Petitgris a écrit:Vous la connaissez, l'annexe de l’article II-66 ?
On peut y lire : « Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf [...] s’il s’agit de la détention régulière d’une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d’un aliéné, d’un alcoolique, d’un toxicomane ou d’un vagabond. »
Curieux, non ?!?
Oui je la connais. Ce qui aurait été curieux, c'est qu'elle ni soit pas, en fait, puisque le traité reprend tous les textes existants, comme... la convention européenne des droits de l'Homme.
Auteur : Laurent Joffrin
Vendredi 22 avril 2005
Une constitution fasciste ?
Deux manipulations caractérisées circulent sur le Net à propos du texte constitutionnel. Plusieurs lecteurs de l’Obs nous ont écrit pour demander des précisions, troublés par des affirmations répétées qui courent ensuite sous forme de rumeur qu’on colporte en roulant les yeux. Ils nous demandent ce que nous pensons de deux articles : le II 66 en premier lieu, qui déclare que "Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté", mais auquel les constituants ajoutent aussitôt ces restrictions : "sauf s’il s’agit de la détention régulière d’une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d’un aliéné, d’un alcoolique, d’un toxicomane ou d’un vagabond" ; en second lieu le II-62, ainsi rédigé "Toute personne a droit à la vie. Nul ne peut être condamné à la peine de mort, ni exécuté" et ainsi complété : "La mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire (…) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection (…)."
Diable ! Ainsi présenté, le texte prend soudain une apparence répressive digne du pire régime dictatorial. Le spectre de l’enfermement des malades et des SDF surgit, accompagné des fantômes d’une police qui tirerait dans le tas à la moindre manifestation. La convention Giscard ? Une entreprise fascisante !
Une précision immédiate : les phrases incriminées, en fait, ne figurent pas dans la constitution. Elles sont inscrites dans des "déclarations" annexes qui n’ont pas de valeur juridique. C’est donc abusivement qu’on les impute directement au texte du Traité. Première manipulation. Mais comme le Traité renvoie à un autre texte européen où ces restrictions existent, on ne peut pas s’arrêter là. Même sous forme de renvoi indirect, ces stipulations peuvent jouer un rôle. Alors de quel texte scélérat sont-elles extraites ? Les gens du non se gardent bien de le dire, et pour cause : il s’agit de phrases citées hors de tout contexte prises dans la Convention européenne des droits de l’Homme, promulguée en 1948 et ratifiée par la France en 1974. On avait donc négligé de s’en inquiéter jusqu’ici.
La chose, en fait, s’explique facilement. Si un texte constitutionnel se bornait à proclamer le principe de liberté et de sûreté, sans restriction, il s’appliquerait dans tous les cas, y compris pour les criminels les plus notoires. Un serial killer reconnu pourrait se prévaloir de la constitution pour exiger sa libération. Depuis 1789, donc, il est entendu que la liberté et la sûreté ne valent pas pour les délinquants désignés comme tels par une loi régulièrement votée. Les rédacteurs de la Convention de 1948 ont donc fait la liste des cas où une législation nationale peut prescrire la privation de liberté. En France, par exemple, et depuis toujours, on peut décider d’arrêter aux frontières certains malades extrêmement contagieux (les porteurs du microbe du choléra, par exemple, mais pas ceux du sida, évidemment), dispositions d’ailleurs tombée en désuétude en même temps que disparaissaient la rage, la tuberculose ou le choléra. On peut aussi, depuis toujours, emmener au poste certains vagabonds ou bien les individus coupables d’ivresse sur la voie publique, ou encore décider l’internement d’un aliéné dangereux. De même pour l’article II-62 : les Etats ont fait remarquer que l’interdiction de la peine de mort ne pouvait pas s’appliquer en cas de résistance légale à une insurrection armée. Si les parachutistes du 1er REP, en 1961, avaient sauté sur Paris, la police républicaine était en droit de résister par la force, quitte à provoquer la mort de l’un des factieux. D’où la précision donnée dans les "déclarations" annexées à la constitution, reprises de clauses parfaitement banales de la Convention européenne des droits de l’Homme, que l’immense majorité des juristes et des citoyens tiennent à juste titre pour un texte protecteur des libertés. Voilà donc les règles scélérates qu’on dénonce pour discréditer la constitution : des précisions de bon sens, admises dans toutes les démocraties depuis deux siècles.
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(En fait, y a une erreur : pas "promulguée en 1948" mais adoptée le 4 novembre 1950).
Rappelons l'article I-9 :
Droits fondamentaux
1. L'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux qui constitue la partie II.
2. L'Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Cette adhésion ne modifie pas les compétences de l'Union telles qu'elles sont définies dans la Constitution.
3. Les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l'Union en tant que principes généraux.