Histoire


Voici l'historique du cannabis selon Michka
" Arte - Théma:Cannabis Sativa, une plante entre le bien et le mal.1995 "

Cannabis Sativa,


Une plante entre le bien et le mal.


Cannabis Sativa est une plante légendaire et mythique et pourtant aucun livre d'histoire ne la raconte. Janus du monde végétal, son double visage est un cas unique. Il y a le chanvre, la plante textile légale et il y a le cannabis, la plante psychotrope.


Il s'agit en fait d'une seule et même espèce:


Cannabis Sativa, dont voici l'histoire.


Le Cannabis Sativa est une des plantes les plus anciennement cultivée par l'homme. Le travail du chanvre était déjà développé en Chine 10'000 ans avant J.-C.. On a d'abord récolté les graines pour se nourrir, puis on a découvert qu'en brisant la tige on pouvait en retirer des fibres pour faire du papier, des filets de pêches ou même du textile. Les habitants de la Chine Ancienne appelaient leur pays, le pays du chanvre et du mûrier. Les feuilles de mûrier étaient utilisées pour l'élevage des vers à soie producteurs du précieux textile que seuls les riches et les puissants pouvaient s'offrir. Les autres portaient les vêtements de chanvre.


Chanvre se dit «» en chinois, ce qui signifie littéralement «plante à deux sexes», à la fois mâle et femelle. Le chanvre fut aussi la première plante à être cultivée pour la fabrication des armes de guerre. Les Chinois ont d'abord utilisés des bambous pour les arcs, avant de découvrir que la fibre de chanvre était plus résistante. Dès lors, les empereurs firent affecter une partie des terres pour la culture exclusive du chanvre. Arme de guerre, le chanvre servait également à la culture.


Selon une légende ancienne, l'invention du papier chanvre serait due à Tsai Lung eunuque de la cour impériale. Pour attirer l'attention de l'empereur sur son invention, Tsai Lung se fit passer pour mort, il ordonna que du papier de chanvre soit brûlé autour de son cercueil, puis organisa sa propre résurrection et l'attribua au pouvoir de son invention. Depuis, les Chinois brûlent du papier de chanvre lors de leurs funérailles.


La légende est également à l'origine du «Woo Foo», les cinq niveaux de deuil, un code qui impose aux parents d'un défunt le port d'un vêtement de chanvre différent en fonction de leur lien avec lui.


Pendant longtemps, les Chinois ont jalousement gardé le secret de la fabrication du papier de chanvre. Il faut attendre le Ve siècle de notre ère pour que ce savoir soit d'abord transmis au Japon, avant de s'étendre au Moyen-Orient et apparaître finalement en Europe au XIIIe siècle. L'utilisation de la plante remonte au XXVIIIe siècle avant J.-C., lorsque l'empereur Chen Lung fonda la médecine chinoise. On soignait alors les blessures de guerre en appliquant les feuilles de cannabis directement sur la plaie.


Aujourd'hui encore, dans le monde entier, des médecins plaident en faveur de l'utilisation des fleurs de cannabis comme traitement contre la douleur, notamment pour les patients atteints du cancer et du sida.


Le cannabis fut également cultivé sur les marches du continent Indien, Kazakhstan, Pakistan, Népal, Cachemire d'aujourd'hui. Les fermiers indiens utilisaient la technique du ruissage, pour le transformer en farine, bouillie ou même «pop corn».


Les graines servaient aussi de nourriture et fournissaient une huile à faible teneur en acide gras. Au IIIe siècle après J.-C., l'empereur romain Gallien recommande l'usage du cannabis qui, assure-t-il, entraîne bonheur et hilarité. Dans une société en pleine décomposition, les romains se tournent vers des dieux venus d'Orient. Mitra et Zaratustra dont les zélateurs (adorateurs) se combattent férocement.


Pour les Romains, le chanvre était vraiment le nerf de la guerre.


