Ah, c'est vrai, ça devient vraiment intéressant, comme disaient kriiizzz et ded. Merci, Aligator, d'avoir pris le temps de me répondre de façon posée, ça me permet de voir qu'on n'est pas si pas d'accord que ça et ça permet au débat de se poursuivre.
aligator427 a écrit:L'économie de marché, je m'en accomode. Mais je n'accepte pas que ce soit la ligne directrice de la constitution européenne.
[...]
Tu vas me répondre que là-bas aussi, il y a des bénéficiaires, que c'est justement le principe de l'économie de marché, un échange "gagnant - gagnant" et que l'homme n'a rien inventé de mieux depuis le troc. C'est du baratin ! L'humanité a connu des périodes de prospérité et d'échanges intenses alors que les entraves au commerce étaient bien plus grandes qu'aujourd'hui.
Je pourrais te répondre quelque chose de cet ordre, oui, et tu sais sans doute toi-même que c'est un point de vue qui mérite mieux que d'être évacué dans un mouvement d'humeur au titre de "baratin" (
point d'exclamation compris). Mais c'est curieux, nous analysons les choses pas mal de la même façon, mais n'avons pas le même regard dessus. De mon point de vue, le principal moteur de la mondialisation commerciale, c'est le besoin de rééquilibrage des niveaux de vie sur la planète. La mondialisation, la diminution des entraves aux échanges, c'est ce qui permet à des flux de circuler qui étaient jusqu'ici bridés. Et lorsque tu as un vase où le niveau (de vie) est très élevé qui communique avec un autre (plus gros) où le niveau est nettement moins élevé, dans quel sens ces flux vont-ils circuler ? Le pouvoir d'achat est prioritairement en Occident et la force de travail dans les pays émergents. Toi, tu as l'air de voir ça comme une sorte de "viol" des pays émergents par l'occident, moi je vois ça comme la seule voie pour rééquilibrer les niveaux de vie. Tu proposes quoi, comme schéma, à la place, pour que ces pays aient une chance, un jour, d'avoir cette "protection sociale" et cette "protection de l'environnement" dont tu dis toi-même qu'ils manquent ?
Bien sûr, pour être honnête, je crois que pour quelques décennies à venir, les termes de l'échange pourraient ne pas être "gagnant-gagnant', malheureusement, mais "gagnant-perdant"... sauf que c'est probablement dans le sens contraire de ce que tu as l'air de croire. Si on souhaite sincèrement un rééquilibrage des niveaux de vie, il faut bien voir quelles en seront les conséquences. Dans un "rééquilibrage", on enlève un peu d'un côté pour en rajouter de l'autre. Et ça a déjà commencé : le processus enlève progressivement du travail par chez nous pour en rajouter du côté des pays émergents. Il faudrait s'y préparer, et pour l'instant la France est un des pays qui s'y prépare le moins et dans lequel ce rééquilibrage de la répartition du travail fait le plus mal.
aligator427 a écrit:Tu me décris un système kafkaien, digne des grandes heures de l'Empire soviétique : et bien ce système existe en Europe, et il fonctionne depuis cinquante ans, il s'appelle la politique agricole commune.
Eh bien nous sommes assez d'accord sur ce point. Et accorde-moi que ce système n'est pour l'essentiel pas libéral. Simplement, tempérons notre critique de la PAC avec une petite mise en perspective historique : quand elle a été conçue, c'était une époque où l'on ne raisonnais pas autant en termes mondiaux et où on se préoccupait plus d'aider l'agriculture européenne et française en particulier. Mais, on le sait, les aides (financières) sont une "drogue dure", dans tous les domaines, et la France est une grosse consommatrice en tous genres. Ca fait des années qu'on a analysé qu'il faudrait progressivement réduire le budget de la PAC et les aides, notamment pour donner de l'air aux pays producteurs émergents sur les marchés mondiaux (
mais aussi pour réorienter les 2/3 du budget européen qu'elle pompe vers des domaines plus utiles aujourd'hui). Mais le corporatisme des aidés freine évidemment des quatre fers et est malheureusement relayé par le gouvernement français avec constance. Tiens, au fait, Daniel, tu as sans doute un point de vue plus direct sur ces questions, puisque tu es exploitant. Comment vois-tu la question de la PAC ?
aligator427 a écrit:Je crois qu'il faut laisser à chaque ensemble économique à peu près homogène (par exemple l'UE) la lattitude de hierarchiser, de choisir les marchandises qu'il souhaite échanger avec les autres blocs.
J'aime bien tout ton développement là-dessus, ça correspond à une réflexion que je me fais également à peu près dans le même sens. Et il me semble que le type de choix dont tu parles a voix au chapitre dans l'enceinte de l'OMC. (
Au passage, j'entends que Pascal Lamy (socialiste) devrait être nommé directeur de l'OMC et que pour lui aussi, la levée des barrières commerciales vise à permettre aux pays du Sud d'accroître leur niveau de richesses) Evidemment, ces choix sont soumis à négociations, et c'est là, bien sûr, que ça se complique. Mais il y a de toute façon lieu, en effet, de débattre au sein de notre "bloc" à nous des choix que nous voulons faire. Dans cette optique, ce serait bien que la "gauche de la gauche" arrête de faire comme si un autre système était possible, néanmoins (
désolé de verser dans le "TINA", petitgris, mais c'est ce que je pense !. Ou nous pondent des charges de cet acabit (Cavanna, cité par Petitgris) :
C’est oublier (ou vouloir oublier, dans un parti pris d’optimisme) que ceux qui nous proposent cette « Constitution » - qui n’est qu’un traité de plus – sont nos ennemis, les puissances financières qui ont fait de nos vies ce qu’elles sont, et qui, de leur côté – faites leur confiance, là – feront tout ce qu’elles peuvent pour que l’Europe soit un instrument docile entre leurs mains, un instrument plus efficace que les choses n’étaient auparavant.À ce degré de paranoïa, d'enfermement dans un récit sinistre peuplés d'ennemis, il n'y a pas grand chose à rétorquer. Tiens, au passage, on peut évoquer les théories de Carl Schmitt, dont on parle pas mal ces derniers temps. Il "démontrait" que la politique n'était possible que si un "ennemi" était clairement identifié. C'est le type de pensée qui a dominé dans la stratégie politique américaine depuis plusieurs décennies ; elle est visiblement à l'oeuvre aussi à l'extrême-gauche. Et elle est à dépasser d'urgence. J'ose espérer que la politique du XXIe siècle, c'est celle qui ne se structurera plus autour d'une figure du mal.
aligator427 a écrit:Or ce scénario est incompatible avec le TCE. Il est même en complète opposition, voir à ce sujet l'article III-314.
Je crois qu'on en fait nettement trop sur le thème du
"gravé dans le marbre". Ce traité n'est pas promu par
"nos ennemis, les puissances financières", il est conçu pour nous servir, nous, européens. Si de nouvelles idées, comme celles que tu évoques, s'imposent, le traité sera amendé. Là où je suis assez d'accord avec Cavanna, c'est qu'au final,
c'est une question de confiance. Bien sûr, c'est subjectif, mais la défiance ne l'est-elle pas aussi ? Et à quoi mène-t-elle ?
Ded et Petitgris, je ne vous réponds pas directement, sorry, mais j'ai déjà fait long et mes vues par rapport à ce que vous avez écrit se lisent sans doute en partie dans la réponse que je viens de faire à Aligator. Si j'ai le temps j'essayerai de vous faire une autre réponse. A+.