Il me semblait que la récolte avait lieu fin juillet?
Cannabis: Ces plantations qui narguent les autorités!
http://www.leconomiste.com/article.html?a=64389Edition électronique du 21/7/2005
Un repotage [sic !] d'Ali ABJIOU
· La superficie des champs ne cesse d'augmenter
· Tout au long des routes nationales
· Mais la sécheresse risque d'affecter la récolte
De grandes plantations s'étendent le long de la route allant de Chaouen
vers Bab Berred. Elles sont visibles à quelques mètres de la route
nationale.
Cette année, la sécheresse risque d'impacter sérieusement la récolte. Comme
on est affecté par la mauvaise campagne céréalière, dans le nord, on est
aussi déçu par la mauvaise performance de la culture du cannabis.
Le cannabis ou "chanvre indien" est une plante qui demande beaucoup d'eau.
Plus elle est irriguée, plus elle est mûre et précoce. Et elle arrive donc
plus tôt sur le marché. Ce qui génère des gains inestimables pour les
trafiquants.
Or cette année, les précipitations ont été assez faibles. D'où un manque
d'eau dans les régions montagneuses du Rif, du côté de Bab Berred. En
principe, c'est une plante que l'on sème et que l'on oublie. Même si le
cannabis est réputé pour sa capacité de résistance et le peu d'attention
qu'il nécessite, nombre d'agriculteurs ont dû cette année passer à
l'irrigation manuelle. Mais comme la plupart des terrains ne sont pas
préparés à la besogne, certains cultivateurs ont redoublé d'efforts et
mobilisé une armée d'irrigateurs. Bidons sur l'épaule, ces derniers
arrosent plante par plante. Cette opération coûteuse en main-d'¦uvre
s'explique par le fait que les agriculteurs veulent que les plantes
mûrissent vite pour commencer la commercialisation le plus tôt possible.
Selon un observateur à Chaouen, plus la plante est précoce, plus elle a des
chances d'être vendue rapidement. "C'est comme les primeurs",
explique-t-il.
D'autre part, avec les récentes opérations de destruction des plants dans
les champs, entreprises par les forces de l'ordre à Larache, les
agriculteurs ont tout intérêt à ramasser leur récolte le plus tôt possible.
Pas toute la récolte certes, mais au moins, celle visible. Cette année,
face à la faiblesse des précipitations, un nouveau phénomène est apparu,
celui de la dissémination des cultures. Pour éviter les effets de la
sécheresse, nombre d'agriculteurs ont préféré transformer le potager de
leur ferme en mini-plantation de cannabis.
Le phénomène est bien visible et un simple passage par la route menant vers
Bni Boufrah permet de réaliser l'ampleur du phénomène.
Certains agriculteurs, plus prévenants, cachent leur récolte en l'entourant
par un épais mur d'épis d'orge. D'autres, audacieux, arrosent leurs plantes
au vu et au su de tout le monde.
Ce mois de juillet correspond à la saison des moissons. Certains champs
sont déjà prêts. La couleur vert pâle renseigne sur la maturité de la
plante. Ayant atteint sa taille finale, soit près de 1,20 mètre à fin juin,
la plante change de couleur en moins de 15 jours. Elle sera prête pour fin
juillet.
Actuellement, le matin de bonne heure, des individus prennent place sur le
bord des routes. Ce sont des rabatteurs. Leur rôle est d'attirer les
acheteurs potentiels. Les cibles privilégiées sont les voitures
immatriculées en Europe. "hash! hash! vous voulez du hash?" lancent-ils aux
passants. Mais il ne faut pas se leurrer. En juillet, ces rabatteurs
n'offrent ni plus ni moins que la récolte de l'année dernière. Celle-ci n'a
plus la même qualité mais reste bien remontée et peut satisfaire "les
amateurs": Ceux à la recherche "des sensations fortes"Š
· "Vous voulez du hash?"
Quelques mètres plus loin, une demi-dizaine d'ouvriers, que l'on reconnaît
à leurs faucilles à la main, s'activent. Ils sont sûrement en route vers un
champ "mûr".
Une fois la récolte terminée, la deuxième opération démarre. La
transformation du cannabis se fait dans des greniers spéciaux. Le produit
final se décline en trois gammesŠ selon la bourse du client. La culture du
cannabis reste une activité illicite mais fortement industrialisée et les
investissements requis assez importants. Les terrains sont la plupart du
temps en jachère, loués à d'autres agriculteurs qui ne veulent ou ne
peuvent pas "se mouiller les mains".
Le montant de la location est variable et peut atteindre dans certains
endroits où le climat est favorable plus de 10.000 DH l'hectare, soit deux
à trois fois ce que peut rapporter une autre culture. "Le comble, rapporte
un agriculteur de la zone, c'est que le contrat de location précise bien
que le locataire n'a pas le droit de procéder à des cultures illégales".
Ensuite, il faut entretenir les champs, s'assurer une bonne aération des
sols, et les irriguer.
Mais en fin de parcours, le gain est important. Et c'est ce qui explique
pourquoi de très nombreux agriculteurs ne sont pas prêts à changer de
métiers de sitôt. Comment laisser tomber cette poule aux ¦ufs d'or?
Les vieux de la région racontent que pendant les années 70, les autorités
avaient voulu introduire une culture alternative. Comme en Colombie, c'est
la culture du café qui a été choisie. Les experts se sont présentés dans la
région de Chaouen et ont fait leurs essais.
Théoriquement, la culture du café était une alternative sérieuse au niveau
financier (avant la chute des prix mondiaux du café). Mais il restait à
vérifier si le climat est favorable. Les autochtones n'ont rien compris à
cette démarche de substitution. Au contraire, ils ont cru qu'on allait les
empêcher de gagner leur vie. Alors, ils ont décidé de réagir. Comment? ils
se sont levés de bonne heure le matin et sont allés arroser d'eau chaude
les jeunes plants de cafés plantés à titre d'essai. Au bout de quelques
jours, les plants de café moururent.
Les experts n'ont pas compris le stratagème. Il en ont conclu que le café
n'était pas adapté à la climatologie locale. Résultat: l'expérience tomba à
l'eau.
Selon un responsable local, le vrai problème reste la communication. Un
brin d'espoir a plané l'année dernière après la publication, pour la
première fois, d'une étude sur la culture du cannabis. Cela n'a pas empêché
les agriculteurs de cultiver et les trafiquants de s'engraisserŠ
Le trafiquant et le gendarme
Bon nombre d'observateurs estiment que la culture du cannabis commence à
affecter sérieusement la structure sociale des régions du nord. Les règles
familiales et l'échelle des valeurs sont en train de changer en raison de
la pratique de cette activité illégale. "Le comble, explique un commerçant
de la ville de Chaouen, est que les petits enfants dans la rue commencent à
jouer non pas au policier et au voleur mais au trafiquant et au gendarme".
Le cas est certes caricatural mais il est révélateur de la profonde
mutation des valeurs dans une société pauvre qui arrive difficilement à
résister à l'argent facile.
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