MONTREAL, 21 juin (AFP)
Le Parti marijuana se fait couper l'herbe sous le pied
"Y faut que ça roule!", clame le Parti marijuana sur ses affiches en vue des élections canadiennes du 28 juin, mais les temps sont durs pour cette formation depuis que les grands partis ont décidé d'épouser sa cause, démobilisant sa clientèle.
Sans aller aussi loin que le Parti marijuana qui prône la légalisation pure et simple du cannabis, libéraux, conservateurs, sociaux-démocrates et indépendantistes québécois sont d'accord pour décriminaliser sa possession, une réforme vue d'un très mauvais oeil à Washington.
Un projet de loi en ce sens a été présenté cette année à la chambre des Communes par le gouvernement libéral mais il n'a pu être adopté à temps avant le déclenchement des élections.
Au lieu d'une inscription au casier judiciaire, éventuellement assortie d'une peine de prison, ce projet prévoyait une simple amende pour le consommateur pris en train de fumer un "joint".
Actuellement, plus 600.000 Canadiens ont un casier judiciaire pour cette infraction et plusieurs en subissent les conséquences sur le marché du travail.
Même le chef du Parti marijuana, Marc-Boris St-Maurice, a dû interrompre sa campagne pour se présenter au palais de justice de Montréal, où il a été récemment inculpé de possession simple de cannabis. Il doit revenir au tribunal le 7 juillet prochain.
En décembre dernier, la Cour suprême du Canada a maintenu la constitutionnalité de la loi prohibant le cannabis mais souligné qu'il était du ressort du Parlement de la réformer ou non.
"Ces gens-là jouent un peu dans nos platebandes", dit des autres partis Hugo Saint-Onge, 29 ans, principal responsable de la campagne du Parti marijuana.
"On est super-contents, mais au bout du compte c'est plus difficile pour nous d'aller chercher des candidats de qualité et aussi de faire sortir le vote, parce que les gens pensent que la question est en train de se régler. Ca a démobilisé", dit M. Saint-Onge.
Résultat, le parti ne présente des candidats que dans 71 des 308 circonscriptions du pays. Il en comptait 73 à sa première participation en 2000, où il avait obtenu 0,5% des suffrages avec 66.000 voix.
"C'est très difficile, on n'a pas de moyens", affirme Hugo Saint-Onge, dans le local vétuste, désespérément vide d'équipements, qui sert de QG national au parti dans le quartier branché du Plateau à Montréal.
Le chef St-Maurice, qui se présente à Montréal contre le Premier ministre libéral Paul Martin, va même jusqu'à vendre des sachets de graines de cannabis pour financer sa campagne.
La convocation des élections en plein été, alors que les universités sont désertées, n'aide pas non plus à rejoindre les jeunes, clientèle cible que le parti va plutôt voir dans les bars ou sur les terrasses, tout en faisant aussi la tournée des prisons.
M. Saint-Onge demeure néanmoins optimiste et mise sur la "désillusion" des gens face aux promesses des autres formations sur cette question.
Deux millions de Canadiens (sur une population totale de quelque 27 millions de personnes) fument du cannabis chaque année et un tiers d'entre eux l'a déjà fait, ce qui en fait parmi les plus gros consommateurs des pays industrialisés, affirmait il y a deux ans un rapport du comité du Sénat canadien qui réclamait lui aussi une légalisation pure et simple de cette drogue.
Sur sa carte de visite, l'un des candidats du parti dans la région de Montréal, Michel Allard, va même jusqu'à se vanter d'avoir été un "pourvoyeur de cannabis" de l'ancien Premier ministre canadien Pierre Elliott Trudeau, décédé en 2000, et de "plusieurs honorables ministres du Québec".
© Courrier international 2004