par Petitgris » 20 Jan 2005, 01:06
Ouais, ça part en abstraction surtout. Pour revenir à nos moutons, cette conversation est partie d’une définition malheureuse du syndicalisme puis d’une analogie avec la boule de neige. On en est alors arrivé à parler de « masses », terme péjoratif par excellence qui évoque le troupeau et la meute, avec l’intelligence et la distinction que cela suppose. Bien entendu, formulée de cette façon, ça peut effectivement donner quelques motifs d’inquiétude, principalement à une époque où l’engagement n’a pas trop le vent en poupe et sachant ce que certaines foules décérébrées ont pu faire comme dégâts au travers des siècles.
Première curiosité : il est curieux d’opposer ces deux idées (l’action individuelle autour de soi et l’action collective à un niveau plus large) qui sont finalement assez conciliables. On peut même penser qu’en niant une des deux, c’est la schizophrénie cannabique qui guette : pourquoi refuser de développer à plus grande échelle, en se structurant, certaines idées éthiques que l’on défend dans sa vie sociale de tous les jours ?
J’ai par exemple tout intérêt à ce que l’état cesse de criminaliser les planteurs - fumeurs que nous sommes. Je parle librement de ces sujets autour de moi mais cela ne m’empêche pas (bien au contraire) d’être assurément favorable à ce qu’une organisation (une association d’individus) fasse progresser cette idée afin de lever les barrières législatives françaises. Si on s’entend sur les objectifs, on peut bien évidemment s’associer pour triompher (même Stirner, le pape de l’égoïsme radical ne me contredirait pas sur ce point) en évitant les « effets de meute ».
Prenons l’exemple si facilement critiquable du syndicalisme. Oui, c’est une structure politisée (et peu représentative) avec un chef et une ligne d’action précise. Doit-on jeter cette « meute » avec l’eau du bain ? Je ne le pense pas. Dans la pratique, un syndicat permet surtout de donner des conseils sur le droit du travail à ceux qui en ont besoin, de faire profiter les salariés d’une aide juridique quand les choses s’emballent, d’organiser une grève, etc… Je bosse dans un de ces centres d’appel, ces petites usines du tertiaire, et je puis t’assurer que sans ces organisations, une multitude de personnes (les plus démunies culturellement et économiquement) n’aurait pas pu faire face aux tracasseries et aux pressions exercées par ma sympathique direction.
C’est là qu’on en arrive à l’efficacité, ce qui me permettra de lâcher ma petite chanson :
No man is an island, and remember, no man stands alone…
S’organiser, c’est aussi faire profiter l’organisation d’un panel de compétences qui manquent à l’individu isolé. Regardez ATTAC, on est plus ici dans le PC des années 5O : aucune indication de vote, on organise des universités d’été pour sensibiliser les gens aux mécanismes de l’économie, on se développe de façon « mondialisée » pour peser dans les discussions, on organise des contre sommets, on fédère des universitaires, des acteurs sociaux de toutes sortes, etc…
Alig, je ne suis pas non plus convaincu par ta théorie du grain de sable. En matière de progrès social, je n’ai aucun exemple d’avancées produites par des agents qui se seraient « trompés » chacun de leur côté. Quand on réfléchit à l’idée, elle a aussi ses faiblesses : hypocrisie (je me suis trompé, je ne revendique rien) et aléatoire (le grain de sable va foutre la merde mais on sait pas trop comment ça va se passer).
Oui St Nitz, Nietzsche s’est effectivement longuement attardé sur cette faiblesse qui fait de l’homme, un ruminant incapable de s’élever au-delà de la morale, des conventions. Il y répond par une sorte d’aristocratisme qui n’est pas pour moi sa plus brillante idée ou du moins la plus exploitable en matière de progrès social (une préoccupation inconnue ou plutôt détestable pour ce penseur).