Attablé devant un Coca-Cola, il raconte donc avec
délectation une rencontre du Circ, qui milite
pour la légalisation du cannabis : «J'y ai été
mieux reçu que le mec du MJS, qui a servi un
discours hygiéniste», se félicite Fillias.
Pubdate: 20/02/07
Source: Liberation
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Portraits
Edouard Fillias, 27 ans, consultant Internet,
candidat à la présidentielle. De l'économie aux
moeurs en passant par le téléchargement musical,
il préconise le libéralisme tous azimuts.
En roue libre
Ni ségo ni sarko 2/5 Toutes les semaines, rencontre avec un «autre» candidat
Par Charlotte ROTMAN
QUOTIDIEN : mardi 20 février 2007
C'est le benjamin dans la course. Drôle
d'olibrius, qui veut à la fois supprimer l'ISF,
légaliser le pétard, mettre fin au monopole de la
Sécurité sociale, permettre l'adoption par des
homos, abolir les 35 heures, octroyer le droit de
vote aux étrangers... Edouard Fillias est un
libéral new look. Et tous azimuts. Du haut de ses
27 ans, le bébé Cadum de la présidentielle
endosse avec joie l'identité honnie du
libéralisme qu'aujourd'hui tout le monde fustige,
de Bové à Royal en passant par Chirac.
Edouard prend ses aises dans un café parisien du
XVe. Il y vient suffisamment pour avoir convaincu
le patron qu'il a un grand avenir. Air juvénile,
coupe sage, costume bleu (mais sans cravate), il
propose classiquement d'abroger les privilèges
associés à la fonction publique et déclare
calmement que l' «avortement de la directive
Bolkestein est une catastrophe pour nos
libertés». Il n'insiste pas trop sur la
fiscalité. On s'étonne : on ne paye pas trop
d'impôts en France ? Si, assure Fillias. Mais il
s'empresse de vanter la liberté de circuler sans
barrières ou de télécharger la musique de son
choix. Il évoque le procès de Charlie
Hebdo, l'interdiction de fumer dans les lieux
publics, l'IVG au Portugal. Avec la même logique,
la même assurance bonhomme. Genre : il n'y a pas
que le CAC dans ma vie. Pour l'instant, il a 350
promesses de signatures, venues surtout de maires
agriculteurs, chefs d'entreprise ou de profession
libérale.
Edouard Fillias est résolument européen. Il croit
aux vertus de la concurrence, y compris pour
assurer une «justice sociale». C'est pour cette
raison qu'il a rendu sa carte de la Sécu en
décembre, par courrier (type: «Je suis venu te
dire que je m'en vais.» ). «Un acte de résistance
civile», explique-t-il : lui-même assuré par des
Anglais, il propose que les Français puissent
choisir leur assurance maladie.
Il parle avec éloquence, articule bien, répond
vite. Il attend l'étonnement. Il a encore cette
naïveté de croire qu'il le suscite. «Plus la
question est retorse, meilleur il est», rapporte
un ami, persuadé qu' «il finira très haut
placé». On sent son envie de désarçonner ses
interlocuteurs. Mais on n'imagine pas que cela
puisse mal se terminer. Un léger embonpoint
trahit le bon vivant, très calme, tout en
rondeurs et sourires. On a l'impression qu'il est
impossible de s'engueuler avec lui. A la longue,
ça doit être crispant. Attablé devant un
Coca-Cola, il raconte donc avec délectation une
rencontre du Circ, qui milite pour la
légalisation du cannabis : «J'y ai été mieux reçu
que le mec du MJS, qui a servi un discours
hygiéniste», se félicite Fillias. A sa kermesse à
lui, il y avait sans doute moins de pétards et
plus de costards. C'était au Bataclan, à Paris,
dimanche 4 février, avec en invités Alain Madelin
et Marielle de Sarnez, bras droit de Bayrou.
Fillias revendique un public de 1 300 personnes.
«Mais il n'y avait pas que des têtes blanches,
plein de jeunes aussi», insiste le président
d'Alternative libérale.
C'est à eux qu'Edouard Fillias s'adresse. Il a
rédigé un manifeste bouillonnant qui s'affirme le
«cri d'une nouvelle génération», celle «née après
1968, bâillonnée dans cette société
vieillissante» pour qui la «France est un énorme
étouffoir...». Son équipe de campagne, visible
sur le site du parti, a elle aussi la trentaine.
