Les adeptes français du Santo Daime absous
Pubdate: 14 janvier 2005
Source: Libération
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Accusés de trafic de stupéfiants en 2003, six membres du culte brésilien
sont innocentés par la cour d'appel.
Par Arnaud AUBRON
vendredi 14 janvier 2005 (Liberation - 06:00)
Au rez-de-chaussée, Claude Bauchet est l'affable patron d'une PME de
télécommunications. Mais au sous-sol de son entreprise parisienne, c'est à
une communication plus ésotérique qu'il s'adonnait avec quelques amis. Ce
père tranquille est également le représentant en France du Santo Daime,
culte christiano-chamanique originaire du Brésil, qui compte plusieurs
milliers de fidèles et est reconnu comme une religion. Ce n'est pas le cas
en France. En décembre 2003, six «daimistes» avaient été condamnés en
première instance à des peines de quatre à dix mois de prison avec sursis
pour trafic de stupéfiants.
Car la particularité du Santo Daime est que ses adeptes se voient offrir en
guise d'hostie une infusion hallucinogène dénommée ayahuasca. «Expansion de
conscience bénéfique» et «vecteur de guérison» pour les uns, l'ayahuasca,
consommée en Amazonie depuis des millénaires et qui se répand en Occident,
était surtout pour le parquet un stupéfiant, puisqu'elle contient
naturellement des traces de DMT, substance interdite en France. La cour
d'appel de Paris n'a pas suivi le tribunal sur ce terrain, annulant hier
son jugement, allant jusqu'à exiger la restitution de l'ayahuasca saisie.
Une reconnaissance qui intervient après celles des juges espagnols, en
2001, et néerlandais, en 2003, et alors que d'autres procès sont en cours
aux Etats-Unis, en Australie et en Allemagne.
Extorsions. L'affaire démarre il y a six ans lorsque, inquiète pour son
fils, la mère d'un jeune adepte porte plainte. «Loin d'être de doux
illuminés», les «daimistes» seraient à l'en croire «dangereux» et «motivés
par l'argent». Et d'évoquer des extorsions de fonds, des «filles "fournies"
aux membres», mais surtout un fils «qui n'était plus en contact avec la
réalité». Argument suprême de la mère : «Il se moquait même du pape, or
nous sommes une famille très pratiquante.» «C'est un tissu de mensonges
inventé de toutes pièces par mes parents», atteste l'intéressé qui a
pourtant rompu les ponts avec ses anciens amis.
Après plusieurs mois d'enquête, la police, elle, décide d'intervenir en
novembre 1999. Les six responsables des groupes, dispersés à Paris et dans
la Drôme, sont arrêtés, mis en examen pour «trafic de stupéfiants»,
«escroquerie en bande organisée» et «association de malfaiteurs». Les
membres du groupe de Paris, dont Claude Bauchet, passeront trois semaines
en prison.
«J'ai cru que j'étais en pleine hallucination, se souvient Claude Bauchet.
On me mettait en prison parce que j'avais découvert un sacrement.»
Difficile, de fait, de voir en cet «exilé spirituel» venu au Santo Daime
via la psychothérapie après la mort de sa mère, le dangereux gourou d'une
«secte» dont il peine à se rappeler le nom officiel: Eglise du culte
éclectique du flux de lumière universelle. Et qu'il qualifie de «voie
spirituelle très chic, avec de beaux rituels»...
Ne serait-il alors que le paravent de gens moins bien intentionnés, comme
l'affirment des groupes antisectes ? L'enquête de police a longuement
cherché, mais n'a rien trouvé. «Notre culte peut choquer, admet Bauchet.
Mais on n'est pas là pour prendre un produit. Nous sommes une Eglise
chrétienne.» L'usage d'autres stupéfiants ? «Si c'est le cas, je ne suis
pas au courant.» La dérive sectaire ? «C'est quoi une secte ?»
Echec. C'est peut-être pour ne pas avoir à se poser cette question
embarrassante, et faute de preuves, que le parquet n'avait retenu que la
seule accusation de «trafic de stupéfiants». Echec, puisque la cour d'appel
a suivi le raisonnement de la défense : en effet, arguait Me Ana Attalah,
documents à l'appui, les autorités françaises réfléchissant actuellement à
un classement comme stupéfiant de l'ayahuasca, cette substance ne saurait
être déjà interdite. Pour combien de temps ?
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Pubdate: 14 janvier 2005
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