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La police fait la chasse au shit dans un internat
A Périgueux, émoi après la fouille des casiers des lycéens par les forces de l'ordre, sur l'initiative du proviseur.
Par Michaël HAJDENBERG
lundi 14 mars 2005 (Liberation - 06:00)
Périgueux envoyé spécial
usqu'où aller pour empêcher les jeunes de fumer du cannabis ? Jusque dans leurs chambres, situées à l'intérieur d'un établissement scolaire, répondent conjointement le substitut du procureur et le proviseur du lycée Claveille de Périgueux. Le soir du 31 janvier, à l'initiative du chef d'établissement, des policiers débarquent dans l'internat de ce lycée sans soucis particuliers, avec des chiens prêtés par les douanes. Pendant que les élèves sont réunis au réfectoire sous un prétexte fallacieux, les chiens reniflent sacs et casiers, et s'attardent sur 75 d'entre eux. Les élèves sont appelés et leurs effets personnels fouillés. Dans les affaires de quatre d'entre eux, les policiers trouvent des barrettes de shit et de l'herbe. Le substitut du procureur propose un classement sous condition à tous ceux dont les affaires ont été reniflées par les chiens : pas de poursuite judiciaire si les élèves se soumettent à une analyse urinaire régulière. En revanche, si des traces de cannabis sont par la suite retrouvées, des poursuites seront engagées.
Le procédé inattaquable du point de vue du droit choque nombre de professeurs. La moitié d'entre eux vient de signer une pétition remettant en cause le procédé, qui divise encore, plusieurs semaines après les faits. «Nous ne faisons pas l'apologie du cannabis, explique un professeur de philosophie. Nous avons les mêmes objectifs, mais pas les mêmes méthodes. Nous regrettons l'intrusion brutale dans une enceinte protégée car l'éducation est une affaire de confiance. On a menti aux élèves, et cette intervention laisse à penser que notre travail de prévention en tant qu'éducateurs est inefficace.» Les élèves, «intimidés» selon la section de la Ligue des droits de l'homme de Périgueux, qui dénonce «une politique de la terreur», ont accepté la proposition du substitut et n'ont pas protesté. Leurs parents non plus, en majorité.
Mais le Snes et les profs s'interrogent. Ils regrettent l'atteinte à l'intimité par la fouille des casiers, et les malentendus qui peuvent en découler : des lycéens à qui on a proposé un suivi affirment n'avoir jamais fumé. Leurs affaires sentant toutefois le cannabis peut-être en raison d'une proximité géographique avec des fumeurs , ils ont été pointés du doigt. Philippe Guittet, secrétaire général du Syndicat national des personnels de direction de l'Education nationale, dénonce «un mélange des genres» et en fait une question de principe : «Le proviseur dispose de sanctions propres et n'a pas à faire faire le travail par des policiers.»
Pour le chef d'établissement, «la peur du gendarme fait partie de la prévention, et il est irresponsable d'avoir une poussée d'acné dès qu'on voit un uniforme. Le but n'est pas de mener ces jeunes en prison mais de rappeler l'interdiction et de casser la dépendance. Et s'il est liberticide d'aider des jeunes à sortir de la drogue, alors, vive le liberticide !». Le prof de philosophie, lui, n'en revient toujours pas. Quelques jours après l'intervention, au milieu de son cours sur le droit et le Contrat social de Rousseau, on est venu chercher des élèves «pour qu'ils aillent pisser dans un flacon».
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