil. C'est le résultat
d'un contexte social (non ce n'est pas
génétique !). J'ai réalisé une enquête assez
complète sur le sujet du chanvre, et j'ai fait,
je crois, le tour de la question avec ce livre
qui en aborde tous les aspects historiques,
thérapeutiques, culturels, juridiques,
économiques, politiques etc. Et concernant la
prison, puisque vous l'évoquez, c'est en effet
une question sérieuse. La moitié de la (sur)
population carcérale en France est liée à des
délits impliquant du chanvre, des jeunes en
majorité. Ça mérite réflexion. Beaucoup pensent
que la prison est plus dangereuse pour les gens
que de fumer quelques joints. C'est le sujet
d'une partie du livre. Mais d'une seule partie.
Car il y a beaucoup de choses passionnantes à
connaître sur cette plante. L'histoire de la
prohibition aux États-Unis est vraiment
rocambolesque et surprenante, par exemple. Les
liens du chanvre avec le jazz, le rock, le
reggaeS avec Baudelaire, avec Théophile GautierS
c'est franchement passionnantS
3. Votre livre est très complet, il se propose de
résumer l'histoire secrète (les Romains par
exemple en été fous, Rabelais aussi) du cannabis
mais aussi son importance dans la littérature, la
musique, le cinéma... Peut-on dire que l'Art en
général aurait beaucoup souffert de la non
existence de cette substance qui fait couler tant
d'encre et procure à la fois tant de plaisir à
certains artistes sauf Michel Sardou ?
Je ne tire pas personnellement de conclusions sur
la question de l'importance que le chanvre a joué
dans l'inspiration des artistes au fil des
siècles. Il est évident qu'il a joué un rôle très
important. Mais je préfère par exemple laisser la
parole à Malraux, fameux ministre de la culture
français, et publier ce qu'il a écrit sur cette
question - ainsi que ce qu'en a écrit sa femme.
Ou donner la parole à Louis Armstrong, qui parle
de son arrestation et de sa consommation dans mon
livre "Cultures Cannabis". Mon but est culturel.
Trop d'ignorance, voilà le drame de l'humanité.
Le chanvre n'échappe pas à la règle !
4. "Cultures Cannabis" ne tombe jamais dans le
prosélytisme c'est plutôt un livre en forme
d'hymne à la liberté ?
En matière de stupéfiants, le prosélytisme est
interdit par la loi française, et il n'est pas
question pour moi de violer ostensiblement la loi.
Mais mon expérience personnelle de l'addiction,
que je raconte dans le livre, ne m'incite pas
plus à être prosélyte. Cependant il apparaît que
la loi actuelle sur le chanvre est complètement
inepte. C'est en tout cas ce que m'en ont dit la
majorité des candidats aux présidentielles, à qui
j'ai demandé leur position pour le livre. La
plupart des professionnels s'accordent à dire que
la loi est à la fois incitative, injuste,
appliquée inégalement, et contre-productive d'une
manière générale. Ils se trouve que la plupart
d'entre eux va dans ce sens. Mais pas tous. Mon
rôle d'enquêteur a été de donner la parole aux
différents avis, et notamment de présenter les
propositions des différents partis sur ce thème.
Quant à votre question sur "l'hymne à la
liberté", je vous renvoie à un texte fondateur de
la république française :
« La liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui »
Article 4 de la déclaration des droits de l'Homme.
5. La prohibition depuis toujours exercée envers
le cannabis a t'elle participé à sa gloire, à son
succès mondial ?
Il me semble clair que la prohibition est
incitative. J'explique dans "Culture Cannabis"
qu'en France la consommation de chanvre est
devenu un rite de passage à l'âge adulte pour
beaucoup de jeunes. Pour beaucoup d'entre eux,
réprimer la consommation et sa distribution a
pour conséquence le discrédit de l'autorité de
l'Etat, et avec lui celui des institutions. C'est
une conséquence sérieuse, c'est le moins qu'on
puisse dire dans un pays en proie à des émeutes
récurrentes. D'autre part le déconditionnement
des idées qu'il contribue à opérer en a fait un
symbole de la rebellion, c'est clair et net. Les
Beatles, Bob Marley et tant d'autres en ont fait
un symbole de l'anticonformisme. Le chanvre est
donc lié à l'histoire de la révolte adolescente
depuis au moins les années 1930. C'est ce que je
détaille dans le livre.