Ceci nous offre une parfaite illustration de l'importance stratégique du chanvre dans toutes les sociétés à travers l'histoire. Les Romains possédaient des réserves de chanvres des deux côtés des Alpes. Ils en avaient une à Ravenne et une à Vienne. Le fournisseur de chanvre occupait une place très importante dans la hiérarchie. Ils l'utilisaient également sous toutes ses formes: vêtements, abris, nourriture et médecine.


Plus tard, les chrétiens diabolisent le cannabis et lient son usage aux rites sataniques.


Il faut attendre le IXe siècle et Charlemagne pour voir à nouveau encouragée la culture de chanvre. Dans les monastères, les moines copistes travaillent sur du papier de chanvre à la lumière de lampes à huile... de chanvre. 1455, c'est sur du papier chanvre que Guttemberg imprime sa première bible. En 1484, le pape Innocent VIII déclare sacrilège la consommation de cannabis.


Au XVIe siècle, en France, François Rabelais médecin et écrivain évoque de manière détournée le cannabis dans son célèbre ouvrage Faits et dits héroïques du grand Pantagruel. Un éminent historien français, Pierre Goubert était convaincu que la prospérité croissante à la fin du XVIe siècle et au XVIIe dans l'ouest de la France était due principalement aux syndicats des industriels du chanvre et du lin. Il faut se souvenir qu' à la fin du XVe siècle, l'Espagne dominait les Indes. D'après Goubert, c'est grâce à la création de ces syndicats et aux échanges commerciaux avec l'Espagne qu'on a pu constater à cette époque en France une croissance des richesses de la population.


Christophe Colomb découvrit l'Amérique en 1492 et y introduit le chanvre par la même occasion. Parmi les cadeaux qu'il offre aux Indiens, on y trouve des graines et des vêtements de chanvre. Le chanvre sert à la fabrication des voiles et cordages. Grâce à lui, la France, l'Angleterre, l'Espagne et le Portugal développent leurs puissances maritimes. En 1620, le May Flowers transporte les colons anglais qui vont conquérir l'Amérique; dans sa cale il emporte également des graines de chanvre.


Cent ans plus tard, c'est sur du papier chanvre que sont écrites les ébauches de la Constitution américaine, c'est également le cas de la Déclaration d'indépendance en 1776.


Les graines furent également introduites en Amérique par les esclaves.


Pendant des siècles, le chanvre reste une matière stratégique pour l'Angleterre. Au début du XIXe siècle, il compose toujours l'essentiel des voiles et cordages des navires. Il est importé à 90% d'Italie et de Russie. Avec les guerres de conquêtes napoléoniennes, le royaume britannique craint pour ses approvisionnements. Le roi d'Angleterre Georges III développe la culture de chanvre et construit des manufactures dans les ports de la côte sud du pays. En 1803, la marine anglaise organise un blocus contre la France. En réaction, Napoléon signe un accord avec le Tsar Alexandre 1er. Le traité de Tilsit interdit notamment les exportations de chanvre russe à destination de l'Angleterre. Malgré les protestations de Napoléon, Alexandre 1er laisse passer le chanvre en contrebande pour l'Angleterre, c'est l'un des éléments qui pousse Napoléon à envahir la Russie.


Dans l'Europe du XIXe siècle, la mode est au cannabis, l'Orient et ses mystères provoquent les passions les plus folles. La vogue orientale influe sur les règles vestimentaires, la destination des voyages ou la décoration des intérieurs. Pour se conformer au goût du jour, on fume, selon la méthode ancestrale, la pipe à eau, également appelée «Mouga».


A Paris, l'hôtel Pimaudent abritait le célèbre club des Haschichins. Artistes et écrivains venaient y déguster la fameuse confiture du docteur Joseph Moreau de Tours. Parmi les plus célèbres on compte: Théophile Gaultier, Eugène Delacroix, Charles Baudelaire, Alexandre Dumas et Gérard de Nerval. La reine d'Angleterre Victoria était également une adepte de la confiture de Haschich, comme de nombreuses femmes de sa génération, elle en consommait pour calmer ses règles douloureuses.


