Le champignon anticoca dégoûte Bogota

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Le champignon anticoca dégoûte Bogota

Messagepar Petitgris » 12 Oct 2005, 10:16

Une poignée de congressistes américains a déterré une idée qui ressemble à un film d'horreur pour biologistes : le développement d'un champignon «mange-coca», un micro-organisme qui détruirait la plante servant de base à la cocaïne. Leur texte de loi, qui doit encore être discuté et passer par le Sénat à Washington, vise à promouvoir l'utilisation de «microherbicides» dans un «pays grand producteur de drogue».

Aspersions. En Colombie, premier exportateur mondial de cocaïne, le projet a provoqué une levée de boucliers. «Non à la guerre biologique des Etats-Unis», s'est insurgé le sénateur de gauche, Jorge Enrique Robledo, premier à dénoncer l'affaire. Le gouvernement américain, qui finance la politique d'éradication forcée des cultures de drogue dans le pays andin, d'où partent 80 % de la poudre blanche consommée aux Etats-Unis, n'en est pas à son coup d'essai. Il avait déjà tenté, en 2000 puis en 2003, d'imposer un type de Fusarium oxysporum, un champignon dont chaque variété s'attaque à une plante spécifique. A chaque fois, il s'est vu opposer un veto de Bogota, inquiet des risques pour l'environnement.

L'idée peut pourtant séduire. Depuis près de dix ans, la Colombie est le seul pays au monde à lutter contre les cultures illicites par des aspersions aériennes d'insecticide (le glyphosate), aux conséquences écologiques, sanitaires et sociales d'une ampleur toujours mal calculée. Le Fusarium, présenté par ses défenseurs comme un «contrôleur biologique» 100 % écolo, n'aurait qu'à être diffusé dans une région de cultures, où il tuerait patiemment les plants de coca. C'est ce qui se serait naturellement passé dans la vallée péruvienne de l'Alto Huallaga en 1984 : la plante avait été dévastée... et les autorités américaines émerveillées. «L'effet persiste dans le sol pendant plusieurs années, et prévient les nouvelles plantations», constatera un document du secrétariat à l'Agriculture.

L'espèce anticoca a été identifiée en 1987, et David Sands, un scientifique proche du secrétariat à l'Agriculture, a alors repéré son intérêt commercial. La guerre biologique était à la mode : jusqu'en 1998, l'ONU elle-même appuyait un projet de micro-organisme «mange-pavot» en Ouzbékistan. Associé à l'entreprise Ag/Bio Co, David Sands propose en 1999 au bureau antidrogue de Floride de diffuser pour 10 millions de dollars un autre membre de la famille Fusarium, un antichanvre, afin d'éradiquer les florissantes cultures de cannabis de l'Etat. Le niet des autorités environnementales de l'Etat ne le décourage pas ; il se rend à Bogota pour jouer les VRP du champignon anticoca.

Agressif. Sans grand succès. «Le hic, explique le spécialiste des sols Tomas Sicard, de l'université nationale colombienne, c'est que le Fusarium ne se contentera pas de mourir après avoir tué le dernier plant de coca.» Il est en effet redoutablement résistant. Les floriculteurs colombiens l'ont constaté sur leurs oeillets, frappés par une espèce du même champignon : incapables de l'éradiquer dans leurs serres malgré leur technologie, ils ont dû se mettre au hors-sol pour y échapper. «Imaginez ce que ça donnerait à l'échelle de l'Amazonie», continue le chercheur. D'autant que le micro-organisme semble prêt à étendre son menu : au Pérou, il se serait attaqué à d'autres espèces après avoir laminé la coca. Enfin, les nombreuses toxines qu'il produit pourraient affecter animaux et humains. Le Fusarium, prévient Tomas Sicard, est «opportuniste», c'est-à-dire particulièrement agressif sur un organisme affaibli. «Les paysans atteints de leucémie, de cancer ou de sida seraient vite vulnérables.»

«Solution ingénue». La communauté scientifique colombienne n'abandonne pas pour autant l'espoir d'un «contrôleur biologique» contre la drogue. Pour éviter la pluie d'herbicide que Bogota a juré d'étendre sur les parcs nationaux colombiens, où ne se cacherait pourtant qu'un quinzième des cultures illicites du pays, des chercheurs et un sénateur proposent la diffusion d'un papillon anticoca. L'Eloria noyesi, dont les larves ne s'alimentent que de cette plante, «ne détruit que les feuilles qui intéressent les trafiquants, selon l'universitaire Gonzalo Andrade qui l'étudie. L'arbuste et l'espèce elle-même ne seraient pas détruits. Mais cette «arme écologique» se heurte encore à un détail humain : en réponse, les paysans vont sans doute déployer des nuages d'insecticides... Pour Tomas Sicard, le papillon Eloria «reste une solution ingénue à un problème complexe. L'éradication de la coca est devenue une vaine prétention, qui nous a fait oublier tous les aspects économiques et sociaux du trafic».

Libération, article de Michel Taille
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