En gros légaliser le Cannabis, ne le
banaliserait-il pas et ne reduirait-il pas son
impact ?
Je n'en sais rien. Je ne crois pas. Je crois
surtout qu'une loi plus juste éviterait la prison
à des dizaines de milliers de personnes en
France. Et dans plusieurs pays, la prison à vie
(comme pour le Français Michaël Blanc en
Indonésie) ou la peine de mort pour tant
d'autres. Les propositions de Malek Boutih au
Parti Socialiste sont les plus progressistes et
les plus élaborées que j'ai recueillies. Comme
les autres, elles méritent d'être lues. Mais mon
livre ne parle pas seulement de l'aspect
répressif/juridique/politique, qu'il explique. Il
parle aussi de l'antiquité, de cinéma, de la
naissance du taoïsme, je ne sais pas, moi, de
l'histoire des évasions de l'humanité. C'est très
vaste. Ce n'est pas un livre sur la légalisation,
qui n'est qu'un des aspects de la question. Vous
n'avez pas besoin d'être pour ou contre pour
aimer ce livre.
6. Vous avez cherché à avoir les positions
exactes des candidats à la présidentielle 2007 et
finalement vous avez eu très peu de réponses
vraiment officielles et définitives... ?
Seuls trois candidats ne m'ont pas répondu
directement, mais leurs partis m'ont rappelé les
déclarations passées de leur candidat. Je raconte
donc aussi le parcours de leurs atermoiements.
Les autres m'ont répondu. Ou ont fait répondre
leurs proches. Ou bien m'ont donné un communiqué
officiel. Les positions sont toutes extrêmement
claires et détaillées.
7. Votre livre fait un parfait tour de la
question et après l'avoir lu on se dit que le
Cannabis est finalement un enjeu sociétal majeur,
c'est sans doute pour cela qu'il est tant
caricaturé ou diabolisé non ?
Le chanvre est en effet un enjeu majeur. Il faut
bien le comprendre. Et les réflexions qu'il
engendre dans la société ne sont pas du tout à la
hauteur de l'enjeu qu'il représente, oui, je le
pense. Mais je crois que le fait que les
consommateurs soient caricaturés, et parfois
diabolisés, est la conséquence d'une mauvaise
connaissance de la question, pas du fait que ce
soit un enjeu important.
8. Le Haschich est aujourd'hui reconnu comme un
produit médical à part entière qui est de plus en
plus utilisé dans le traitement de pathologies
lourdes, peut-on imaginer que dès aujourd'hui on
n'ose pas révéler tous les bienfaits du joint de
peur de faire augmenter une consommation qui ne
fait pas rentrer beaucoup de sous dans les
caisses de l'Etat ?
Sur l'aspect thérapeutique et la santé publique,
le fait que la distribution du chanvre ne soit
pas contrôlée par l'Etat a des conséquences
sérieuses. La loi ne permet pas de taxer les
distributeurs, et elle laisse les profits à des
truands. C'est un aspect de la question. Mais on
peut ausi considérer qu'un ado sur deux en
consomme régulièrement alors que sa qualité, sa
puissance, sa pureté ne sont absolument pas
contrôlés. Ce n'est pas rien : On pinaille sur la
sécurité des jouets en harcelant les fabricants
avec des normes, mais en même temps des millions
de jeunes fument un psychotrope puissant sur
lequel il n'y a aucun contrôle sanitaire. C'est
assez surprenant quand on y pense, mais c'est une
réalité. Ce n'est pas très sérieux, quand même.
D'autre part, les applications thérapeutiques
sont illégales ou impossibles en raison de la loi
actuelle alors que, comme mon livre le détaille,
elles sont avérées et pourraient épargner
beaucoup de souffrances. Pourtant rendre légal
les applications thérapeutiques ne signifierait
pas pour autant la vente libre du chanvre. La
morphine est utilisée en médecine, elle n'est pas
pour autant en vente libre.
Quant aux supposés "bienfaits du joint" que vous
évoquez, ils n'ont pas de rapport avec les
questions médicales, qui concernent des malades,
et pas des consommateurs "récréatifs" !