«Je n'ai pas brûlé de voitures : j'étais trop
occupé [..]à me gaver de mangas-Dorothée, de jeux
Nintendo et de Starsky et Hutch », écrit-il dans
son livre, comme pour emporter l'adhésion de ceux
qui ont connu les mêmes programmes télé. Il a eu
son bac dans un lycée public du XVe
arrondissement de Paris, ce qui lui suffit à dire
qu'il a «connu la mixité». Il a eu ses premiers
émois «dans la moyenne nationale», et se dit «pas
riche», «pas pauvre». Il gagne plus de 3 000
euros par mois comme consultant Internet. C'est
tout de même deux fois plus que le Smic
revalorisé proposé par Ségolène Royal. Mais
voilà, Edouard refuse de vivre tranquillement
dans une «France en cale sèche». Trop d'Etat,
trop d'archaïsmes... Il croit qu'il est celui qui
fera tout exploser alors que les libéraux
réformateurs aguerris ont fait le choix, eux,
d'intégrer l'UMP.
Sa famille est originaire d'Espagne. Son
arrière-grand-père s'y installa, dans les mines
de cuivre du Sud. C'était un «bâtard», fils d'une
bonne et d'un inconnu qui paya en secret ses
études d'ingénieur. Edouard passe en Espagne des
étés à jouer au baby-foot et à manger des
sardines avec de nombreux cousins et sa soeur,
devenue prof de lettres. Son père, un «grand
libéral, très tolérant», cadre dans l'industrie
pharmaceutique, lui fait lire The Economist à 16
ans. A table, ils débattent de tout. De la
banane, par exemple. Le fruit des Antilles
accélère sa conversion au libéralisme.
Adolescent, Edouard vénère de Gaulle. Il connaît
par coeur certains passages de ses Mémoires. Face
à son père, il défend le maintien des subventions
à la banane française contre l'américaine,
standardisée. Apres discussions. Finalement, son
père le convainc que le «protectionnisme nuit au
développement de nouvelles initiatives et au
changement». Et voilà comment il troque de Gaulle
contre Thatcher.
«Etre libéral dans sa vie», comme le dit Fillias,
ça veut dire quoi ? «C'est avoir une vie où il
n'y a pas de prédestination», répond celui qui a
poursuivi les mêmes études que son père. Edouard
Fillias a fait Sciences-Po. Etudiant, il milite à
l'UNI, un syndicat de droite qu'il quitte à cause
du Pacs («J'étais choqué par l'idée rabâchée par
la droite qu'un couple est forcément un homme et
une femme.») A l'époque, il se bat aussi contre
la convention ZEP, qui facilite l'accès à
Sciences-Po à des élèves de quartiers
défavorisés. Aujourd'hui, il en retrouve certains
dans ses cours sur les «techniques de
communication dans les nouveaux médias» qu'il
donne dans le prestigieux établissement.
En 2002, au premier tour, il vote Madelin mais
aurait pu «choisir Chevènement», (c'est peut-être
son côté «poil à gratter», que souligne un ami
d'enfance). Cette année, il aurait aimé une
candidature DSK ou Kouchner. Trouve que Sarkozy
est un «conservateur». Les blocages, il les voit
partout, tout le temps. Le permis de conduire,
par exemple. Il obtient d'abord le sien au
Colorado, où il vend des sacs de couchage pendant
un an : pas besoin de formulaire, seulement sept
heures de conduite... «C'était comme si tout le
pays me disait : "On te fait confiance."» A son
retour, il doit passer le permis français : cela
lui prend dix-huit mois, il rate deux fois le
code, trois fois la conduite. Moralité : «C'est
la différence entre une société libre et
responsable et la nôtre où la bureaucratie nous
ronge sous couvert de sécurité.»
En 2003, au moment de la réforme Fillon sur les
retraites, il organise avec son précédent
mouvement Liberté chérie une manifestation
antigrève. Des dizaines de milliers de personnes
descendent dans la rue. A sa grande surprise.
L'égérie du mouvement, une belle brune que des
journaux anglais rebaptisent alors la «nouvelle
Jeanne d'Arc», est devenue sa femme en septembre
dernier. Marié, il ne porte pas d'alliance. Ils
vivent dans 60 m2 dans le XVe. Sabine Herold est
porte-parole d'Alternative libérale. En plagiant
les alter, Edouard dit qu'un «nouveau monde est
possible... Mais pas celui de José Bové». Avec le
sourire, ça va de soi.
Edouard Fillias en 7 dates 21 avril 1979
Naissance à Paris. 1999 Entre à Sciences-Po. 2002
Entre à HEC. Juin 2003 Grande manifestation
antigrève. Mars 2006 Fondation du parti
Alternative libérale. Septembre 2006 Mariage.
2007 Le Manifeste des alter-libéraux (Michalon).
http://www.liberation.fr/transversales/ ... 095.FR.php
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Raph