Pubdate: 26/10/06
Source: Le Nouvel Observateur
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Dépendance physique ou psychologique ?
La plante qui fait planer
Quels sont les effets du cannabis sur la santé ?
Quelle substance agit sur le cerveau ? Faut-il
craindre les produits « coupés » ? Des produits
frelatés circulent sur le marché
Dangereux le cannabis ? Mortel même si l'on en
croit la campagne de la Sécurité routière de cet
été. Sur la route, le cannabis tue : 220 morts
par an. Pour la plupart, des jeunes de moins de
25 ans. Selon une enquête réalisée entre 2001 et
2003 (1), fumer du hasch multiplie par presque 2
(1,8 exactement) le risque d'accident mortel.
Voilà pour les dangers de la conduite en état
d'ivresse cannabique. Indiscutables. Mais quels
autres effets la petite plante verte a-t-elle sur
la santé ? Sur le plan physique d'abord. Le
cannabis ne provoquerait pas de dépendance
immédiate, à la différence de l'alcool, du tabac
et des opiacées (héroïne, cocaïne, crack...).
Avec l'héroïne, quelques prises suffisent à
enchaîner le consommateur. Rien de tel avec le
cannabis. A la différence du tabac, il n'engage
pas non plus forcément pour des décennies,
beaucoup de fumeurs arrêtent autour de 25 à 30
ans. Le cannabis, enfin, n'entraîne pas de
dysfonctionnements physiques spectaculaires
(amaigrissement, par exemple) comme d'autres
toxicomanies. En revanche, le principe actif
présent dans la plante, le THC, qui fait planer,
autrement dit qui amoindrit les capacités
neuropsychiques (notamment raisonnement et
mémoire), pourrait être nocif pour le foie. Et
pour les poumons ? Au printemps dernier, « 60
Millions de consommateurs » a faitfumer des
joints à une machine. Résultat : sept fois plus
de goudron et de monoxyde de carbone qu'une
cigarette normale. Et conclusion de « 60 Millions
» : trois joints sont aussi dangereux pour la
santé que tout un paquet de cigarettes. Mais
jusqu'à présent aucune étude scientifique n'a
trouvé de lien entre cannabis et cancer du
poumon. C'est le tabac, mélangé au shit dans les
joints, qui peut faire des dégâts sur l'appareil
respiratoire.
Sur le plan psychologique, en revanche, les
effets du cannabis , consommé régulièrement, sont
avérés. Le haschisch fumé à forte dose altère les
capacités de concentration. Il active aussi la
libération de dopamine dans le cerveau, dans les
zones où se situent les sensations de plaisir.
Des sensations que le fumeur très dépendant va
chercher à renouveler sans cesse. Jusqu'à ne plus
penser qu'au moment où il allumera son prochain
joint. Les spécialistes parlent de « cannabisme
», c'est-à-dire d'un usage dur du cannabis . Ils
expliquent aussi que cette addiction est moins
liée à la quantité ou à l'ancienneté de la
consommation qu'à la personnalité du fumeur, à
son histoire, aux événements qu'il traverse.
Voilà pourquoi le vieux clivage drogue
dure-drogue douce n'est pas pertinent. Comme pour
le tabac ou l'alcool tout dépend de l'usage. Tout
dépend aussi de l'âge, comme le souligne le
docteur Alain Morel, secrétaire général de la
Fédération française d'Addictologie. Entre 13 et
16 ans, explique-t-il, le cerveau se réorganise,
met en place de nouvelles connexions. Et trop de
cannabis à cette période perturbe le
développement de l'adolescent et l'handicape dans
la recherche de son équilibre psychique. Sans
compter le risque de tomber un jour sur un
produit trop fortement dosé qui conduit tout
droit à un «bad trip». En clair, une crise
d'angoisse ou un délire passager qui peut mettre
en danger la santé mentale. C'est rare : ces
produits fortement dosés, genre herbe
hollandaise, arrivent sur le marché par des
circuits très compliqués qui ne sont généralement
pas accessibles - assurent les spécialistes - à
celui qui fume un premier joint, pour voir...
Reste enfin cette rumeur selon laquelle le
cannabis pourrait conduire à la schizophrénie.
Une controverse très actuelle qu'Alain Morel
résume en quelques mots : «Les scientifiques sont
d'accord en gros pour dire qu'une consommation
importante, répétée, quotidienne est un facteur
déclenchant de troubles psychiques parmi lesquels
on peut trouver la schizophrénie. Mais le
cannabis seul ne crée pas la maladie, il la
révèle juste. Et c'est déjà suffisamment
sérieux...»
(1) « Stupéfiants et accidents mortels de la
circulation routière » (SAM) réalisée sur près de
11 000 conducteurs impliqués dans des accidents
mortels.