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Mike, 34 ans, chanteur du groupe Sinsemilia.

MessagePosté: 21 Jan 2013, 04:09
par daniel
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Portraits
Mike, 34 ans, chanteur du groupe Sinsemilia. Il a fédéré sous la bannière «Pas vu à la télé» des groupes français, de rock ou de reggae, dont le public n'est pas cathodique.
Les petits et l'écran
Par Ludovic PERRIN
QUOTIDIEN : mercredi 17 janvier 2007
Depuis qu'il a 7 ans, on l'appelle Mike. Un prénom qui lui va bien. Michaël d'Inca, fils d'un prof de sport et d'une prof d'anglais, né il y a près de trente-cinq ans à Grenoble, était jusque-là connu pour être auteur et chanteur du groupe Sinsemilia. Il sert désormais de porte-voix à la scène musicale, à l'ombre des prime-times. Durant six mois, avec l'aide de Denis Barthe de Noir Désir, il a recensé sur l'Internet un panel de groupes et d'artistes ayant une forte présence sur le terrain mais pratiquement aucune visibilité à la télévision. Soixante-dix ont été invités sur une compilation de quatre CD que Mike vient de sortir sur son label: Pas vu à la télé. On pourra s'étonner d'un classement alphabétique, y voir même un déni artistique, mais le jeune producteur n'a pas trouvé mieux pour présenter cette kyrielle de groupes rock, reggae ou chanson (beaucoup de répétitions), logés, dit-il, à la même enseigne question contrats.
L'idée a germé pendant l'exploitation du dernier Sinsemilia, Debout les yeux ouverts. Groupe alternatif à succès dans la mouvance routarde de Tryo et Matmatah, les onze Grenoblois venaient de décrocher un tube après dix ans d'autoproduction, quatre disques tous au moins certifiés or (100 000 ventes) et des tournées quadrillant la France, de petites salles en Zénith. Surgi de nulle part, Tout le bonheur du monde , qui rappelle le phénomène Tomber la chemise des Toulousains Zebda, fut, d'après la Sacem, la chanson la plus diffusée en 2005 ­ emmenant l'album vers les 380 000 ventes et une tournée couronnée par un Olympia. Et là, surprise du groupe. «Une grande partie du public n'avait jamais entendu parler de nous alors qu'on tourne depuis quinze ans», relate Mike.
C'est un grand gars, revêtant de noir une corpulence de bon vivant. Crâne nu de monsieur Propre, il garde, depuis le haut de la nuque, une longue tresse rasta comme pour rappeler une vigilance d'ado rebelle. Le succès, il l'a apprécié , l'a savouré, sans toutefois péter les plombs. L'underground est une forme de légitimité, quitte à ce que son discours contestataire devienne à son tour un système. En ce moment, c'est la télé du service public qui trinque. «TF1, ils font ce qu'ils veulent de leur fric. France 2, en revanche, j'ai le droit, en tant que citoyen, qu'ils ne me servent pas la même chose que la concurrence ou que ce que j'ai déjà vu le mois précédent.» C'est un marronnier, mais à France Télévisions, on s'étrangle de cette dénonciation d'une programmation musicale concentrée autour d'une poignée d'artistes (Chimène Badi, Pascal Obispo, Yannick Noah...). On évoque en contrepoint les victoires de la musique, le prix Constantin, Taratata, les modules CD'Aujourd'hui (deux minutes diffusées quatre fois par jour), les émissions en régions de Michel Drucker, la comédie musicale le Soldat rose en prime-time : des prises de risque, mais ciblées. «Je préfère savoir à qui je m'adresse plutôt que de devoir arrêter une émission au bout de deux numéros, dit Nicolas Pernikoff, directeur des divertissements sur France 2 . Sinsemilia chez Drucker, ça serait comme Mireille Mathieu sur Skyrock, totalement incohérent.» «Bonne conscience, rétorque Mike, ça fait tellement longtemps qu'on n'a pas essayé.» Problèmes de cibles, d'audience, on se tourne vers le service public radio. Bernard Chérèze, France Inter : «Il reste des artistes vivant très bien sans la télévision. Et qui ne figurent d'ailleurs pas sur la compilation Pas vu à la télé, qui n'est qu'un aperçu : la création n'a jamais été si foisonnante.» «La télé, t'y vas ou t'y vas pas, mais il faut au moins qu'on te le propose», complète Christian Olivier, des Têtes raides, nommés pour la première fois aux victoires de la musique en 2001, après seize ans d'existence.
