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Petits arrangements avec l'interdit

MessagePosté: 21 Jan 2013, 04:06
par daniel
Pubdate: 17/6/06
Source: Libération
Copyright: © Libération
Website: http://www.liberation.fr
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Evénement

Cannabis
Petits arrangements avec l'interdit
Entre répression et prévention, la banalité du cannabis dans les lycées et
collèges.

Par Guillemette ECHALIER et Véronique SOULE
samedi 17 juin 2006

Un jour, rentrée déjeuner chez elle, Caroline, cadre parisienne, reçoit un
coup de fil : «Votre fils est au poste pour infraction à la législation sur
les stupéfiants. Vous pouvez venir le chercher.» «J'étais bouleversée. J'ai
eu l'impression que mon fils de 16 ans était un délinquant. Nous y sommes
allés à deux avec mon mari pour marquer le coup.» Samuel, en seconde, a été
repéré près de son lycée en train de fumer, puis embarqué en fourgon. «La
police connaît les caches où les jeunes se retrouvent et ils organisent des
rondes autour des lycées», poursuit Caroline. Samuel s'est fait interpeller
à trois reprises. «La première fois, comme il était correct, l'inspecteur
n'a pas donné suite. La deuxième, il a été convoqué au tribunal de grande
instance pour un rappel à la loi.» D'après sa mère, ça n'a pas fait changer
son fils d'avis sur le cannabis: il évite juste, désormais, d'en fumer sur
la voie publique.

Banal. L'expérience de Caroline est banale. En 2004, sur les 91 700
interpellations pour usage de cannabis, près de 12 000 ont concerné des
mineurs, essentiellement des 16-17 ans. En province ou dans les grandes
villes, dans les quartiers difficiles ou huppés, pas un établissement
scolaire n'est épargné. Dès la quatrième au collège, mais surtout au lycée,
enseignants et responsables sont confrontés au problème. Dans les cours de
récré, les élèves ne se gênent pas pour raconter leurs fêtes enfumées du
samedi soir. Entre les cours, de plus en plus de lycées étant sans tabac,
ils s'agglutinent devant les portes pour fumer, pas toujours du tabac. Plus
rare, certains ont été surpris dans les couloirs mêmes de l'établissement
en train de vendre des barres de shit ou de l'herbe - le seul cas où le
proviseur est tenu d'avertir la police.

«C'est entré dans les moeurs. Un élève qui fume un pétard à l'extérieur
avec ses copains, ça ne nous regarde pas. En revanche quand cela a un
retentissement sur ses études et qu'il commence à se marginaliser, nous ne
restons pas les bras croisés», se félicite Marie-Laure, prof de maths. Face
à un élève en perdition, qui donne des signes manifestes de toxicomanie,
les procédures sont désormais rodées : l'infirmière, le médecin scolaire et
le psychologue sont alertés, parfois face à des comportements agressifs,
des sanctions disciplinaires sont prises. Pour expliquer, la même
expression revient dans la bouche des enseignants : «Une expression de
mal-être.»

Prévention. Mais «les établissements n'étant pas des hôpitaux», pour
reprendre l'expression de l'un d'eux, ils misent sur la prévention. Les
élèves du secondaire reçoivent des informations sur les risques de la
consommation de drogues - cannabis et herbe comme les cocktails
médicamenteux - durant le cours de sciences et vie de la terre (SVT) ou
d'éducation civique, mais aussi lors de conférences. Dans le cadre d'un
programme «d'éducation à la santé et à la citoyenneté», associations, mais
aussi policiers, gendarmes ou médecins viennent dans les établissements. Le
message est clair - fumer n'est pas anodin - et vise la banalisation du
geste - un joint vaut bien un verre de vin. «L'école n'est ni impuissante
ni démunie face au problème», assure Didier Jourdan, professeur des
universités, qui vient d'organiser un séminaire sur les addictions pour les
formateurs des IUFM, «mais encore faut-il la maintenir dans sa mission qui
est de dire ce qui est légal ou pas, afin que l'élève soit en mesure de
faire un choix responsable».

http://www.liberation.fr/page.php?Article=391052



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