Date : 26/5/06
Source : Le Monde
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cartes :
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Enquête
L'Atlas de la santé : comment vont les Français ?
LE MONDE | 25.05.06 | 13h38 * Mis à jour le 25.05.06 | 13h40
Dis-moi où tu habites et je te dirai comment tu vas. Dans un Etat très
centralisé comme la France, les comportements et les pathologies sont
fortement influencés par le fait régional. Mais ce n'est pas tant l'entité
administrative que le territoire historique et culturel qui marque de son
empreinte les états de santé.
Après s'être intéressée aux variations géographiques de la mortalité (Le
Monde du 3 mars 2000), une équipe de géographes, d'épidémiologistes et de
statisticiens coordonnée par le professeur Gérard Salem publie aux éditions
John Libbey Eurotext l'Atlas de la santé en France, volume 2 -
Comportements et maladies (222 pages, 64 euros). "Nous avons choisi de ne
pas travailler à partir des données du système de soins, car elles ne
renseignent que sur les personnes qui consultent et sont tributaires de la
façon dont elles sont enregistrées, en l'occurrence à des fins de gestion
hospitalière, explique Gérard Salem. Nous avons rassemblé les données
existantes en population générale."
En travaillant à partir de vingt-deux sources différentes, concernant au
total 15 millions d'individus, l'équipe a sélectionné les indicateurs de
santé pour lesquels existait une confirmation par différentes sources, au
moins au niveau départemental. Il en ressort que chaque groupe de maladies
possède sa géographie, mais que le "fait régional" apparaît de manière
récurrente. "Nous avons retrouvé les "pays" de la France ; la Picardie de
la brique, plus au nord, ne ressemble pas à la Picardie de la pierre, qui
prolonge l'Ile-de-France", résume Gérard Salem.
Il n'y a pas de régions où tout va bien et d'autres où tout va mal.
Cependant, certaines régions comme le Nord-Pas-de-Calais, en particulier le
Nord-Picardie, ainsi qu'une partie de Champagne-Ardenne ne vont pas bien, à
l'inverse du Centre ou du Sud-Ouest, qui se portent plutôt bien.
Pour certaines pathologies, les variations géographiques constatées vont
parfois à l'encontre des idées reçues. C'est le cas pour l'asthme. Cette
maladie respiratoire est en augmentation continue en France, avec une
prévalence qui a pratiquement doublé en presque dix ans, de 1987 à 1996.
"La modification des modes d'habitat, favorisant un plus grand confinement
des logements et le développement des allergènes respiratoires (acariens,
phanères d'animaux, tabagisme passif), le rôle aggravant de la pollution
atmosphérique et les changements d'habitudes alimentaires sont autant de
facteurs associés aux nouveaux modes de vie urbains qui expliqueraient
l'augmentation récente de l'asthme dans les pays de l'hémisphère Nord",
écrivent les auteurs de l'Atlas.
Ce caractère urbain mérite toutefois d'être nuancé. L'analyse des
prévalences de l'asthme à l'échelle cantonale fait apparaître un gradient :
leurs fréquences décroissent à mesure que l'on s'éloigne des façades
littorales, que ce soit la Manche, l'Atlantique ou la Méditerranée. Les
auteurs avancent une explication possible : "Le niveau d'hygrométrie des
régions littorales favorise la pollution biologique à l'intérieur des
maisons."
Il existe parfois une opposition Nord-Sud. C'est le cas pour le mode de
transmission du virus du sida, chez les deux sexes. En Ile-de-France, le
mode de contamination est majoritairement sexuel, en particulier pour les
hommes. A l'inverse, la transmission chez les usagers de drogue par voie
intraveineuse prédomine dans les départements du sud de la France.
Pour d'autres cas, comme les cancers, la dissymétrie suit une frontière
est-ouest. Une ligne reliant Le Havre (Seine-Maritime) à Marseille
(Bouches-du-Rhône) sépare deux sous-ensembles : au nord et à l'est, les
taux de cancers sont élevés, généralement supérieurs au taux médian. A
l'ouest et au sud, ils restent faibles. Les auteurs y voient la persistance
d'une "coupure ancienne correspondant à la distinction entre une France
urbaine et industrielle à l'est et une France rurale et agricole à
l'ouest". Une telle opposition est confirmée pour des cancers comme ceux de
la vessie, du poumon et de la plèvre, du côlon et du rectum. La même ligne
Le Havre-Marseille et la même opposition des deux France se retrouve, à
quelques exceptions près, pour les infarctus du myocarde.
A l'est d'une diagonale Le Havre-Perpignan se retrouvent des taux élevés de
diabète, surtout dans le Nord-Est et sur le pourtour méditerranéen, avec
quelques exceptions localisées en Lozère et en Ardèche. A l'inverse, les
taux sont "particulièrement faibles dans le Grand Ouest", notent les
auteurs.