Quand on lui a proposé de chanter Tout le bonheur du monde au 13 heures de France 2, le 21 juin 2005, Mike a changé au dernier moment de couplet: «Bienvenue en chiraquie/ Démocratie s'fait monarchie/ T'étonnes pas si ça chie.» C'était du direct. Panique, générique. Sur les blogs de fans, on continue de crier à la censure. Mike, lui, dit s'être fait engueuler comme jamais dans sa vie. Dans la pure tradition des Boris Vian, Renaud et autres bouffeurs de curetons, flics, fachos et politiciens, c'est un pamphlétaire qui s'exprime d'une voix douce et grave, interrompue par quelques bouffées de cigarette. On ne l'imagine pas autrement que dans le tutoiement : il a croisé son militantisme buté avec l'anarchisme tranquille de Georges Brassens, convié à sa sauce reggae (la Mauvaise Réputation).
Quand il se lance dans la musique en autodidacte, aucune maison de disques ne veut signer un groupe de reggae grenoblois. On est pourtant, dans les années 90, en plein retour de la musique acoustique. Alors, s'endettant pour 80 000 francs, Mike, son complice Riké (chant, guitare) et leurs copains autoproduisent en 1996 l'album fondateur de Sinsemilia, Première Récolte . Dépôt dans les Fnac. On commence à parler d'eux. C'est l'époque où Louise Attaque, Dionysos et la Grande Sophie émergent également sans qu'on n'ait rien vu venir, par les bistrots, les premières parties et un bouche à oreille chez des étudiants ne se contentant pas de ce qu'on leur propose sur les radios ­ pourtant contraintes depuis peu à 40 % de diffusion francophone. Sinsemilia ou l'écho d'une génération dont les goûts échappent aux sondages.
Dix ans après, Mike est resté quasiment le même. Toujours de gauche, mais il ne dit pas pour qui il votera à la présidentielle, par respect pour les autres membres de Sinsemilia, pas tous de la même sensibilité. Changements : une maison dans la Drôme, deux filles de 5 et 3 ans et un meilleur salaire. Pas de quoi flamber cependant: 2 500 euros en moyenne, entre intermittence et droits d'auteur. Pour son dernier Olympia, il a touché 200 euros. Il se sent privilégié. «En tant que jeune père de famille, je ne vois autour de moi que des gens dans la merde. Pourtant, ce sont des gens qui travaillent.» Mike se dit choqué par la «pauvreté et la non urgence à la traiter. C'est une fatalité, un chiffre, des statistiques».
Dates clés : le 10 mai 1981, élection de François Mitterrand, le lendemain, mort de Bob Marley. «Dès lors, ces jours-là, je n'allais pas à l'école, comme une commémoration.» Avant que l'une de ses deux grandes soeurs ne ramène un disque de Bob Marley à la maison, il était un petit garçon qui n'aimait pas grand-chose d'autre que se balader dans les bois. A l'école, un copain, Riké, vient également de découvrir Marley grâce à son grand frère. Ils vivent, mangent, jouent (au foot) reggae. Des lacets au béret, ils sont aux trois couleurs vert, jaune, rouge, de l'Afrique opprimée ­ plus que de la Jamaïque, une «destination pour touristes américains». A l'époque où les petits disquaires sont en train de se faire bouffer par les hypermarchés et où les irrévérencieux Enfants du rock ne sont plus qu'un souvenir du service public, Mike et Riké dévalisent le rayon reggae de la Fnac de Grenoble. Le nom d'un plant de cannabis leur inspire Sinsemilia. Premier concert le 21 juin 1991, fête de la musique, sur un trottoir. Depuis, Mike nous assure qu'il a changé, s'est ouvert. Il n'est plus un adolescent. La politesse serait pourtant de ne jamais le vouvoyer.
photo STEPHANE LAVOUE
Mike en 5 dates 26 février 1972 Naissance à Grenoble. Mai 1981 Election de François Mitterrand, mort de Bob Marley. 1996 Premier album, Première récolte. 1998 Deuxième album, Résistances, avec la Mauvaise Réputation de Brassens. 2004 Album Debout les yeux ouverts, avec Tout le bonheur du monde.


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