Source: ANITL'acte de naissance du droit international de la drogue se situe au XIXème siècle, dans la solution d'un conflit qui oppose le Royaume-Uni et la Chine impériale. Les Britanniques en effet organisent une part de leur commerce international autour du troc de l'opium produit par leurs colonies indiennes. La Chine, elle, tente vainement d'interdire, sur son territoire, l'usage de cette drogue. Le traité de Nankin, signé en 1842 entre les deux pays, arrive difficilement à normaliser la situation. Tandis qu'en Grande-Bretagne s'installe un mouvement prohibitionniste... C'est à partir de celui-ci que plusieurs commissions gouvernementales sont mises en place, avec pour mission l'étude des dangers entraînés par l'usage de l'opium.
4.1.1. Premières réflexions communes
La première conférence internationale sur l'opium a eu lieu à Shanghai en 1909, suite notamment à la demande de Monseigneur BRENT, évêque de Manille, adressée au Président ROOSEVELT [20].
C'est plus particulièrement en 1912, lors de la deuxième conférence sur l'opium, organisée à La Haye, que s'expriment officiellement les premières interrogations sur l'action du cannabis : "La conférence estime désirable d'étudier la question du chanvre indien d'un point de vue statistique et scientifique, dans le but d'enrayer ses abus, si cela se révèle nécessaire, par voie de règlement intérieur ou d'accord international.". Deux visions s'affrontent, celle des Etats-Unis, défendant une position prohibitionniste, et celle des puissances coloniales, largement impliquées dans le commerce de l'opium.
La troisième édition de cette conférence, en 1925, à Genève, sera le théâtre d'une nouvelle prise de position, de la part du représentant égyptien : "Il est une autre substance qui est au moins aussi dangereuse que l'opium, si ce n'est plus, et que mon gouvernement serait heureux de voir figurer dans la même catégorie que les autres stupéfiants déjà mentionnés. Je parle du haschich, le produit du Cannabis sativa.". Cette requête fut diversement suivie, même si le cannabis est mentionné dès lors parmi les substances contrôlées. La France, le Royaume-Uni et la Chine s'accordent sur un système de production et de distribution contrôlée par un monopole d'état, concernant l'opium, la coca, le cannabis et leurs dérivés. Les parties qui s'engagent doivent fournir des évaluations chiffrées de leurs besoins en stupéfiants et soumettre production, importation et exportation à des autorisations délivrées par le Comité central permanent de contrôle des stupéfiants, créé à cette occasion.
En 1931, lors de la convention de Genève, le terme de "drogue" remplace officiellement celui de "stupéfiant".
De 1931 à 1953 ont lieu six conventions visant à renforcer les contraintes et les sanctions relatives à l'usage et au trafic de drogue.
La multiplication de ces réunions internationales montre l'avancée hésitante du législateur dans le domaine si délicat des substances toxicomaniaques. Elles ont néanmoins le mérite de préparer le texte international qui régit depuis ce domaine.
4.1.2. La Convention unique internationale (1961)
La Convention unique internationale sur les stupéfiants est signée à New York en 1961. Les 77 pays signataires s'engagent à "limiter exclusivement à des buts médicaux et scientifiques la production, la fabrication, l'exportation, l'importation, la distribution, le commerce des drogues couvertes par la convention.".
Ce texte s'applique à 108 plantes, substances naturelles ou synthétiques, réparties en quatre tableaux. Il organise le contrôle des substances stupéfiantes dont l'usage doit être réservé à des fins exclusivement médicales ou scientifiques, et remplace les précédents traités existants. Les quatre tableaux ont été établis par un comité technique en fonction de leur danger et de leur valeur thérapeutique :
Tableau I : substances présentant les risques d'abus les plus importants (une centaine, parmi lesquelles on peut retenir les opiacés synthétiques ou semi-synthétiques, la feuille de coca, la cocaïne, le cannabis, la méthadone).
Tableau II : neuf substances présentant des risques moins importants et qui sont utilisées à des fins médicales (codéine et substances synthétiques).
Tableau III : préparations pharmaceutiques qui incluent des substances des tableaux I et II, mais à des concentrations suffisamment faibles pour ne pas provoquer d'effet néfaste.
Tableau IV : six substances du tableau I (dont l'héroïne et le cannabis), considérées comme particulièrement dangereuses et dont la valeur thérapeutique est inexistante.