Pour d'autres pathologies, en revanche, la géographie est plus complexe.
Les taux d'accidents vasculaires cérébraux sont plus élevés dans un
ensemble nord, comprenant le Nord-Pas-de-Calais, la Haute Normandie, la
Picardie, la Champagne-Ardenne et l'Ile-de-France, ainsi que dans les zones
portuaires de la façade atlantique. "L'impression d'ensemble reste
toutefois davantage celle d'un patchwork", décrivent les auteurs de l'Atlas.
Parfois, la répartition d'une pathologie vient recouper et confirmer la
géographie d'autres affections liées aux mêmes facteurs. Ainsi, les
maladies alcooliques du foie "constituent la réplique exacte des cartes de
mortalité par cirrhoses et psychoses alcooliques, confirmant la persistance
de comportements régionaux dans les façons de boire". La cartographie, ici,
fait apparaître une "coupure nette entre la France du grand Nord-Ouest et
une France de l'Est et du Sud", la première ayant des taux élevés.
"Ce que nous voyons à travers les données de l'Atlas, ce sont les prémices
de changements en train de s'opérer, indique Gérard Salem. En Bretagne, on
voit croître le tabagisme des jeunes filles, mais dans le Pas-de-Calais,
les comportements des jeunes vont dans un sens plutôt favorable. En région
PACA (Provence-Alpes-Côte d'Azur), les indicateurs de comportement et de
morbidité dans les villes de Marseille et Toulon tendent à se dégrader."
La Bretagne connaît une bonne évolution en termes de mortalité, mais il
existe une opposition entre "une Bretagne urbaine, autour de Vannes et
Rennes, où l'espérance de vie s'est allongée pour rejoindre celle de
Toulouse, et une Bretagne bretonnante qui reste dans le rouge", souligne
l'épidémiologiste et géographe.
Dans le dernier chapitre de l'ouvrage, les auteurs tentent de dégager un
"essai de typologie des états de santé" à partir de profils de morbidité
établis sur la base des différents indicateurs. Ils parviennent ainsi à
rendre compte de "quelques traits régionaux remarquables".
C'est le cas en Bretagne, où "la persistance de problèmes liés à
l'alcoolisme, notamment pour les plus de 50 ans, exprimés par des problèmes
aigus des voies aérodigestives supérieures, des cancers, des accidents
vasculaires" s'oppose au "bon état de santé des jeunes adultes, en dépit de
consommations inquiétantes de produits psychoactifs".
En Alsace et en Moselle, cette analyse globale fait ressortir l'importance
du surpoids et du diabète "à relier au régime alimentaire très spécifique
observé" dans ces départements. Dans le cas du Nord, "où aucun indicateur
n'est vraiment bon", les auteurs pointent le fait que cela "ne saurait
s'expliquer par le seul passé industriel" de la région, sans pouvoir
apporter plus de précisions.
Paul Benkimoun
Article paru dans l'édition du 26.05.06
http://www.lemonde.fr/web/imprimer_elem ... 940,0.html
Consommation de tabac et consommation d'alcool
LE MONDE | 25.05.06 | 13h38
Consommation de tabac et consommation d'alcool sont en baisse depuis deux
décennies. Mais cette diminution s'accompagne de mutations profondes dans
les modes de consommation. La dépendance alcoolique des 45-54 ans
concernait, en 2 000, 19,4 % des hommes et 5,5 % des femmes, avec une plus
forte prévalence en Ile-de-France, notamment pour les femmes.
Les consommations d'alcool restent régionalisées : on boit du vin au cours
des repas dans le Sud-Ouest et le pourtour méditerranéen, de la bière et
des alcools forts en dehors des repas dans le Nord et la région parisienne.
En 2 000, un Français sur trois et une Française sur cinq entre 30 et 45
ans fumaient quotidiennement. Parmi eux, 18 % des hommes et 12 % des femmes
étaient de gros consommateurs. Jusqu'à une époque récente, la proportion de
fumeurs était plus élevée parmi les catégories modestes tandis que le
tabagisme féminin était le fait de femmes aisées et citadines. Ce modèle
tend à disparaître : les prévalences tabagiques sont aujourd'hui maximales
dans les catégories sociales intermédiaires, tous sexes confondus.
En matière de consommation de drogues - essentiellement de cannabis -, chez
les 17-19 ans, il existe une opposition entre l'Ouest et le pourtour
méditerranéen, aux taux élevés, et le reste de la France, aux taux
moindres. La Bretagne se détache avec des consommations deux fois plus
fortes qu'ailleurs. En 2000-2001, plus de 40 % des jeunes Bretons et 30 %
des jeunes Bretonnes affirmaient avoir consommé du cannabis au moins une
fois dans l'année.
C. Pr
Article paru dans l'édition du 26.05.06
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