Rendre légal la consommation à des fins
récréatives ne signifierait d'ailleurs pas
forcément la vente libre dans les magasins de
bonbons fréquentés par les écoliers. On pourrait
imaginer, comme pour l'alcool ou le tabac, une
distribution limitée à certains lieux. C'est ce
que m'ont dit des professionnels ; je ne fais que
leur donner la parole.
9. Je vous laisse le mot de la fin cher BB !!
Ce livre est instructif, riche, amusant et
intéressant, pour tout savoir sur le cannabis
sativa : son histoire secrète depuis l'Antiquité
jusqu'à la naissance du taoïsme ou du mouvement
rasta, en passant par le club des haschichins
fréquenté par Baudelaire, Hugo, Balzac et
Gautier, mais aussi son idylle avec le jazz, le
rock, le reggae, le hip hopS et l'incroyable saga
de sa prohibition.
Pour découvrir la plante, sa culture, les rituels
millénaires, le lexique, les DVD, les livres, et
une somme d'applications thérapeutiques aussi
étonnantes que cachées.
Pour comprendre l'addiction, la désintoxication,
le trafic, la loi, la surpopulation carcérale en
France, les positions de chacun des candidats à
la présidentielle de 2007, interrogés un par un
pour ce livre. Des faits, du sens, des chiffres,
des anecdotes, du recul. Des informations
sérieuses et dépassionnées pour comprendre
pourquoi dix millions de Français y ont goûté et
pourquoi un ado sur deux en fume régulièrement.
Vous n'avez pas besoin d'être pour ou contre pour aimer ce livre !
"Cultures Cannabis", Bruno Blum, préface de Gilles Verlan, Edistions Scali
le 30/05/2007
Répondre à l'article
1 Message
* Interview de Bruno Blum auteur de "Cultures Cannabis"
* 30 mai 2007 17:34, par Mister "I've found out"
* En France, en tout cas depuis la
stupide loi de 70, on n'a fait qu'aller toujours
davantage vers l'imbécillité de la répression à
tout va et (quand ce n'était pas carrément de la
désinformation !) vers l'information plus
qu'"orientée". Depuis quelques années, on est
même en train de régresser et d'aller vers une
répression complètement démesurée (qui n'a
d'ailleurs, et c'est logique, aucun résultat...).
* Le problème des drogues en France
(et je ne suis pourtant pas partisan de ces
dernières en ayant eu moi-même une assez longue
et complète expérience. Ceci n'est donc en aucun
cas une apologie de la came, qu'elle soit légale
ou pas...), pas seulement du cannabis, est
qu'elles font l'objet de modes stupides ou de
préjugés et d'interdits moraux et/ou policiers,
non moins stupides, mais quasiment jamais
d'études sérieuses et objectives. Pas plus
d'ailleurs que d'une réflexion honnête sur ce qui
peut en motiver l'usage. Même Ollivenstein en son
temps avait des côtés assez réducteurs.
* Alors ? Alors, d'un côté il y a
le folklore du hasch (Gautier, Baudelaire), celui
de l'opium (Coleridge, de Quincey...) ou de la
mescaline (Michaux ou Sartre qui, quand il se
faisait faire avant-guerre des piqûres de
mescaline à Sainte-Anne par le docteur Lagache,
rentrait au Havre en ayant perpétuellement
l'impression d'être suivi par une écrevisse...).
De l'autre, il y a la réalité de tous les
malheureux fumeurs de shit qui, parce qu'ils
traficotaient un peu pour leur consommation
personnelle, se sont retrouvés pour plusieurs
années en prison (je n'exagère pas ; il n'y a
qu'à suivre les chroniques judiciaires) et tous
les vrais paumés, tous les junkies, qui
croupissent également en taule dans des
conditions, la plupart du temps, désastreuses.
* Ben oui ! Depuis la fameuse
lettre d'Artaud "à Monsieur le législateur de la
loi sur les stupéfiants" on n'a pas vraiment
évolué. Rappelons le début de cette lettre.
"Monsieur le législateur de la loi de 1916,
agrémentée du décret de juillet 1917 sur les
stupéfiants, tu es un con". C'était bref mais ça
avait l'avantage d'être clair. Malheureusement,
c'est toujours vrai.