Rejet de la dépénalisation du cannabis
12 mars 2008 - ELISABETH HAAS
DROGUELong débat hier au Conseil des Etats sur l'initiative populaire qui veut dépénaliser le cannabis. Verdict: l'initiative va trop loin pour 18 sénateurs alors que 16 y sont favorables.
Le Conseil des Etats est resté plus libéral que le National en matière de dépénalisation du cannabis. Il n'a dit non que du bout des lèvres hier à l'initiative populaire «Pour une politique raisonnable en matière de chanvre protégeant efficacement la jeunesse». Après un débat nourri de près de deux heures, 18 sénateurs contre 16 ont finalement rejeté l'initiative. La courte majorité exprimée à la Chambre des cantons tranche toutefois avec la netteté avec laquelle la Chambre du peuple a rejeté l'initiative le 10 décembre dernier (106 voix contre 70).
Jusqu'en 2004, le Conseil des Etats s'est montré ouvert à la dépénalisation du cannabis: il a avait suivi le gouvernement dans la révision de la loi sur les stupéfiants, alors que le National la balayait définitivement. Entre-temps, il s'est rallié de justesse à la majorité de la Chambre du peuple.
Mais le lancement de l'initiative populaire favorable à la dépénalisation du cannabis n'a pas vraiment fait évoluer les fronts.
Ce sont majoritairement les socialistes, les Verts et les radicaux qui restent favorables à une politique libérale. Des sénateurs bourgeois opposés à l'initiative ont regretté l'absence de contre-projet. Certains auraient souhaité une dépénalisation pour les adultes.
Hier la Chambre des cantons a donc voté sur l'initiative sans contre-projet. Parmi les voix favorables, celle de Bruno Frick (PDC/SZ), qui prend le contre-pied de son parti. La répression policière coûte cher et s'avère inefficace, elle n'a jamais empêché personne de consommer, note le sénateur. «L'interdiction offre les conditions idéales au maintien d'un marché noir et de réseaux mafieux.»
«Tant que la consommation se fait dans l'ombre, il est difficile pour les parents, les écoles, les assistants sociaux de savoir comment réagir et aider les jeunes», estime pour sa part Anita Fetz. La sénatrice demande des mesures constructives et un marché clairement réglementé, par exemple avec des limites d'âge - comme l'Etat le fait déjà avec l'alcool et le tabac - ou de taux de THC (la substance active du chanvre).
Meilleure prévention
Ces arguments n'ont pas fait le poids face à ceux des opposants. Selon eux, il n'est pas pertinent de réglementer la consommation du cannabis indépendamment des autres drogues, vu la tendance des consommateurs à mélanger les substances, a rappelé Urs Schwaller (PDC/FR), président de la Commission de santé publique des Etats. De plus, c'est sur le plan de la loi que doit être ancrée une réglementation et non pas dans la Constitution.
Toutefois les sénateurs s'accordent sur un point, résumé par Felix Gutzwiller: «La politique actuelle n'est pas acceptable. Il faut une politique cohérente sur les substances à risques.» Dick Marty demande une «vraie politique de prévention».
Sachant que les chances de l'initiative seront minimes dans les urnes, Pascal Couchepin, chef du Département fédéral de l'intérieur, rappelle que la balle est désormais dans le camp du Conseil national. Avec le préavis du Conseil des Etats, la procédure parlementaire sur l'initiative «Pour une politique raisonnable en matière de chanvre protégeant efficacement la jeunesse» est donc bouclée.
A la prochaine étape, ce sera au peuple de trancher.
source : http://www.lenouvelliste.ch/fr/news/sui ... s_10-71475