La il s'agit d'enfumage toxique
Police républicaine ?
Un rapport officiel épingle la «perversité» d'une descente
Le 1er janvier, une intervention violente dans un bar parisien s'était soldée par la mort d'un homme.
Par Patricia TOURANCHEAU
jeudi 14 octobre 2004 (Liberation - 06:00)
Le réveillon privé d'une famille kabyle au Café de la poste, rue de Clignancourt à Paris (XVIIIe), avait tourné au vinaigre avec le commissariat d'en face et des renforts de police qui, le 1er janvier 2004 vers 3 h 30, ont projeté sans discernement du gaz lacrymogène dans ce lieu clos. Les fêtards, y compris les femmes et les enfants, ont été piégés à l'intérieur du bistrot au rideau de fer baissé et à l'air devenu irrespirable. Invité par le patron, un artiste peintre suédois de 61 ans au coeur fragile n'en a pas réchappé (Libération du 28 janvier).
Le limonadier a dénoncé, le 6 janvier, la bavure à l'inspection générale des services (IGS). Saisie de «cet incident grave» par le député et adjoint au maire de Paris Christophe Caresche (PS), la Commission nationale de déontologie de la sécurité, présidée par Pierre Truche, vient de rendre ses conclusions d'enquête. Elles sont extrêmement critiques à l'égard des policiers intervenants mais aussi, ce qui est bien plus rare, à propos des investigations de l'IGS.
Le rapport tient pour «établi qu'un ou plusieurs fonctionnaires de police se sont livrés à une agression» au gaz sur des gens pacifiques, étrangers à l'algarade qui eut lieu dans la rue, et souligne «la perversité de cet acte commis de nuit». Les gardiens de la paix ont profité de l'entrée au café d'une mère avec son bébé pour lancer les produits incapacitants à l'intérieur, puis ont «maintenu la porte fermée pour empêcher les personnes présentes de sortir». Le rapporteur déplore que les policiers n'aient «pas porté secours aux personnes incommodées», ni appelé les pompiers.
Il épingle sévèrement J.L.N., capitaine de police de la BAC (brigade anticriminalité) du XVIIIe, le plus gradé sur les lieux, qui a «pour le moins, été témoin direct de cet acte illégal de violence» mais n'en a pas informé le procureur, ni sa hiérarchie, et n'a pas mentionné aussitôt sur le registre deux interpellations.
Il dénonce l'omerta qui paraît régner dans les rangs puisque ce capitaine J.L.N. et le lieutenant O.D. n'ont communiqué à l'IGS «aucun renseignement de nature à permettre d'identifier l'auteur» de la projection de gaz. De plus, le «caractère clandestin» de cet usage de lacrymogène «se perpétue à ce jour», puisque l'IGS n'a «effectué aucune recherche» de l'unité de police qui avait cette bombe «attribuée en dotation» et n'a pas «identifié le fonctionnaire qui l'a utilisée». Selon la commission, l'enquêteur de l'IGS «a fait siennes les déclarations des fonctionnaires de police», a accordé peu de crédit aux «allégations» des plaignants et s'est contenté de conclure que «la responsabilité du gazage à l'intérieur du bar n'a pu être déterminée». La commission observe que «la violence dont a été victime [le Suédois décédé] n'a pu qu'aggraver le risque auquel il était exposé».
Pierre Truche a transmis son rapport au procureur de Paris, en soulignant sa «compétence en matière de violences dans un contexte d'agression à caractère raciste».
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