A Amsterdam le cannabis importé d'Afrique du sud depuis 1660 se fumait dans les coffee shop, une tradition qui se perpétue aujourd'hui.


A la fin du XIXe siècle, les émigrants indiens introduisent le cannabis au Mexique où il prend le nom de marijuana et devient le symbole de la révolution de Pancho Villa avec la chanson «la Cucaracca».


De leur côté, les fermiers mexicains reprennent à leur compte la méthode indienne du ruissage pour apprêter les fibres. Ils fabriquent toutes sortes de produits, des chapeaux aux sacs, en passant par les tapis.


Du Mexique, la marijuana voyage jusqu'au sud des Etats-Unis. Les esclaves des plantations de cotons la consomme pour tenter d'adoucir leur condition. Puis c'est au tour des bidonvilles de Louiseville - Dixieland et le swing - de découvrir la fièvre de la marijuana, elle y est connue sous le nom de «reefer».


En quelques années, les chansons sur l'herbe font fureur et les clubs de musique fleurissent partout où la communauté noire immigrée s'est établie. La fièvre de la marijuana associée à un nouveau développement de l'industrie du chanvre et à une prise de conscience des dangers de l'alcool, commence à faire parler d'elle dans les coulisses du pouvoir. L'alcool commence à être reconnu comme un danger pour la société. Les femmes américaines forment un groupe de pression et réclament l'interdiction de la vente d'alcool.


Viennent les années de la Prohibition et leur cortège de violence. L'alcool est à nouveau légal en 1933.


La Chine, le pays du chanvre, fait partie du plan de conquête militaire du Japon. L'invasion de la Chine et des Philippines, deux pays gros producteurs de chanvre provoque le début d'un rationnement.


De son côté Hitler, comme d'autres chefs de guerre avant lui, prend conscience de l'importance stratégique du chanvre, qui sert à la fabrication de nombreux textiles indispensables en temps de guerre. Lorsque les troupes allemandes envahissent la Russie en 1941, elles coupent l'accès du chanvre russe. L'Allemagne parvient à poursuivre sa production de chanvre, mais l'Angleterre est privée d'une fibre nécessaire à son effort de guerre. En 1942, les troupes allemandes atteignent le coeur de la Russie.


Pour protéger son approvisionnement, l'Angleterre demande à l'Inde d'accroître sa production de chanvre. Pendant ce temps , la guerre gagne du terrain au Japon. Lorsque les Japonais bombardent Pearl Harbour et obligent ainsi les américains à entrer en guerre, ceux-ci s'aperçoivent qu'ils n'ont plus accès à leur source d'approvisionnement en chanvre. Or, les forces armées dépendent complètement du chanvre, pour les cordages, câbles et ficelles ainsi que pour les chaussures, bottes et autres équipements divers.


Le gouvernement américain décide de former une industrie de guerre pour le chanvre. Les Etats-Unis relégalisent la marijuana et distribuent des graines à ses fermiers. Un film de propagande est même réalisé pour encourager cet effort de guerre:


Hemp for victory : du chanvre pour la victoire.


Les forces aériennes alliées dépendent complètement du chanvre, les sangles des parachutes, tout comme les sacs à dos et les ceintures sont faits de chanvre. Une fois les Japonais chassés des Philippines par le général McArthur, la production de chanvre retrouve son niveau d'avant-guerre.


Après les années de guerre un nouveau monde apparaît, l'Inde obtient son indépendance. Grâce à la mécanisation, le pays double sa production et peut développer ses exportations vers les Etats-Unis et le reste du monde. Les Etats-Unis interdisent à nouveau la culture du chanvre, mais en importent des millions de tonnes pendant le boum économique de l'après-guerre pour approvisionner leurs industries.


Dans la France de l'après-guerre, la culture et le travail du chanvre connaissent également une véritable révolution industrielle.


