«L'être humain a droit à la folie et à l'ivresse, mais jusqu
Posté: 21 Jan 2013, 04:08
http://www.liberation.fr/actualite/soci ... 421.FR.php
Michel Reynaud, psychiatre, rapporteur du plan Addictions 2007-2011 :
«L'être humain a droit à la folie et à l'ivresse, mais jusqu'où le laisser prendre des risques ?»
Par Julie LASTERADE
QUOTIDIEN : jeudi 16 novembre 2006
Michel Reynaud, psychiatre et spécialiste des addictions à l'hôpital Paul-Brousse (Villejuif), est l'un des cinq rapporteurs mandatés pour réfléchir sur le plan Addictions 2007-2011. Il explique pourquoi certains produits sont addictifs et la difficulté de concevoir des messages de prévention.
Sur le même sujet
Un plan Addictions sur cinq ans
Comment chiffre-t-on le nombre de personnes dépendantes dans un pays ?
L'Office français des drogues et des toxicomanies dispose d'outils d'enquête très performants. Ce sont à la fois ces questionnaires systématiques, remplis par les jeunes lors de la Journée d'appel de préparation à la défense, et les enquêtes santé faites dans la population. Cela nous permet d'en extrapoler l'état des consommations et des dépendances. Mais pour les addictions comportementales nous ne disposons pas d'outils d'évaluation. Il est très compliqué de définir la limite entre un comportement normal, excessif ou pathologique.
A partir de quand peut-on considérer qu'une consommation ou un comportement sont devenus pathologiques ?
Cela devient pathologique lorsque cela devient plus nocif que source de plaisir, lorsque notre comportement nous met en difficulté et que l'on continue quand même. Le patient dépendant du jeu, par exemple, s'endette, emprunte en sachant qu'il ne pourra pas rembourser. C'est pareil pour ceux accrocs au sport ou au sexe. Cela devient pour eux l'objet unique de plaisir. Lorsqu'on est follement amoureux, cela envahit notre esprit, on est capable de tout faire. A l'inverse quand votre amour vous manque, vous souffrez, votre mémoire est envahie par des souvenirs qui reviennent comme des coups de poignard. C'est cela qu'éprouve la personne addictive.
Existe-t-il des substances plus addictives que d'autres ?
Nous sommes fabriqués pour être dépendants d'autrui. Le prototype de l'addiction, c'est la dépendance amoureuse. Si les substances addictives marchent si bien, c'est parce qu'elles viennent se greffer sur nos circuits du manque et du plaisir. Plus un produit est fort et agit rapidement, plus on s'accroche. Les hypnotiques sont plus addictifs que les tranquillisants, les alcools forts plus que les consommations régulières, le Rapido plus que la loterie nationale. Les fabricants de jeux mettent au point des jeux de plus en plus addictifs sur ces bases-là. Ils provoquent des pics d'excitation. Ils forcent nos neurones qui ne sont pas adaptés à cette brutalité. Normalement, ils fonctionnent sur une régulation lente et douce du plaisir.
Pourquoi est-ce si difficile de prévenir ces comportements ?
On a longtemps pensé qu'il suffisait d'agir sur le produit pour régler le problème. Mais cette politique fonctionne tant qu'on est raisonnable. Les plus dépendants ne le sont plus, ils achèteront du tabac ou de l'alcool quel que soit le prix. D'autre part, le tabac, l'alcool ou le cannabis provoquent du plaisir chez certains et des dommages chez les autres. Comment ne pas interdire le plaisir à beaucoup tout en protégeant les plus vulnérables ? Un être humain n'est pas fait pour être que raisonnable, il a le droit à la folie et à l'ivresse, mais jusqu'où le laisser prendre des risques et du plaisir ? La prévention doit intégrer ces notions compliquées.
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Michel Reynaud, psychiatre, rapporteur du plan Addictions 2007-2011 :
«L'être humain a droit à la folie et à l'ivresse, mais jusqu'où le laisser prendre des risques ?»
Par Julie LASTERADE
QUOTIDIEN : jeudi 16 novembre 2006
Michel Reynaud, psychiatre et spécialiste des addictions à l'hôpital Paul-Brousse (Villejuif), est l'un des cinq rapporteurs mandatés pour réfléchir sur le plan Addictions 2007-2011. Il explique pourquoi certains produits sont addictifs et la difficulté de concevoir des messages de prévention.
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Un plan Addictions sur cinq ans
Comment chiffre-t-on le nombre de personnes dépendantes dans un pays ?
L'Office français des drogues et des toxicomanies dispose d'outils d'enquête très performants. Ce sont à la fois ces questionnaires systématiques, remplis par les jeunes lors de la Journée d'appel de préparation à la défense, et les enquêtes santé faites dans la population. Cela nous permet d'en extrapoler l'état des consommations et des dépendances. Mais pour les addictions comportementales nous ne disposons pas d'outils d'évaluation. Il est très compliqué de définir la limite entre un comportement normal, excessif ou pathologique.
A partir de quand peut-on considérer qu'une consommation ou un comportement sont devenus pathologiques ?
Cela devient pathologique lorsque cela devient plus nocif que source de plaisir, lorsque notre comportement nous met en difficulté et que l'on continue quand même. Le patient dépendant du jeu, par exemple, s'endette, emprunte en sachant qu'il ne pourra pas rembourser. C'est pareil pour ceux accrocs au sport ou au sexe. Cela devient pour eux l'objet unique de plaisir. Lorsqu'on est follement amoureux, cela envahit notre esprit, on est capable de tout faire. A l'inverse quand votre amour vous manque, vous souffrez, votre mémoire est envahie par des souvenirs qui reviennent comme des coups de poignard. C'est cela qu'éprouve la personne addictive.
Existe-t-il des substances plus addictives que d'autres ?
Nous sommes fabriqués pour être dépendants d'autrui. Le prototype de l'addiction, c'est la dépendance amoureuse. Si les substances addictives marchent si bien, c'est parce qu'elles viennent se greffer sur nos circuits du manque et du plaisir. Plus un produit est fort et agit rapidement, plus on s'accroche. Les hypnotiques sont plus addictifs que les tranquillisants, les alcools forts plus que les consommations régulières, le Rapido plus que la loterie nationale. Les fabricants de jeux mettent au point des jeux de plus en plus addictifs sur ces bases-là. Ils provoquent des pics d'excitation. Ils forcent nos neurones qui ne sont pas adaptés à cette brutalité. Normalement, ils fonctionnent sur une régulation lente et douce du plaisir.
Pourquoi est-ce si difficile de prévenir ces comportements ?
On a longtemps pensé qu'il suffisait d'agir sur le produit pour régler le problème. Mais cette politique fonctionne tant qu'on est raisonnable. Les plus dépendants ne le sont plus, ils achèteront du tabac ou de l'alcool quel que soit le prix. D'autre part, le tabac, l'alcool ou le cannabis provoquent du plaisir chez certains et des dommages chez les autres. Comment ne pas interdire le plaisir à beaucoup tout en protégeant les plus vulnérables ? Un être humain n'est pas fait pour être que raisonnable, il a le droit à la folie et à l'ivresse, mais jusqu'où le laisser prendre des risques et du plaisir ? La prévention doit intégrer ces notions compliquées.
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