par Anonymous » 14 Mai 2005, 11:37
La Constitution ouvre-t-elle la voie à une véritable défense européenne?
PARIS (AP) - Avec 19 Etats membres de l'OTAN, quatre pays neutres et deux pays non membres de l'Alliance, la défense est un sujet épineux pour l'Union. De fait, si la Constitution entrouvre timidement la porte à une future défense européenne commune, elle consacre surtout la prédominance de l'OTAN.
Dans son article I-41, le traité constitutionnel affirme que l'objectif est bien la constitution à terme d'une "défense commune", mais, ajoute-t-il prudemment, seulement quand le Conseil européen "en aura décidé ainsi" à l'unanimité, ce qui risque d'être long.
Pour la première fois, la Constitution instaure toutefois une "clause de sauvegarde", qui fait officiellement des 25 des alliés militaires. Ainsi, si l'un d'eux est agressé militairement sur son territoire, les 24 autres lui "doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir".
Reste que la mesure est largement symbolique, 19 des 25 ayant déjà de telles obligations les uns par rapport aux autres dans le cadre de l'OTAN. L'article 51 de la Charte des Nations unies prévoit également une telle obligation entre tous ses pays membres.
Surtout, la Constitution reconnaît parallèlement que l'OTAN "reste, pour les Etats qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l'instance de sa mise en oeuvre". Cette référence au traité de l'Atlantique nord existe en fait depuis le traité de Maastricht, qui avait posé les bases de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).
Quant aux Etats neutres (Autriche, Finlande, Irlande, Suède), ils pourront le rester, le traité prévoyant que la clause de sauvegarde "n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres".
Le traité constitutionnel prend donc acte du peu d'empressement de la plupart des 25 à créer une défense européenne autonome. Alors que la France et le Royaume-Uni ont relancé ce chantier à Saint-Malo en 1998, la plupart des Etats-membres préfèrent rester sous le parapluie américain que leur offre l'OTAN depuis l'après-guerre, soit par atlantisme soit par manque d'enthousiasme à l'idée d'augmenter leur budget militaire.
Dans ce contexte, la Constitution a moins l'ambition de créer une armée européenne que de faciliter la mise en commun des forces des Etats membres les plus motivés pour mener des opérations militaires dans un cadre intergouvernemental: c'est la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD).
La Constitution prévoit donc la possibilité pour l'UE d'avoir recours aux moyens civils et militaires mis à disposition par ses membres, pour des missions "en dehors de l'Union": pour des opérations de maintien de la paix ou de prévention des conflits par exemple. Toute décision d'engagement dans ce cadre devra être prise à l'unanimité par le Conseil européen. Un seul pays pourra donc y mettre son veto. Ainsi, si la Constitution avait été en vigueur à ce moment-là, la France n'aurait pas pu se voir imposer l'envoi en Irak de soldats arborant les drapeaux français ou européen.
La Constitution prévoit tout de même quelques avancées en terme de défense. Elle crée notamment une clause de solidarité antiterroriste (article III-329). Le traité consacre aussi l'existence de l'Agence européenne de défense, chargée de mettre en place une réelle politique européenne de l'armement. Les Etats "s'engagent" par ailleurs "à améliorer progressivement leurs capacités" en matière d'armement.
La Constitution européenne donne aussi la possibilité de former une "coopération renforcée" propre à la défense (articles I-41 et III-312). Celle-ci sera ouverte aux Etats qui le souhaitent et qui s'engageront à participer aux principaux programmes européens d'équipement militaire, ainsi qu'à fournir des unités de combat immédiatement disponibles.
Ces "coopérations structurées" permettront aux Etats "particulièrement motivés" de se regrouper "pour aller plus loin et plus vite dans la construction d'une Europe de la défense", comme le résumait récemment le président Jacques Chirac. Dans ce contexte, la construction d'une défense européenne autonome risque donc de rester encore pour longtemps l'affaire de quelques-uns. AP
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