Je crois que ton raisonnement tiens la route, mais il y a néanmoins un petit détail qui fausse un petit peu la donne.
Je pense que notre plante chérie est loin d'avoir atteint la normalisation généralisée, que l'alcool ou les médocs "durs" ont acquis depuis belle lurette. Je crois que la vision globale s'est effectivement adoucie dans la conscience collective, mais n'a pas totalement été épurée de ses aspects négatifs.
Nous sommes heureusement bien loin du "la marijuana vous poussera au meurtre" de l'entre-deux guerres aux Etats-Unis ("Grass", documentaire extrêmement bien foutu), ou du pas si lointain que ça "La marijuana vous mènera inévitablement aux drogues dures" qui était encore acquise il n'y a que quelques années. Mais nous ne sommes pas encore au stade où la phrase "qui roule un petit pétard pour aider à digérer ce bon repas?" peut être lâchée à n'importe quelle occasion... Lorsque tu dis "il n’est plus si dramatique qu’un adolescent fume quelques joints avec ses potes", je crois qu'il faut particulièrement insister sur le "si", peut-être le terme le plus important de cette phrase...
Ainsi, je crois que l'opinion qu'un non-fumeur se fait toujours à propos d'un fumeur n'a pas changé: "Ah, il fume... il doit avoir un problème, être mal dans sa peau, en définitive s'il fume c'est qu'il essaye de nous dire quelque chose, il nous appelle à l'aide...". C'est ce qu'ont dit mes parents lorsque je leur ai avoué fumer depuis trois ans cette plante. J'ai eu le "cran" de leur avouer ça à 20 ans, j'en ai presque 24 (et je tiens bon aussi). Et ça a été la base d'un travail écrit dans le cadre d'un cours intitulé "sociologie de la santé", une sorte de sociologie de la médecine.
Cet amalgame entre "fumer" et "appeler à l'aide" est typique d'une vision du canna en tant que drogue. C'est là où le bas blesse: tant qu'on persistera, enfin que les pouvoirs publiques persisteront à accoller ce qualificatif hypocrite au chanvre, l'opinion commune ne changera pas, ne pourra pas changer. Je ne me mets absolument pas en position du sage à la science infuse, c'est néanmoins mon opinion.
Et de là découle tout à fait logiquement la stupéfaction de certains lorsqu'ils apprennent qu'un de leurs amis fument toujours, l'adolescence passée: le problème n'a pas été résolu, l'appel à l'aide a été sans réponse, c'est simple comme bonjour.
Le canna est une drogue, il est normal que lors de la crise d'adolescence l'individu y porte une attention particulière du fait de sa recherche d'identité et du caractère interdit de cette substance, une fois l'adolescence passée l'identité "doit" avoir été trouvée, le cannabis abandonné... Sinon, c'est que ce type doit avoir un sérieux problème. C'est comme ça que j'interprète l'ambiance générale actuelle. Et je ne trouve donc pas cela étonnant outre mesure: même si cela me dérange, je ne peux rien y faire, je n'ai pas assez de pouvoir sur la conscience collective...
Les choses seront peut-être différentes lorsque l'idée qu'on puisse déguster un bon cru bien roulé tout comme l'on déguste un bon ballon de Château Lafitte 1974 sera acquise.
(5 éditions de message... je finirai par y arriver!
)