par Petitgris » 04 Mai 2004, 16:20
Je vais affiner donc… avec verbiage sur « l’information » (un concept bien fourre-tout, en vérité).
La thèse est un peu naïve en fait. Les supports ayant publié des articles favorables ou démystificateurs sont légions : La Recherche, Science et Vie, Libération, MSN infos, pour ne citer que les plus récents… Pour « l’information » plus personnelle de nos dirigeants, un pote a fait l’armée avec le fils d’un premier ministre qui fumait quotidiennement ; le fils de cet ancien ministre de l’intérieur porte des dreadlocks et joue dans un groupe de reggae, officiant ainsi dans la même « catégorie musicale » que le fils de cet autre ministre de l’éducation qui produit du son jamaïcain à Londres. Une ex de Coluche raconte d’ailleurs un entretien d’une étonnante franchise où F. Mitterand donne son avis sur la question (il n’y est pas question d’information) au gros fumeur qu’était Coluche.
Mais si le mot « philosophie » donne des allergies à certains, on peut aussi choisir « sensibilité » qui correspond même plus justement au concept.
Je pense comme Bergson que ce n’est pas en donnant des cours d’altruisme qu’on résoudra les problèmes de l’égoïsme. « En dehors de l’instinct et de l’habitude, il n’y a d’action directe sur le vouloir que celle de la sensibilité ». Voilà pourquoi ce n’est pas à coup d’infos favorables qu’on arrivera d’après moi au résultat escompté. Le même Henri précise très justement : « C’est par excès d’intellectualisme qu’on suspend le sentiment à un objet et qu’on tient toute émotion pour la répercussion, dans la sensibilité, d’une représentation intellectuelle ». Et là, aussi curieux que cela puisse paraître, les énergumènes intellectualistes ne sont finalement pas ceux qu’on croit (spéciale dédicace à mes coreligionnaires St Nitz et lunel).
Ce que je veux entendre par là, c’est qu’il faut déplacer ce débat de la morale utilitaire, bigote et ultra libérale (uniquement dans le champ économique, fort malheureusement) du moment vers un terreau plus propice à l’éclosion (Verbiage, verbiage, mes métaphores horticoles et mes hyperboles agricoles ! ? !) de nos libertés spécifiques. Ca peut passer pas des choses très simples :
- refuser par exemple d’utiliser la pathétique expression « t’as fumé la moquette ou quoi ? ! ? » pour qualifier une connerie, une bourde ou une incohérence logique ou plus compliquées et par d'autres plus compliquées :
- ne pas hésiter à se griller (votre couverture est de toutes façons bouffée aux mites) quand la famille fait les gros yeux au petit neveu attrapé en possession d'un "zedou".
Mais je m’égare… L’idée, ce serait donc de déjouer la tyrannique loi morale énoncée plus haut. Car effectivement, il va être difficile de prouver que notre champion est une substance totalement neutre qui nettoie les poumons en rallongeant la vie.
Retour à la sensibilité par une petite question : combien de fois, un interlocuteur (sur ce forum par exemple) pour qui vous aviez une indicible « sympathie » (de « ressentir avec ») vous a-t-il fait évoluer sur vos certitudes morales, élargissant par là votre vision de « l’admissible » ?
Là est pour moi le cœur de la solution. Il faut que cette communauté (le terme est impropre, c’est une collection d’individus divers) de fumeurs déroute et séduise pour qu’on brûle l’image d’Epinal qui lui colle à la peau.
Petit crochet par « l’information » sur le mode bergsonien : la concernant, ce n’est pas un changement d’intensité qu’il nous faut donc (plus ou moins), c’est un changement de nature.
Que le monde réalise que les fumeurs que nous sommes, sont aussi complexes et divers que le groupe des amateurs de fruits rouges. Que le cannabis n’est pas une réponse pathologique à un problème existentiel, qu’il permet des envolées et des vertiges tout à fait conciliables avec une vie sociale et intellectuelle riche et solaire.
Qu’on comprenne que l’herbe peut être le compagnon heureux d’une vie réussie. Que l’herbe en arrive à s’extraire de son bourbier moral pour retrouver cette sagesse antique qui considérait le vin comme moralement « neutre ».
Il faut donc que dans notre groupe se distinguent (en passant par une franchise problématique) des individus dont les qualités pourraient faire réfléchir la masse bêlante des prohibitionnistes patentés. Faire réfléchir par le sensible, en somme, tout miser sur l’argument personnel dont je parlais précédemment. Faire en sorte d’habiller sa vie d’une esthétique cannabique flamboyante (hihihi, on croirait un « furieux » du 18ème).
C'est là que les créatifs, les écrivains, les poètes, les philosophes, les scientifiques, les acteurs, les "médiatisés" de notre caste (bien basse si j'en crois le législateur) ont un formidable travail de "sensibilisation" et de "séduction" à réaliser (dans cette idée d'un 'outing' constructif, je suis soronien convaincu).
Idem pour la « provocation », j’ai choisi de parier sur la sympathie, la sensibilité et la séduction, ce n’est certainement pas pour me passer de cet émissaire pétaradant. Anecdote personnelle : c’est en voyant les provocations de mon avatar (Jacob Miller lors du love peace concert) que je fus comme frappé de sympathie pour le bonhomme et sa clique de musiciens obèses : il avait subtilisé une casquette de flic, un gigantesque pétard dans la bouche et se tortillait en short sur des impros bien senties du genre « Give the government his hat ! ! ! ».
On me refuserait donc ce déclencheur d’enthousiasme cannabique ?!?