A noter en ce qui concerne le cannabis, que seules les sommités fleuries et fructifères de la plante étaient concernées par le texte, à l'exception des feuilles...
La France, comme 135 autres pays dans le monde, a ratifié cette convention. Elle a d'autre part complété pour son territoire le texte international, par le décret du 19/12/1988, qui étend l'interdiction au cannabis dans son ensemble, y compris les feuilles et la résine.
Deux autres textes internationaux suivent, en 1971 (Convention de Vienne sur les psychotropes) et en 1972 (Protocole de Genève qui renforce le contrôle de l'O.N.U. sur la limitation des cultures de drogue à visée médicale et scientifique).
4.1.3. La Convention sur les psychotropes (1971)
La Convention sur les substances psychotropes de 1971 s'applique à une soixantaine de substances d'origine synthétique qui n'ont pas fait l'objet de classement dans la Convention unique. Ces substances, uniquement destinées à un usage médical et scientifique, sont aussi classées en quatre tableaux. c'est dans le deuxième tableau, regroupant les substances "susceptibles d'entraîner des abus mais dont la valeur thérapeutique est faible ou moyenne" qu'est classé le THC, principe actif psychotrope du cannabis.
4.1.4. La Convention des Nations Unies (1988)
Il s'agit d'un texte visant à renforcer la collaboration judiciaire internationale dans le domaine de la lutte contre le trafic de drogue.
Adoptée à Vienne le 19/12/1988, elle a été ratifiée par la France en 1989 et est entrée en vigueur en 1991.
La France a, par une loi de novembre 1990 (loi n°90-1010 du 14/11/1990), adapté sa législation aux dispositions de l'article 5 de cette convention, pour permettre la confiscation de stupéfiants et de produits tirés d'infractions relatives aux stupéfiants.
4.1.5. La Convention de Schengen (1990) et le Traité d'Amsterdam (1997)
Il nous semble important de terminer ce rappel des textes internationaux en vigueur par quelques lignes sur les Accords de Schengen. Même si ce texte n'est pas spécifique de la législation internationale en matière de drogue, les dispositions prises en matière de libre circulation des personnes et des biens ont des conséquences non négligeables sur l'harmonisation des politiques anti-drogue européennes.
Le 14 juin 1985, la France, l'Allemagne et les pays du Benelux décidaient, à Schengen, au Luxembourg, de supprimer progressivement les contrôles à leurs frontières communes : l'accord de Schengen était signé. Cinq ans plus tard, en juin 1990, les mêmes états déterminaient les conditions de mise en uvre de cette initiative, dans le cadre de la convention d'application de l'accord de Schengen. Le noyau initial des pays fondateurs a été progressivement rejoint par l'Italie (1990), l'Espagne et le Portugal (1991), la Grèce (1992), l'Autriche (1995) et enfin le Danemark, la Finlande et la Suède (1996), donnant à l'espace de Schengen des dimensions européennes, à l'exception notable du Royaume-Uni et de l'Irlande. Le traité d'Amsterdam (22/10/1997) consacre cette évolution en intégrant l'accord de Schengen à l'Union européenne, tout en préservant la position particulière du Royaume-Uni et de l'Irlande.
Les Etats signataires des Accords de Schengen se sont engagés à respecter la spécificité des politiques de chacun des Etats en matière de drogues et à lutter contre les effets secondaires néfastes de leur politique nationale. Les difficultés restent nombreuses en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants. Un rapport de la Commission des affaires étrangères du Sénat, présenté en décembre 1998 [82], dresse à ce sujet un bilan en demi-teinte : les flux de stupéfiants en provenance des Pays-Bas ne sont pas ralentis, même si la coopération franco-néerlandaise en matière de stupéfiants a nettement progressé et si "la politique néerlandaise en matière de stupéfiants est devenue par ailleurs plus rigoureuse". La France justifie de ce fait le maintien des contrôles aux frontières avec la Belgique et le Luxembourg, en vertu de la clause de sauvegarde prévue à l'article 2§2 de la convention d'application de l'Accord de Schengen.
La France a ratifié ces conventions internationales, et se voit dans l'obligation de placer son droit interne en accord avec leurs dispositions. La législation française actuelle, que nous allons maintenant étudier, concerne "le cannabis, la plante et sa résine, les préparations qui en contiennent ou sont obtenues à partir du cannabis, de sa plante ou de sa résine.", et considère le 9THC comme stupéfiant.