Bons plants
Par Edouard LAUNET
L'épuisant mois de mai est de retour, et avec lui les innombrables tâches du printemps. Il est temps de refermer livres et journaux pour aller mettre de l'ordre dans la cabane à outils. Mille bourgeons vous espèrent, mille pousses attendent votre amour et vos soins ! Puis vous partirez visiter le Chelsea Flower Show (du 22 au 26 mai) qui, comme chacun sait, se tient chaque année depuis 84 ans sur les pelouses du Royal Hospital, à un jet de caillou de la gare Victoria. L'an dernier, la reine y a été aperçue en manteau violet et fichu de soie assorti (sur sa tête, car il pleuvait). On y a vu la duchesse de Cornouailles enveloppée de noir, plus quelques petits princes. Cette fois-ci, nous croiserons probablement Iggy Pop, puisque sa chanson Lust for Life a donné à la Children's Society le thème de son jardin de l'année, planté de couleurs vives et de «bulles de pensée» . La chanson commence ainsi : «Here comes Johnny Yen again/With the liquor and drugs/And the flesh machine» .
On change à peine de sujet en notant qu'au rayon Jardinage de nos librairies, le cannabis croît merveilleusement. J'attends une récolte (Ed. Trouble-Fête), de l'immarcescible Jean-Pierre Galland, continue sa belle carrière de classique dans une édition revue et augmentée, car les techniques ne cessent de progresser. Cependant Jean-Pierre vous supplie d'oublier un peu la culture hors sol et ses ampoules gloutonnes, pour opérer un vrai et beau retour à la terre. Don Irving est sur la même longueur d'ondes dans son Du cannabis dans mon jardin (Ed. du Lézard), qui ne se vend pas mal non plus. Cet «écologiquement correct» mérite d'être encouragé.
Le Chelsea Flower Show n'est pas une de ces vulgaires foires au jardinage comme il en dégouline tant sur les parkings des grandes surfaces. Le jardin est ici un voyage vers l'infini ; la fleur, un pays envoûtant ; le bulbe, une aventure cérébrale. La grande nouveauté 2007, c'est la création d'une section «Jardins de toit». Vous avez au-dessus de chez vous une terrasse dont vous ne savez que faire. Eh bien, de ces 100 ou 200 mètres carrés qui vous encombrent, Anthony Samuelson vous propose de faire, par exemple, un Roof Garden with Found Objects , petites plantations à la diable organisées autour d'objets trouvés dans la rue. Anthony parle de projet «duchampien» : n'est-ce pas délicieux ?
Evidemment, si l'on cultive du chanvre indien, c'est pour faire beau, pas pour s'encrasser les bronches. Le plant de Cannabis sativa est élancé, avec des feuilles claires et fines. Celui de Cannabis indica est de taille plus modeste, avec des feuilles assez larges. Arrosez, mais pas trop. Un qui a eu le nez creux, c'est Olivier Filippi, qui vient de publier le judicieux Pour un jardin sans arrosage (Actes Sud). Ça se vendra bien dans les pays secs, et jusqu'en Normandie au train où va la planète. Peut-être n'est-il pas inutile de rappeler qu'en mai, il faut bien aérer les serres et se méfier des gelées tardives.
source : http://www.liberation.fr/culture/livre/251381.FR.php