Libération : La surtaxe du vin reste en carafe
La surtaxe du vin reste en carafe
Envisagée pour combler le trou de la Sécu, la mesure est abandonnée.
Par Didier HASSOUX et Hervé NATHAN
mardi 09 septembre 2003
A peine évoquée, déjà remballée. L'idée de taxer les vins pour boucher le
trou de la Sécurité sociale, n'a pas passé le week-end. Matignon a arbitré
sans délai : la hausse des rouges, blancs, rosés et autres gris hexagonaux
n'aura pas lieu. Pas pour le millésime 2004, en tout cas. Du coup, plus
personne ne la revendique. Chez Francis Mer on précise que, «puisqu'il
s'agit d'une idée de santé publique», il faut chercher ailleurs. Sous
entendu, à la Santé. Chez Jean-François Mattei, accablé par la gestion de la
canicule, on n'ose plus rien dire.
Droits quadruplés. La mesure envisagée consistait à quadrupler les droits
d'accises (droits de circulation) pesant actuellement sur le vin. Ils
seraient portés de 3,4 euros par hectolitre à environ 14 euros. La recette
ainsi engrangée aurait avoisiné les 800 millions. Mais l'idée, à peine
émise, a fait plouf, les professionnels de la vigne et du vin faisant savoir
leur «totale hostilité».
Ce sont les députés UDF qui ont débouché les premiers. Dès jeudi, Charles de
Courson, élu de la Marne et du champagne, prend sa plus belle plume pour
faire part à Jean-Pierre Raffarin des «risques» d'une telle surtaxation. Son
collègue et ami de Bourgogne, François Sauvadet, porte-parole de l'UDF et
expert en Côtes de Nuits, ajoute qu'«après le gel, après la canicule, une
telle mesure serait catastrophique».
Les députés du Bordelais n'en pensent pas moins. Jean-Paul Garraud, élu UMP
d'une «circonscription aux appellations prestigieuses», a alerté Matignon,
Bercy et le ministère de l'Agriculture. «Une telle décision aurait un impact
désastreux sur le monde vitivinicole», pronostique-t-il dans sa lettre . Et
il ajoute, comme ultime argument : «Le vin n'est pas un alcool comme les
autres.» Comme lui, Jean-François Régère, son voisin, député et agriculteur
UMP du Médoc, a été averti «par la profession». Il a «réagi immédiatement»
pour avertir de «la crise que traverse la profession».
Rassurés. L'un comme l'autre ont été très vite rassurés par Matignon : «Le
Premier ministre va comprendre nos difficultés», affirment-ils en choeur. Au
cas où leurs craintes ne seraient pas entendues, Alain Juppé, lui-même, a
payé de sa bouteille. «Mais augmenter cette taxe au moment où l'on parle
d'ailleurs de la baisse des impôts, a estimé le maire de Bordeaux, je pense
que cela n'est pas du tout opportun.» Au cas où Bercy n'aurait toujours pas
compris, les députés UMP membres du «groupe d'étude viticulture» devraient
se fendre d'une lettre à Raffarin.
Selon Nadine Morano, députée de Meurthe-et-Moselle, «on ne peut pas mettre
en danger une profession, même pour combler le trou de la Sécu». Pourtant,
c'est bien ce trou qui inquiète Bercy, ou l'on s'agace de voir toutes les
solutions récusées tour à tour : «Il faudra bien trouver quelques
milliards.» Le déficit de la Sécu devrait, cette année, dépasser les 10
milliards d'euros.
©Libération (voir la licence)
Notre politique de protection des données personnelles
et la charte d'édition électronique.