Dans les années '60, la génération des Hippies lance un mouvement mondial en faveur de la légalisation du cannabis. Sa consommation est encouragée par les vedettes du rock anglais et américain, les Beatles, John Lennon en tête, choquent l'Angleterre bien-pensante avec leur message ouvertement pro-cannabique. Lorsque Mick Jagger et Brian Jones sont arrêtés en possession de cannabis, les Rolling Stones sortent la chanson «We love you», une réponse en pied de nez aux représentants de la loi. L'intérêt des Rolling Stones pour la culture marocaine fait des émules, ils créent ainsi une alternative à la mode de l'Inde et des Beatles. Désormais, c'est vers le Maroc que les Hippies prennent la route.


Dans les années '70, en Jamaïque, les rastas fument le cannabis qu'ils appellent «ganja», la nourriture de l'esprit. Toujours dans les années '70, le cannabis est dépénalisé à Amsterdam. Ben Dronckers devient ainsi le premier producteur légal de marijuana millionnaire.


Le renouveau du chanvre attire l'attention du magazine High Times, la bible américaine du cannabis, qui envoie Elrose Hunter journaliste intrépide visiter l'Europe pour ramener des photos. Ed vient de publier son ouvrage Hemp today, le chanvre aujourd'hui. En 1992, les médias britanniques font leurs gros titres sur la première récolte légale de chanvre depuis 70 ans en Angleterre. La police anglaise a cessé d'arrêter les petits consommateurs, Londres devient le nouvel Amsterdam et les groupes de pop anglais reviennent en force dans les hit-parades avec des chansons sur la marijuana.


La prise de conscience écologique qui a suivi cette mode du cannabis, est à l'origine de l'apparition en Europe d'un marché de vêtements et de produits de toutes sortes. Lors du premier festival écologique international de Francfort en mars 1995, les écologistes tentent de promouvoir, avec plus ou moins de succès, la culture du chanvre. Aux abords de la conférence, une exposition commerciale vente les bienfaits du chanvre et du cannabis.


En Allemagne, depuis la dépénalisation du cannabis en mars 1995 , le chanvre est en train de devenir une culture à la mode dans le petit monde des producteurs écologiques. Les graines et l'huile de chanvre sont de plus en plus utilisées dans les préparations culinaires.


En Suisse, le best seller de la cuisine du chanvre offre 22 recettes nutritives à base de chanvre. En France, on construit des maisons avec du chanvre aggloméré, des constructions, que leurs promoteurs assurent à l'épreuve du feu et de la décomposition. Le matériau supporterait l'usure du temps et ne perdrait aucune de ses propriétés naturelles.


 


La renaissance


Malgré cette criminalisation de la consommation, le chanvre n'a jamais complètement perdu ses adeptes en Suisse. Dans les années 60, certains milieux n'ont pas hésité - comme en Allemagne et en Hollande à s'afficher un joint à la bouche, en s'inspirant de l'exemple américain et, en partie, extrême-oriental.


Dans le cadre du mouvement hippie, le cannabis a symbolisé, pour bon nombre de jeunes, le refus de la société adulte et de son mode de vie. C'est ainsi que l'on a vu naître une «culture chanvre» dotée de son jargon, de ses rituels et de son infrastructure propres, culture dans laquelle la consommation de haschisch et de marijuana jouait un rôle primordial.


Avec le déclin des mouvements de protestation lancés par les jeunes, avec l'individualisation de la consommation et la progression des drogues dures (héroïne) sur le marché dans les années 80, les consommateurs de drogues se sont fait plus discrets, et le cannabis s'en est retourné dans l'ombre...


Récemment, toutefois, des adeptes du chanvre se sont organisés pour essayer de faire revivre tant le passé agraire de la plante que la culture hédoniste du cannabis des années 60. C'est ainsi que l'on a assisté à des essais de culture de chanvre industriel dans des régions de montagne, à la distribution de produits du chanvre par le biais de coopératives agricoles et de magasins avec vente au détail de haschisch et de marijuana. Nous avons aussi vu naître un véritable lobby politique visant à légaliser la culture, le commerce et la consommation des produits cannabiques.


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